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Les règles dérogatoires de prise en compte des dépenses de travaux applicables au titre des années 2018 et 2019 peuvent-elles être remises en cause par l’administration fiscale ?

Alors que la règle dite de la moyenne figure en des termes on ne peut plus clairs au sein de la loi de finances pour 2017, l’administration fiscale vient d’en restreindre considérablement la portée à l’occasion de la publication de sa doctrine.

L’administration fiscale dispose-t-elle d’un tel pouvoir ? Certainement pas, comme vous aurez pu le deviner sur la base de nos précédents bulletins (consultables ici et ici).

LA POSITION DE L'ADMINISTRATION FISCALE

L’ajout d’une condition non-prévue par la loi

La règle de la moyenne est prévue dans la loi de finances pour 2017 en ces termes : « (les dépenses de travaux) sont retenues, pour la détermination du revenu net foncier imposable de l'année 2019, à hauteur de la moyenne des montants respectivement supportés au titre de ces mêmes dépenses en 2018 et en 2019 ».

La doctrine fiscale commentant ces dispositions les paraphrase globalement avant de préciser que « La prise en compte des dépenses de travaux supportées en 2018 sur un bien locatif pour la détermination du revenu net foncier imposable de l’année 2019 au titre de la règle de la moyenne est conditionnée à l’affectation de ce bien en 2019 à la location dans la catégorie des revenus fonciers. A défaut, en l’absence de revenu net foncier imposable au titre de 2019 pour ce bien, la règle de la moyenne ne trouve pas à s’appliquer en 2019. ».

Si la nécessaire affectation du bien à la location nue est une condition nécessaire ne soulevant aucun débat, assimiler cette notion d’affectation à une mise en location effective, et fiscalement positive de surcroît, consiste en revanche à ajouter une condition non-prévue par la loi fiscale.

Les situations obérées par cette condition

Alors que la loi fiscale n’opère aucune distinction parmi les immeubles concernés par l’application de cette règle de la moyenne, l’ajout opéré par la doctrine administrative a pour conséquence d’exclure de son bénéfice ceux d’entre eux qui, dans le courant de l’année 2019, seraient source de moins de revenus qu’ils n’ont nécessités de charges.

Concrètement, les propriétaires de tels immeubles ne subiraient donc que les effets défavorables de cette règle (i.e. l’imputation intégrale des dépenses concernées au titre de l’année 2018, sur un revenu pourtant non-fiscalité et donc sans effet fiscal) sans en avoir la contrepartie légale (i.e. l’imputation de ces mêmes dépenses pour 50% de leur montant au titre de l’année 2019).

Les situations visées peuvent se résumer aux principaux cas suivants :

  • l’immeuble ne serait pas encore mis en location dans le courant de l’année 2019, car les travaux seraient toujours en cours de réalisation ;
  • l’immeuble serait loué dans le courant de l’année 2019 (voire même dès 2018), mais le montant des charges y afférentes supportées au cours de cette même année (hypothèse d’un solde de travaux notamment) serait supérieur au montant des loyers recueillis.

UNE POSITION SANS PORTEE CONTRAIGNANTE

La doctrine administrative n’est pas la loi

L’administration fiscale ne saurait se substituer au législateur : les commentaires qu’elle rédige sur les différents textes adoptés ne constituent que son interprétation de la loi fiscale et non la loi fiscale elle-même.

Pour cette raison, il est solidement ancré en jurisprudence que l’administration fiscale ne peut fonder un redressement à raison du non-respect d’une condition prévue uniquement par sa propre doctrine (nous vous renvoyons à notre précédent bulletin pour des exemples d’annulation de redressements fondés sur de telles conditions).

La doctrine administrative est donc dépourvue d’autorité à l’égard des contribuables, étant toutefois précisé qu’elle engage néanmoins l’administration fiscale car, à l’inverse, le fait qu’un contribuable respecte une doctrine contradictoire avec la loi fera obstacle à toute possibilité de redressement (art. L80 A du LPF).

Quelle conclusion en tirer ?

Cette condition, non-prévue par la loi, ne saurait résister en justice à une argumentation juridique étayée.

Les contribuables ne doivent donc pas se laisser impressionner par l’administration fiscale, quand bien même elle leur adresserait des propositions de rectifications, car c’est bien le juge qui aura le dernier mot le cas échéant (l’administration fiscale persévérant parfois même jusqu’au Conseil d’Etat : Cf. notre précédent bulletin).

Bon à savoir

La première version du projet de loi de finances pour 2017 prévoyait que les dépenses de travaux ne pourraient être déduites, au titre de l’année 2019, que pour « 50% des montants respectivement supportés au titre de ces mêmes dépenses en 2018 et 2019 ». 

Or, limiter de façon aussi apparente la déductibilité de ces dépenses constituait un mauvais signal politique, en contradiction avec l’ambition affichée de neutralité de la réforme. C’est pourquoi le gouvernement s’est empressé de revoir sa copie en faisant adopter un amendement rédactionnel substituant au pourcentage de 50% le terme de... moyenne !

Remarque opérationnelle

Rappelons que cette règle de la moyenne ne constitue aucunement un cadeau fiscal octroyé aux propriétaires-bailleurs, mais au contraire une mesure nécessaire au vu de l’objectif gouvernemental de ne pas désinciter à la réalisation de travaux dans le courant de l’année 2018 pourtant marquée par le phénomène de « l’année blanche ».

La tentative de limitation des effets de cette règle par l’administration fiscale ne peut donc s’analyser que comme une opposition à l’objectif gouvernemental affiché autant qu’une tentative de prise en traitre des propriétaires qui s’y sont fiés… 

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