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L’Assemblée nationale a adopté le 15 octobre 2025 la loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement. Depuis 30 ans, une dizaine de textes se sont succédé, avec toujours comme objectifs de rationaliser les recours et faire accélérer la mise en œuvre des projets : obligation de notification avec la loi dite Bosson, limitation de l’intérêt à agir des associations par la loi ENL, renforcement de la motivation des refus par la loi dite Macron, extension de la notion de recours abusif avec la loi ELAN, etc. La loi de simplification s’inscrit naturellement dans ce mouvement, justifié par une crise du logement enlisée.

Dans l’attente de sa promulgation (après éventuelles censures partielles ou non), nous proposons d’analyser les modifications importantes qu’elle prévoit s’agissant du contentieux du refus et des recours contre les permis de construire ou les documents d’urbanisme.

1. Le contentieux du refus du permis modelé pour accélérer la mise en chantier des projets immobiliers

1.1 La limitation dans le temps des possibilités de substituer des motifs de refus (art. L. 600-2 c. urb.)

Il est une difficulté d’importance en matière de refus de permis de construire : si, en principe, le maire est tenu d’indiquer intégralement les motifs justifiant la décision, rien n’empêche en cours de contentieux de procéder à une substitution de motifs1.

Or, il existe une pratique courante (si ce n’est dilatoire2) en contentieux qui consiste à distiller des motifs nouveaux de refus tout au long de l’instance, voire pour la première fois en appel, ce qui a pour effet de retarder le traitement de ces affaires.

Pour y remédier, le législateur a entendu enserrer cette possibilité dans un délai.

L’administration ne pourrait invoquer de nouveaux motifs  de refus au-delà d’un délai de deux mois à compter de l’enregistrement du recours contentieux

1.2 L’instauration d’une présomption d’urgence en cas de demande de référé-suspension à l’encontre d’un refus d’une autorisation d’urbanisme (art. L. 600-3 c. urb.)

L’utilisation du référé-suspension en matière de refus de permis de construire est bien souvent voué à l’échec dès lors que la condition d’urgence3 n’est retenue par le juge qu’à la condition que le demandeur soit dans une position financière critique.

Or, les refus illégaux retardent pendant de nombreux mois et de manière injustifiée le lancement des chantiers4. C’est pour accélérer le traitement de ces recours que le législateur a entendu aligner le régime du référé-suspension du refus sur celui du permis.

En effet, la loi ELAN du 23 novembre 2018, avait introduit une présomption d’urgence pour les référés dirigés contre les autorisations d’urbanisme5.

La réforme viendrait étendre la présomption d’urgence du référé-suspension portant sur des décisions de refus.

2. Un accès au juge à nouveau limité dans un but d’accélération des projets immobiliers et de territoire

2.1 La neutralisation du recours gracieux (art. L. 600-12-2 c. urb.)

Toute décision administrative peut à tout moment faire l’objet d’un recours administratif (gracieux ou hiérarchique). Néanmoins, ce recours n’a pour effet de proroger le délai de recours contentieux que s’il est introduit dans le délai de recours de deux mois (à compter de l’affichage pour les permis, de la réception de la décision pour les refus).

Compte tenu du ralentissement des projets que ces recours induisent et du « faible nombre de recours administratifs qui donnent lieu à une décision favorable du maire »6, le législateur a introduit un nouveau dispositif.

Le recours gracieux à l’encontre d’une décision d’urbanisme ne pourrait plus être introduit au-delà d’un délai d’un mois et n’aurait plus pour effet de proroger le délai de recours contentieux7.

Si ce dispositif a pour objet d’accélérer le contentieux, il a aussi pour effet de raccourcir le délai dans lequel les parties peuvent trouver des solutions négociées...

2.2 Le recours contre les documents d’urbanisme restreint (art. L. 600-1-1 c. urb.)

Un dernier dispositif a été introduit afin de réduire l’accès des requérants au juge, cette fois s’agissant des documents d’urbanisme.

Selon l’exposé des motifs de l’amendement, l’objectif serait de « prévenir l’usage purement dilatoire des recours, au profit d’une évaluation en amont de l’acceptabilité du document » 8.

Ainsi, seules seraient recevables à introduire un recours contre un document les personnes ayant pris part à la participation du public (enquête publique, PPVE, mise à disposition).

Toujours selon l’exposé des motifs de l’amendement, ce dispositif viendrait pallier la frustration des auteurs de PLU de voir une remise en cause sérieuse du document, alors qu’il ne serait plus possible pour eux de tenir compte des observations du requérant, ce qui aurait pu éviter un contentieux post-approbation.

Quelques précisions :

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 octobre par plus de soixante députés afin de contester certains articles relatifs aux contentieux :

-l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme (intérêt à agir des tiers contre une décision d’approbation d’un document d’urbanisme) ;

-le nouvel article L. 600-12-2 du code de l’urbanisme (modification des délais et des effets du recours gracieux) ;

-l’abrogation de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme (suppression de l’article relatif aux vices de forme et de procédure d’un document d’urbanisme soulevés par voie d’exception).

A noter que le Conseil constitutionnel doit désormais statuer dans le délai d’un mois sur la constitutionnalité de loi. 

Sa saisine suspend le délai de promulgation  jusqu’au jour où la décision du Conseil sera rendue publique.

Références :

1 CE Avis, Section contentieux, 6 février 2004, Hallal, n° 240560, Rec. Leb.

2 Amendement du Sénat en 1ère lecture, n°COM-120 adopté en commission.

3 L’article L. 521-1 du CJA impose de démontrer une condition d’urgence et de démontrer qu’il est fait état d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

4 Amendement du Sénat en 1ère lecture n°82 rect.ter adopté en séance publique.

5 Consacrant ainsi la jurisprudence du Conseil d’État (CE, 9 juin 2004, Dury, n° 265457,Tab. Leb).

6 Amendement du Sénat n°COM-119 adopté en commission (rétablissement de l’article après la suppression par l’Assemblée nationale / cf. Rapport sur la proposition de loi, après engagement de la procédure accélérée, de M. Harold Huwart 1ère lecture AN (1240), n°1378.

7 La décision du CC permettra de confirmer si cette réforme s’appliquera aux refus (cf. courrier saisine en date du 21 octobre 2025 n°2024-896 DC).

8 Amendement du Sénat n°118 adopté en commission.

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