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Ce mercredi 22 septembre 2021, la commission Rebsamen a remis au Premier Ministre le Tome 1 de son rapport visant à « étudier et objectiver les freins à la construction de logements du point de vue de la collectivité » 1. La commission a fait le constat d’une crise de l’offre de logements en France due à deux écueils : la dévalorisation de l’acte de construire et la rareté du foncier. Le rapport propose de favoriser l’accélération de la cession de foncier public en s’appuyant sur le dispositif de décote pour le logement social déjà existant. Ce système, reposant sur un ensemble de mesures volontaristes (I.A.), présente une efficacité relative selon le rapport Rebsamen (I.B.). La commission propose donc de se libérer de certains freins, notamment en compensant les recettes perdues par l’administration affectataire en raison de la décote (II.A.) et en informant plus efficacement les acteurs publics (II.B.)

I. LE CONSTAT DU RAPPORT REBSAMEN : LE DISPOSITIF ACTUEL DE DÉCOTE SUR LES CESSIONS DE FONCIER PUBLIC EST PEU EFFICACE

 

A. Des mesures volontaristes inscrites dans la loi…

Le rapport souligne les mesures prises ces dernières années permettant de favoriser la mobilisation de foncier public pour la production de logements, notamment sociaux. En premier lieu, la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale a créé un dispositif de décote en ouvrant la possibilité de céder un bien du domaine privé de l’État à un prix inférieur à sa valeur vénale, à condition que celui-ci soit destiné à la réalisation de programmes de construction comportant essentiellement des logements, dont une partie au moins de logement social. La loi dite « Duflot » du 18 janvier 2013 a intégré ce dispositif à l’article L. 3211-7 du CG3P en l’élargissant aux établissements publics et en augmentant le plafond de la décote à 100%. Étonnamment, le rapport Rebsamen ne mentionne pas la loi « ELAN » du 23 novembre 2018 qui a pourtant encore élargi le dispositif en y intégrant les opérations comportant « majoritairement » des logements, soit 50% minimum, contre 75% auparavant, permettant ainsi à des programmes mixtes (commerce, bureaux…) de profiter de la décote.

B. …mais coûteuses pour l’Etat et peu efficaces

Malgré ces dispositions, le rapport Rebsamen fait le constat d’une efficacité relative de l‘application des décotes sur les cessions de foncier public en faveur du logement social. D’après la commission, ces décotes auraient coûté près de 220,9 millions d’euros à l’Etat depuis 2013. En dépit de cet effort et d’un bilan certes non négligeable, le rythme des cessions n’a pas augmenté. Le nombre de logements potentiels à construire sur les emprises cédées oscille toujours autour de 8.000 par an depuis 2013, loin des 22.000 estimés dans le projet de loi Duflot de 2013. En outre, selon un rapport de la Cour des comptes en date du 26 octobre 20172, le dispositif de décote a été relativement peu utilisé entre 2013 et 2016, jugé « trop complexe » et « peu efficient ».

Cette faible efficacité est d’autant plus dommageable que le potentiel de mobilisation du foncier public est important. Selon le rapport Rebsamen, en 2022 et sur les années qui suivent, les cessions pourraient permettre la production de 69.000 logements dont 17.000 sociaux.

II. LES PROPOSITIONS DU RAPPORT REBSAMEN : COMPENSER LES DÉCOTES ET MIEUX INFORMER LES ACTEURS

 

A. Proposition n° 1 : Mettre un terme à la perte de recettes subie par l’administration affectataire

La commission a constaté l’existence d’un frein majeur à l’utilisation du dispositif de décote : les administrations affectataires semblent l’appliquer avec parcimonie par peur de se priver de recettes nécessaires pour financer l’entretien de leur patrimoine immobilier. En effet, les recettes dégagées lors des cessions immobilières rejoignant le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », les affectataires peuvent craindre, après avoir consenti à des décotes, de manquer de ressources pour financer leurs opérations.

Pour pallier ce phénomène, la commission suggère de s’assurer que toute décote soit intégralement compensée pour l’administration affectataire. Deux scénarios sont proposés pour appliquer ce principe. Le 1er scénario consisterait à inscrire une ligne sur le budget du logement, dont la commission estime le montant à 30 à 50 millions d’euros. La 2nde approche serait l’intégration d’un mécanisme de péréquation au sein du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’Etat », de manière à répartir le coût global des décotes sur l’ensemble des affectataires.

B. Proposition n°2 : Introduire plus de transparence dans le dispositif d’application de la décote

D’autre part, la commission juge que le dispositif de décote est appliqué de manière « complexe   et peu transparente »3. Elle souligne notamment les nombreuses interrogations qui subsistent à son sujet chez les élus. Le point central d’incompréhension est la méthode de calcul de la décote, dite « par compte à rebours ». Celle-ci est bien appliquée en pratique mais reste méconnue, si bien que certains proposent de la remplacer… par elle-même ! Ainsi, afin d’assurer une meilleure transparence auprès de tous les acteurs, la commission propose d’inscrire dans la loi le détail de la méthode de calcul utilisée4.

Enfin, le rapport déplore les délais, jugés trop longs,  qui séparent l’identification d’une disponibilité de la cession effective d’un terrain. Pour faire en sorte de raccourcir ces délais, la commission propose d’améliorer la diffusion aux maires d’une information précoce. Celle-ci pourrait, selon la proposition n° 8 du rapport, prendre la forme d’une diffusion numérique obligatoire de l’inventaire actualisé « au fil de l’eau » des propriétés dont la cession est décidée ou à l’étude.

Qu’est-ce que la décote sur une cession de foncier public ?

Le dispositif de décote actuel, prévu par l’article L3211-7 du CG3P, prévoit que l’Etat ou un de ses établissements publics peut céder un terrain de son domaine privé pour un prix inférieur à sa valeur vénale lorsque celui-ci est majoritairement destiné à la construction de logements dont une partie au moins est réalisée en logement social.

Point de vigilance

Le rapport Rebsamen vise à proposer des éléments de réflexion au gouvernement. Il n’a pas de valeur juridique en tant que tel. Dans un discours du 28 septembre 2021 au Congrès HLM, le Premier Ministre a dégagé les grands axes des futures politiques inspirées de ce rapport. A ce jour, aucune annonce n’a été faite concernant le dispositif de décote sur les cessions de foncier public de l’Etat, et encore moins des collectivités territoriales.

Quelques précisions

1  Lettre de mission à la commission Rebsamen du Premier Ministre en date du 31 mai 2021, p.2

  Référé n°S2017-3068  de la Cour des Comptes en date du 26 octobre 2017 intitulé « évaluation du dispositif de la décote sur le foncier public en faveur du logement social »

3  Rapport « Rebsamen » pour la relance durable de la construction de logements, Tome 1, p.30

4  La commission souhaite voir modifié en ce sens l’alinéa 1 de l’article L. 3211-7 du CG3P.

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