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La clarification des conditions dehttps://riviereavocats.com/wp-content/uploads/2023/03/BDPI-interet-agir.pdf l’intérêt à agir des tiers contre un arrêté de permis de construire

Dans un arrêt récent, le Conseil d’Etat clarifie les conditions de l’intérêt à agir du tiers lorsqu’il forme un recours en excès de pouvoir contre un arrêté de permis, et considère notamment que « le voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt à agir » (CE, 13/04/2016, n° 389798, publié au recueil Lebon).

Cette décision pondère la jurisprudence récente étonnamment restrictive et se rapproche, ce faisant, de l’esprit du rapport Labetoulle et de l’ordonnance de 2013.

LES CONDITIONS POSÉES PAR LE CODE DE L’URBANISME À L’AUNE DE L’ORDONNANCE DE 2013

La définition de l’intérêt à agir des tiers issue de l’ordonnance du 18/12/2013

Le tiers requérant doit justifier, aux termes de l’article L. 600-1-2 du CU, que la construction autorisée par le permis affecte directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’il détient ou occupe régulièrement, ou pour lequel il bénéficie d’une promesse de vente.

Cet article ne s’applique toutefois ni aux collectivités publiques, ni aux associations, ces dernières étant soumises à l’article L. 600-1-1 du CU (cf. Précisions).

A noter que le Conseil d’Etat a refusé de transmettre une QPC contestant la conformité de cette disposition à la Constitution, estimant qu’elle ne portait pas atteinte au droit au recours (CE, 27/06/2014, n° 380645).

Un intérêt à agir apprécié au jour de l’affichage du permis en mairie

L’article L. 600-1-3 du CU dispose que « l’intérêt à agir contre un permis (…) s’apprécie à la date d’affichage en mairie ».

Cette disposition insérée dans le code par l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 a pour objectif d’éviter les intérêts à agir artificiels, résultant d’une location ou acquisition motivée exclusivement par la volonté de contester l’arrêté de permis délivré sur un terrain voisin.

Cette disposition s’applique aux arrêtés de permis pris dès son entrée en vigueur (CE, 18/06/2014, n° 376113, publié au recueil) et pas aux litiges nés avant le 19 juillet 2013 (CAA Marseille, 20/03/2014, n° 13MA02161).

DES INTERPRÉTATIONS JURISPRUDENTIELLES EN MOUVEMENT

L’interprétation étonnamment stricte de l’intérêt à agir

Dans deux arrêts concordants, le Conseil d’Etat avait restreint l’intérêt à agir des voisins, en affirmant que tout requérant doit « préciser l’atteinte qu’il invoque (…) en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation de son bien » (CE, 10/06/2015, n° 386121 CE, 10/02/2016,  n° 387507).

Alors que l’ordonnance de 2013 précédée du rapport Labetoulle, avait pour ambition de mettre un terme aux recours des tiers manifestement dépourvus d’un intérêt à agir, ces arrêts venaient limiter excessivement le droit au recours, de sorte que certains voisins immédiats se voyaient opposer une irrecevabilité pour défaut de preuve de leur intérêt à agir.

Les critères de la charge de la preuve de l’intérêt à agir précisés 

Tout en conservant l’obligation faite au requérant de préciser l’atteinte aux conditions d’occupation de son bien par tout moyen, le Conseil d’Etat affirme, dans l’arrêt susvisé, que « le voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la location du projet de construction ».

Le voisin immédiat est donc présumé avoir intérêt à agir, même si le juge administratif précise qu’il appartient au bénéficiaire du permis attaqué « d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ». Le juge ne va donc pas à l’encontre de l’esprit du texte, qui a vocation à empêcher les intérêts à agir opportunistes et manifestement artificiels.

Précisions

  1. Le juge administratif examine l’intérêt à agir du requérant au regard de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis, aussi bien par le requérant que par le bénéficiaire du permis objet du litige.
  2. Les associations sont exclues du champ d’application de l’article L. 600-1-2 du CU, et sont soumises à l’article L. 600-1-1 en vertu duquel elles ne peuvent contester un permis que si leurs statuts ont été déposés avant la date de son affichage en mairie.
  3. Cette disposition ne s’applique que aux recours formés contre une autorisation d’occupation du sol ; ainsi, un recours contre une décision de préemption, formé par une association qui a déposé ses statuts après ladite décision, est recevable (CE, 01/07/2009, n° 319238)
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