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Après qu’une personne publique ait adopté une délibération approuvant la cession d’un de ses biens immobiliers, celle-ci peut-elle faire l’objet d’un retrait ? 

Dans une décision du 26 janvier 2021 dite « société Pigeon » (n° 433817, Tab.Leb.), le Conseil d’État estime que la personne publique à l’origine de cette cession ne peut régulièrement retirer la délibération approuvant la vente. En effet, la décision de l’organe délibérant a pour effet de parfaire la vente dès lors qu’elle a pour objet de caractériser, entre les parties, un accord sur la chose et sur le prix. Ainsi, la décision devient créatrice de droits et ne pourra être retirée qu’en cas d’illégalité dans un délai de quatre mois, faute de quoi la personne publique sera susceptible d’engager sa responsabilité. 

LES ÉLÉMENTS CARACTÉRISANT LA FORMATION D’UNE VENTE PARFAITE

Une vente est parfaite en cas d’accord sur la chose et le prix 

En vertu de l’article 1583 du code civil, la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ».

Dans sa décision société Pigeon de 2021, le Conseil d’État rappelle que les dispositions précitées relatives au caractère parfait des ventes sont applicables aux cessions immobilières des personnes publiques. 

Ainsi, lorsque l’autorité compétente approuvera la vente1 d’un bien immobilier, celle-ci sera considérée comme parfaite dès lors que cette décision matérialisera un accord sur la chose mais également sur le prix.

Concernant la chose, puisque le vendeur à l’obligation de délivrer le bien, il s’agira dès lors pour les cocontractants d’identifier précisément celui-ci. Pour le prix, il est nécessaire que ces derniers déterminent une contrepartie par application de l’article 1591 du code civil qui dispose que « le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties. ».*

Une certaine souplesse dans la détermination de la chose et du prix

La chose et le prix peuvent ne pas être précisément déterminés. Cela étant, ils devront être à tout le moins déterminables lors de la formation de la vente.

La Cour de cassation a ainsi validé une cession immobilière dont la localisation de la partie « à détacher » n’était pas établie (cfCass., 3èmeciv., 30 janvier 2008, n° 06-20.551). Le Conseil d’État quant à lui, admet le caractère parfait de la vente dont « le terrain (…) était composé de la totalité de cinq parcelles cadastrées ainsi que d'une sixième parcelle "en partie" et un bornage était prévu pour définir les surfaces exactes cédées ».

Il en est de même pour le prix, la Cour de cassation précise qu’il n’est « pas nécessaire que le montant (…) soit fixé, dans le principe, d’une manière absolue ; qu’il suffit, pour la formation de la vente, que le prix puisse être déterminé, en vertu des clauses du contrat, par voie de relation avec des éléments qui ne dépendent plus de la volonté, ni de l’une ni de l’autre des parties »2. Le Conseil d’État dans l’affaire d’espèce a repris cette acception du prix en se contentant d’un « prix initial objectivement déterminable(…) par mètre carré ».

UNE CESSION SANS CONDITION CARACTÉRISE UNE VENTE PARFAITE 

Une vente inconditionnelle est créatrice de droits 

La décision de l’assemblée délibérante se prononçant sur une cession domaniale, dans laquelle sont déterminés  la chose et le prix, tout en ne soumettant la vente à aucune condition, sera constitutive d’une décision créatrice de droits3 (CE, 29 juillet 2020, n° 427738, Tab. Leb.) et en ce cas, la vente sera considérée comme parfaite au sens du code civil (CE, 15 mars 2017, n° 393407, Tab. Leb.). 

Une fois la vente considérée comme parfaite, la propriété est acquise de droit  à l'acheteur à l'égard du vendeur. Dès lors, la personne publique ne pourra, en vertu de l’article L. 242-1 du CRPA, abroger ou retirer cette décision que dans un délai de quatre mois à compter de son édiction et uniquement si elle est illégale.

Il en résulte que les délibérations des collectivités territoriales et autres personnes publiques engagent ces dernières. Le Conseil d’État en 2021 considérant même qu’un retrait pour un motif d’intérêt général ne pouvait être légalement justifié.

Une vente conditionnée n’est pas encore créatrice de droits

Toutefois, s’il s’avère que la vente était conditionnée, l’acte ne deviendra créateur de droits qu’une fois les conditions réalisées. Il a en effet été jugé que « si la délibération d’un conseil municipal autorisant la cession d’un immeuble du domaine privé de la commune constitue en principe un acte créateur de droits, il n’acquiert toutefois ce caractère, lorsqu’une condition est mise à la cession, que lorsque cette condition est réalisée » (CAA Paris, 15 février 2018, n° 16PA01770). 

Nombreuses seraient ici les conditions précisées dans une délibération qui s’opposeraient à ce que la vente puisse être considérée comme parfaite avant leur réalisation (obtention d’un permis de construire, obtention d’un prêt, pré-commercialisation, etc.).

Dans ce cas, la délibération pourra être abrogée pour tout motif et sans condition de délai (art. L. 243-1, CRPA). En revanche, son retrait n’est possible que si la délibération est illégale et uniquement dans un délai de 4 mois à compter de son édiction (art. L. 243-3, CRPA). 

Quelques précisions

 

1 Pour la cession d’un immeuble d’une personne publique, l’organe  délibérant doit se prononcer sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles (voir les articles L. 2241-1L. 3213-2L. 4221-4L. 5211-37 et L. 5722-3 du CGCT).

2 C’est la Cour de Cassation dans un arrêt du 7 janvier 1925 dit « Maljournal c/ Senèze » qui a considéré que le prix pouvait ne pas être déterminé.

3 Il en ira ainsi également des ventes conclues entre personnes publiques, et notamment concernant un bien appartenant au domaine public en application de l’article L. 3112-1  du CGPPP (CE, 29 juillet 2020, n°  427738, Tab. Leb.).

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