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Le Conseil d’Etat, dans sa décision Société Denali Consulting et autres, du 28 janvier 2021 (n° 433619) tranche enfin la question du champ d’application du sursis à statuer et de la possibilité de prononcer une telle décision en cours de modification d’un plan local d’urbanisme. La jurisprudence ambivalente (bien que non fichée sur ce point) à cet égard avait semé le trouble alors qu’une interprétation littérale des textes devait conduire à exclure la possibilité pour une autorité administrative de surseoir à statuer alors qu’une simple procédure de modification était engagée. Les règles sont désormais claires : le SAS en cours d’élaboration ou de révision d’un PLU : oui (I.), le SAS en cours de modification d’un PLU : non (II.).  

I. LE SURSIS À STATUER EN COURS D’ÉLABORATION OU DE RÉVISION D’UN PLU : OUI

La possibilité ouverte de surseoir à statuer en cours d’élaboration et de révision d’un PLU

Le sursis à statuer est une mesure de sauvegarde permettant de différer la décision de l’autorité compétente sur une demande d’autorisation d’urbanisme.

Les articles L. 424-1 et L. 153-11 du code de l’urbanisme prévoient ainsi que le maire peut surseoir à statuer sur toute demande d’autorisation concernant des travaux, constructions ou installations, au cours d’une procédure d’élaboration et de révision d’un PLU à deux conditions :

  • le projet est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreux l’exécution du futur plan ;
  • le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable (PADD) a déjà eu lieu.

Cette décision ne peut excéder une durée de deux ans. A l’issue de ce délai, le pétitionnaire peut confirmer sa demande, dans un délai de 2 mois suivant l’expiration du délai. Dans cette hypothèse, l’autorité compétente peut soit prononcer un nouveau sursis d’un an maximum, fondé nécessairement sur un autre motif que celui du sursis initial, soit délivrer l’autorisation d’urbanisme dans un délai de deux mois (art. L. 424-1 C. urb.).

La condition objective de débat sur les orientations du PADD

Avant la loi n° 2017-86 Égalité et citoyenneté du 27 janvier 2017, l’autorité compétente pouvait surseoir à statuer dès la publication de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un PLU (art. L. 123-6 C. urb.).

Elle devait toutefois vérifier que l’état du projet était suffisamment avancé pour que la décision de sursis puisse être opposée. Ce critère soumis à interprétation a donné lieu à une jurisprudence fournie

Par exemple, le Conseil d’Etat a pu considérer qu’un PADD et un projet de règlement rendus publics et comportant des cartes détaillées du zonage pouvaient permettre de regarder le projet de PLU comme suffisamment avancé (CE, 30 mai 2011, n° 327769).

En fixant une limite temporelle et objective (débat sur les orientations générales du PADD), la loi n° 2017-86 a tenté d’éteindre les incertitudes pesant sur la légalité d’une décision de sursis à statuer.

Le seul débat sur les orientations du PADD, parfois prématuré, ne suffit toutefois pas à établir un projet assez consistant pour permettre de fonder un sursis à statuer (voir par ex CAA Marseille, 18 décembre 2020, n° 18MA05002).

II. LE SURSIS À STATUER EN COURS DE MODIFICATION D’UN PLU : NON

Un sort jusqu‘alors incertain pour le sursis à statuer en cas de modification d‘un PLU

La loi du 27 janvier 2017 n’avait pas éteint toutes les interrogations. 

La lecture littérale de la loi permettait de supposer que devait être de facto exclue la possibilité de surseoir à statuer lorsqu’une procédure de modification du PLU était en cours. En effet, aucun débat sur les orientations du PADD ne saurait avoir lieu dans le cadre d’une « simple » modification d’un PLU (art. L. 153-36 et suiv. C. urb.). Il en va d’ailleurs de même s’agissant de l’ancien article L. 123-6 dès lors que la modification d’un PLU n’est pas prescrite par délibération.

Toutefois, une décision Danglot de décembre 2017 avait semé le doute.

Bien que la décision n’était pas fichée sur ce point, le Conseil d’Etat avait alors considéré comme légal un sursis à statuer prononcé en cours de modification d’un PLU, eu égard à son degré d’avancement, la modification devant être approuvée dans les semaines suivant la décision de sursis à statuer (CE, 18 décembre 2017, n° 380438).

L’exclusion par le CE de la modification d’un PLU du champ d’application du sursis à statuer

Le Conseil d’Etat a mis fin à cette incertitude dans une décision mentionnée aux tables du recueil Lebon, dans laquelle il a « rectifié le tir », pour reprendre les termes du rapporteur public, par rapport à la décision Danglot précitée. 

Le Conseil d’Etat distingue ainsi la procédure de modification de la procédure d’élaboration (à laquelle peut en revanche être rattachée la procédure de révision) et exclut la première du champ d’application du sursis à statuer : 

« l’existence d’une simple procédure de modification d’un document d’urbanisme en cours n’autorisait pas le maire à faire usage de la procédure de sursis à statuer ».

Cette décision a été prise dans une affaire où l’ancien article L. 123-6 du code de l’urbanisme était applicable. Il n’est toutefois pas à douter qu’une telle solution devrait être étendue au nouvel article L. 153-11 du code de l’urbanisme, dont la lecture littérale permet tout autant d’exclure la possibilité de surseoir à statuer en cours de modification d’un PLU.

Quelques précisions

Les conclusions du rapporteur public

Selon le rapporteur public dans ses conclusions sous la décision commentée, la solution simplificatrice tendant à harmoniser le régime du sursis à statuer en cours de modification, de révision et d’élaboration d’un PLU, se serait heurtée à l’intention du législateur, à la logique des textes et à la compréhension qu’en a la doctrine :

  • l’instauration d’un sursis à statuer par le législateur est justifiée par la nécessité de préserver le contenu des documents en cours d’évolution, notamment en raison de la lourdeur et la longueur des procédures, ce qui ne saurait être le cas s’agissant des modifications de PLU ;
  • une lecture littérale des textes (L. 123-6 et L. 153-11 C. urb.) permet d’exclure la procédure de modification des hypothèses de sursis à statuer ;
  • la doctrine administrative (Rép. Min. n° 3696, JO Sénat 19 avril 2018, p. 1920), praticienne et universitaire a analysé les textes dans le sens d’une exclusion de la modification.

Abréviations

C. urb. : code de l’urbanisme

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