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La requalification d’un contrat de délégation de service public de transport en marché public en l’absence de risque significatif d’exploitation

Trois PME de transport de voyageurs ont demandé au juge des référés du TA de Poitiers d’annuler la procédure de passation de la convention de DSP de transport départemental des voyageurs du département de Charente-Maritime lancée le 16 janvier 2016. Le contrat prévoyait la fourniture de prestations de transport très diversifiées sur l’ensemble du territoire du département (transport scolaire, interurbain, touristique, etc.). Par ordonnance du 27 avril 2016 à défaut de risque d’exploitation supporté par le délégataire, le juge a requalifié le contrat en marché public. Après avoir constaté le manquement à l’obligation d’allotissement du marché, le juge a prononcé l’annulation de la procédure de passation du contrat de DSP.

LA REAFFIRMATION DU CRITERE DU RISQUE D’EXPLOITATION DETERMINANT DE LA QUALIFICATION D’UN CONTRAT DE DSP 

Les modalités de rémunération prévues par le contrat de DSP 

Le contrat global de DSP portait sur la fourniture de prestations très diversifiées sur l’ensemble du territoire du département.

La rémunération du futur délégataire était prévue comme suit :

  • participation forfaitaire du délégant: 90%
  • recettes perçues sur les usagers : 10% (dont 5% perçues sur les usagers scolaires).

Les usagers scolaires sont considérés comme « captifs » dès lors que leur nombre n’est pas susceptible de diminuer de manière significative d’une année à l’autre.

Dès lors, le juge a estimé que la seule fraction variable de la rémunération du futur délégataire ne pouvait dépasser 5%.

En outre, un mécanisme d’abondement était prévu afin d’atténuer les risques d’exploitation pour le cocontractant. 

Le critère de la part significative de risque d’exploitation  

Selon l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales4 la DSP est « un contrat […] dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service ».

Pour qu’un contrat puisse être qualifié de DSP, une part significative du risque d’exploitation doit être transférée au cocontractant (CE, 7 nov. 2008, req. n° 291794).

Dans la mesure où la fraction variable de la rémunération du futur délégataire ne pouvait dépasser 5%, le juge a estimé que « l’éventuel déficit d’exploitation ne peut prendre […] que des proportions très mo-destes » puis en a déduit que « le futur délé-gataire ne peut être considéré comme supportant une part significative de risque » et que «  la rémunération […] ne peut être regardée comme substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service ». 

LES CONSEQUENCES DE LA REQUALIFICATION DU CONTRAT DE DSP EN MARCHE PUBLIC

Le manquement à l’obligation d’allotissement 

Le juge a requalifié le contrat envisagé en marché public qui aurait donc dû être soumis aux règles contenues dans le code des marchés publics et notamment, à l’allo-tissement des prestations.

--> compte tenu du ressort géographique du contrat, du nombre de lignes à couvrir et de la diversité des usagers du service, le marché permettait l’identification de prestations distinctes. Dès lors, le pouvoir adjudicateur aurait dû passer le marché en lots séparés.

En ayant recours à un marché global, le département a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. 

Un manquement susceptible d’avoir lésé les PME requérantes 

Les PME requérantes ont été lésées par ce manquement dans la mesure où le défaut d’allotissement  a restreint leur accès au marché et les a placées dans une situation moins favorable que celle d’entreprises de taille supérieure.

Le référé précontractuel6 est un outil efficace et rapide qui permet, avant la signature du contrat, de sanctionner les manquements des pouvoirs adjudicateurs aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

Alors que l’allotissement est obligatoire pour les marchés publics, il continue ne n’être qu’une simple faculté pour les DSP. 

À noter

Textes non applicables à la date de l’appel public à concurrence.

En l’espèce, le juge a vérifié l’existence du risque d’exploi-tation de façon concrète, sous l’influence de l’article 5 de la nouvelle ordonnance qui dispose que « la part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché ».

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