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Depuis la loi NOTRe, les transferts de compétences entre collectivités n’ont cessé de s’accroître. La forme de coopération prévue par l’article L. 5111-1 alinéa 1 du CGCT permet d’aboutir, à l’issue du processus de transfert, à une mutualisation des services aboutie et pérenne. Dans l’intervalle toutefois, les rapports entre collectivités peuvent s’avérer délicats, notamment lorsqu’il est question d’obtenir des documents indispensables pour la passation de contrats de la commande publique (1). C’est dans ce contexte que le recours au référé mesures-utiles prévu à l’article L. 521-3 du CJA peut s’avérer opportun. Cette procédure, bien que subsidiaire, apparaît en effet adéquate pour obtenir la communication de documents en urgence. Peu usité dans les relations entre les collectivités, le référé mesures-utiles est pourtant un outil adapté (I.) tout autant qu’efficace (II.).  

I. Le référé mesures-utiles, un outil adapté

Une alternative à la saisine de la CADA

La liberté d’accès aux documents administratifs, rappelée à l’article L. 300-1 du CRPA, englobe les demandes de transmission formulées entre collectivités. Or, il arrive que certaines d’entre elles se montrent réticentes à accéder à de telles demandes.

Dans cette configuration, pour des collectivités faisant face à des impératifs toujours plus forts et à brève échéance (renouveler des contrats de la commande publique ; assurer la continuité et mutabilité des services publics ; mener à bien les transferts de compétences ; etc.), la saisine de la CADA (2) ne constitue pas la solution la plus opérationnelle. Cette procédure nécessite effectivement du temps, ce dont les collectivités, le plus souvent, ne disposent pas. 

En effet, pour aller devant la CADA, il est nécessaire de formuler une première demande auprès de la collectivité détenant les documents souhaités. Cette dernière peut expressément refuser d’accéder à la demande ou garder le silence durant un mois, ce qui constitue un refus implicite. En présence de tels refus, la CADA peut être saisie (sachant que cette saisine constitue un préalable obligatoire à la contestation du refus au contentieux). Cette commission se prononce dans un délai de deux mois, faute de quoi le recours devant elle est réputé rejeté. En cas d’avis négatif de la CADA ou de réitération du refus initial par la collectivité récalcitrante en dépit d’un avis favorable de la CADA, le juge pourra alors être saisi.

La lourdeur de cette procédure empêche souvent les collectivités d’assurer correctement leurs missions en temps et en heure. 

Dans ce contexte, la saisine du juge du référé mesures-utiles peut s’avérer une action contentieuse plus efficace : juge de l’urgence, il devra en effet se prononcer dans les meilleurs délais. 

La relative souplesse des conditions de recevabilité

Si le référé mesures-utiles est assez souvent mis à profit par les administrés en matière de communication de documents administratifs, il est bien moins utilisé à cette fin par les collectivités. Pourtant, la relative souplesse de ses conditions de recevabilité constitue, pour celles-ci également, un véritable atout. Ainsi :

  1. la condition d’urgence est assez aisément satisfaite, notamment lorsqu’il s’agit de préparer, à court -voire moyen- terme, un contrat de la commande publique ou un transfert de compétences ;
  2. il en va de même pour ce qui est de la condition tenant à l’utilité de la demande. Sera ainsi, par exemple, satisfaite toute demande de communication qui apparaît « nécessaire à la continuité et au bon fonctionnement du service public » (3) ;
  3. plus délicate est la condition s’attachant à l’absence d’obstacle à l’exécution d’une décision administrative. En ce sens, le refus de la collectivité, de transmettre des documents, est une décision administrative(4). Ainsi, introduire un référé mesures-utiles afin de contrer ce refus constitue un obstacle à l'exécution d'une décision administrative. Pour pallier ce risque d'irrecevabilité, il convient d'introduire le référé mesures-utiles juste après avoir formé la demande de communication afin d'éviter une quelconque réponse du destinataire(5).

Précisons enfin que ce recours est recevable en l'absence de recours parallèle au fond (contrairement au

référé-suspension (6)) et, on l’a vu, sans décision administrative préalable, ce qui assure un gain de temps indéniable pour celui qui l’intente.

II. Le référé mesures-utiles, un outil efficace

Un juge doté de forts pouvoirs

Alors que le référé mesures-utiles constitue un recours subsidiaire au regard des référés d'urgence plus classiques (tels le référé-liberté ou le référé-suspension) (7), l’office du juge n’y est pas moins efficient. 

Par nature, il lui revient en effet de prononcer des injonctions de faire (dès lors qu’elles sont « utiles »), parfois à destination de personnes privées, mais également (le plus fréquemment) à l’encontre d’administrations.

Dès lors, et bien que l'article L. 511-1 du CJA rappelle que le juge du référé peut uniquement, en principe, prononcer des mesures provisoires, il peut toutefois faire droit à la demande d’ordonner à la collectivité défaillante la communication des documents qu’elle détient. Cette mesure prononcée par le juge du référé mesures-utiles n'est pas contraire à ses attributions.

Par ailleurs, lorsque ce dernier enjoint à une collectivité de délivrer un document, il lui fixe un bref délai pour s’y conformer.

Il a même la possibilité d’assortir cette injonction d’une astreinte. Toutefois, dans le contexte des relations entre collectivités où la recherche d’une certaine harmonie doit être de mise, la radicalité d’une telle demande peut sembler inadaptée. 

Une solution rapide et possiblement consensuelle

Face à un refus de transmission de documents, la démarche contentieuse est souvent exclue par les collectivités car perçue comme chronophage et susceptible de crisper encore plus une situation déjà problématique.

  • Sur le premier point, on doit relever que le juge du référé mesures-utiles, juge unique, se prononce dans un délai variant entre quelques jours et un mois, selon l’urgence de la situation. On mesure tout l’intérêt d’intenter un tel recours plutôt que de suivre la voie « normale » qui, durant plusieurs mois, s’enlise dans les méandres de l’opposition du refus initial, de l’avis de la CADA et de l’éventuel contentieux qui s’ensuit. Et ce, d’autant plus lorsque la CADA a eu, dans des affaires précédentes, l’occasion de se prononcer sur le caractère communicable du type de documents au cœur du litige…
  • Sur le second point, il n’est pas rare qu’une telle démarche contentieuse, en raison justement de sa brièveté et des échanges -éventuellement oraux- qu’elle suscite entre les protagonistes, parvienne à débloquer la situation avant même que le juge ait à se prononcer, ce qui aboutit à un non-lieu à statuer dès lors que les documents en litige auront été effectivement communiqués.

Utiliser cette voie de droit peut ainsi apparaître comme une stratégie contentieuse susceptible de débloquer rapidement la situation. D'une part, par la survenance d’une décision juridictionnelle rapide, et d'autre part, par la création d’un rapport de force susceptible d'ouvrir de nouveaux échanges. 

Quelques précisions

  1. La passation de contrats de la commande publique suppose en effet, afin d'établir un appel d'offre dans l'objectif de renouveler un marché public ou une DSP, de connaître les informations sur le contrat qui arrive à échéance. Ces données sont en effet primordiales puisqu'elles permettent au pouvoir adjudicateur de définir ses besoins et d'ajuster le contrat futur sur le double aspect juridique et financier. 
  2. article L. 340-1 CRPA.
  3. CE 29 juillet 2002, CH d’Armentières, n°243500.
  4. CE 18 novembre 2015, Section française OIP, n°383189 ; CE 04 février 2021 n°441048.
  5. CE, 28 novembre 2018, Fock Sho Thien, n°420343.
  6. article L. 521-1 CJA.
  7. CE, 27 mars 2015, n°385332.

Abréviations

CGCT : code général des collectivités territoriales 

CJA : code de justice administrative

CADA : commission d’accès aux documents administratifs

CRPA : code des relations entre le public et l’administration

DSP : délégation de service public

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