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Le 28 avril 2021, le Conseil d’État a rendu une décision n° 440734 mentionnée aux Tables du Lebon, par laquelle il clarifie les conséquences de l’annulation, par le juge, d’un arrêté portant dérogation aux interdictions de destruction de spécimens d’espèces animales et végétales protégées et de leurs habitats (DDEP). Le Conseil d’État précise notamment les conséquences que le préfet doit tirer d’une telle annulation et opère à cet égard une distinction selon que celle-ci intervient avant (I.) ou après la réalisation des travaux (II.).
Lorsqu’une DDEP a fait l'objet d'une annulation contentieuse – que la dérogation ait été délivrée dans le cadre d’une autorisation d’exploiter une ICPE (ancien régime) ou d’une autorisation environnementale (auquel cas l’annulation porte sur la partie de l’AE tenant lieu de DDEP) –, le Conseil d’État rappelle qu’il appartient au préfet de mettre en oeuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 171-7 du code de l'environnement.
Ces mesures et sanctions administratives, qui sont indépendantes des éventuelles poursuites pénales, consistent à :
Outre le rappel des pouvoirs de police dont le préfet peut faire usage au titre des dispositions précitées du code de l’environnement, le Conseil d’État indique que cette même autorité peut, le cas échéant, abroger l'autorisation d'exploiter ou l'AE en tenant lieu.
Cette hypothèse n’est pas évoquée par le rapporteur public dans ses conclusions sur l’arrêt commenté mais elle apparaît en lien avec le rôle central assigné au préfet à la suite d’une annulation de DDEP. En effet, la Haute juridiction précise que ce dernier, tenant compte de la situation de droit et de fait applicable à la date à laquelle il se prononce, doit tirer les conséquences de la décision juridictionnelle d’annulation et de l’autorité de chose jugée qui s’y attache.
Pour ce faire, il appartiendra sans doute au préfet de distinguer selon les motifs d’annulation de la DDEP et, en conséquence, en fonction des possibilités ouvertes de régularisation.
Aussi, lorsque, comme au cas d’espèce, une DDEP a été annulée pour défaut de raison impérative d’intérêt public majeur du projet, vice difficilement régularisable, le préfet sera amené à prononcer l’abrogation de l’autorisation d’exploiter ou de l’AE en tenant lieu.
Alors même que la DDEP a été annulée pour un motif de fond (RIIPM) et est dès lors réputée n’avoir jamais existé, le Conseil d’État tient compte des effets qu’elle a produits avant son annulation et peut ainsi constater qu’elle a été exécutée. Il ménage alors une issue favorable pour les installations en cours d’exploitation.
Plus précisément, il considère que « dans l’hypothèse où la situation de fait telle qu'elle existe au moment où l'autorité administrative statue à nouveau, ne justifie plus la délivrance d'une DDEP », le préfet doit rechercher si l’exploitation peut être poursuivie. Dans ce cas, il peut imposer des prescriptions complémentaires et/ou délivrer une décision modificative ou une nouvelle AE :
Le Conseil d’État a adopté une « approche médiane » qui permet de trouver un équilibre entre pragmatisme et nécessité de protéger les espèces. Il semble ainsi ouvrir la voie à la sécurisation des situations acquises en raison de la réalisation des travaux préalables à l’exploitation d’une ICPE ayant conduit, dans le passé, à solliciter une DDEP.
Les juges ne dissipent toutefois pas l’ensemble des ambiguïtés.
Quid en effet de la situation dans laquelle les travaux ne sont pas achevés mais suffisamment avancés ? Une abrogation est-elle alors légale ou le préfet doit-il envisager une régularisation ?
En outre, une telle prise en compte de l’exécution des travaux (et donc de la destruction des espèces) peut-elle être étendue à l’hypothèse où un porteur de projet devenu exploitant n’aurait jamais demandé de DDEP, alors même qu’une telle dérogation était requise ?
Enfin, cette solution vaut pour une AE dès lors que celle-ci devient incomplète et par suite illégale en cas de DDEP annulée, des questions se posent s’agissant du caractère exécutoire d’un permis de construire délivré à l’occasion d’une opération nécessitant également une DDEP.
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AE : autorisation environnementale
C. env. : code de l’environnement
ICPE : installation classée pour la protection de l’environnement
DDEP : dérogation pour la destruction d’espèces protégées et de leurs habitats
RIIPM : raison impérative d’intérêt public majeur
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Le 28 avril 2021, le Conseil d’État a rendu une décision n° 440734 mentionnée aux Tables du Lebon, par laquelle il clarifie les conséquences de l’annulation, par le juge, d’un arrêté portant dérogation aux interdictions de destruction de spécimens d’espèces animales et végétales protégées et de leurs habitats (DDEP). Le Conseil d’État précise notamment les conséquences que le préfet doit tirer d’une telle annulation et opère à cet égard une distinction selon que celle-ci intervient avant (I.) ou après la réalisation des travaux (II.).
Lorsqu’une DDEP a fait l'objet d'une annulation contentieuse – que la dérogation ait été délivrée dans le cadre d’une autorisation d’exploiter une ICPE (ancien régime) ou d’une autorisation environnementale (auquel cas l’annulation porte sur la partie de l’AE tenant lieu de DDEP) –, le Conseil d’État rappelle qu’il appartient au préfet de mettre en oeuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 171-7 du code de l'environnement.
Ces mesures et sanctions administratives, qui sont indépendantes des éventuelles poursuites pénales, consistent à :
Outre le rappel des pouvoirs de police dont le préfet peut faire usage au titre des dispositions précitées du code de l’environnement, le Conseil d’État indique que cette même autorité peut, le cas échéant, abroger l'autorisation d'exploiter ou l'AE en tenant lieu.
Cette hypothèse n’est pas évoquée par le rapporteur public dans ses conclusions sur l’arrêt commenté mais elle apparaît en lien avec le rôle central assigné au préfet à la suite d’une annulation de DDEP. En effet, la Haute juridiction précise que ce dernier, tenant compte de la situation de droit et de fait applicable à la date à laquelle il se prononce, doit tirer les conséquences de la décision juridictionnelle d’annulation et de l’autorité de chose jugée qui s’y attache.
Pour ce faire, il appartiendra sans doute au préfet de distinguer selon les motifs d’annulation de la DDEP et, en conséquence, en fonction des possibilités ouvertes de régularisation.
Aussi, lorsque, comme au cas d’espèce, une DDEP a été annulée pour défaut de raison impérative d’intérêt public majeur du projet, vice difficilement régularisable, le préfet sera amené à prononcer l’abrogation de l’autorisation d’exploiter ou de l’AE en tenant lieu.
Alors même que la DDEP a été annulée pour un motif de fond (RIIPM) et est dès lors réputée n’avoir jamais existé, le Conseil d’État tient compte des effets qu’elle a produits avant son annulation et peut ainsi constater qu’elle a été exécutée. Il ménage alors une issue favorable pour les installations en cours d’exploitation.
Plus précisément, il considère que « dans l’hypothèse où la situation de fait telle qu'elle existe au moment où l'autorité administrative statue à nouveau, ne justifie plus la délivrance d'une DDEP », le préfet doit rechercher si l’exploitation peut être poursuivie. Dans ce cas, il peut imposer des prescriptions complémentaires et/ou délivrer une décision modificative ou une nouvelle AE :
Le Conseil d’État a adopté une « approche médiane » qui permet de trouver un équilibre entre pragmatisme et nécessité de protéger les espèces. Il semble ainsi ouvrir la voie à la sécurisation des situations acquises en raison de la réalisation des travaux préalables à l’exploitation d’une ICPE ayant conduit, dans le passé, à solliciter une DDEP.
Les juges ne dissipent toutefois pas l’ensemble des ambiguïtés.
Quid en effet de la situation dans laquelle les travaux ne sont pas achevés mais suffisamment avancés ? Une abrogation est-elle alors légale ou le préfet doit-il envisager une régularisation ?
En outre, une telle prise en compte de l’exécution des travaux (et donc de la destruction des espèces) peut-elle être étendue à l’hypothèse où un porteur de projet devenu exploitant n’aurait jamais demandé de DDEP, alors même qu’une telle dérogation était requise ?
Enfin, cette solution vaut pour une AE dès lors que celle-ci devient incomplète et par suite illégale en cas de DDEP annulée, des questions se posent s’agissant du caractère exécutoire d’un permis de construire délivré à l’occasion d’une opération nécessitant également une DDEP.
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AE : autorisation environnementale
C. env. : code de l’environnement
ICPE : installation classée pour la protection de l’environnement
DDEP : dérogation pour la destruction d’espèces protégées et de leurs habitats
RIIPM : raison impérative d’intérêt public majeur