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Le Conseil d'Etat vient de se prononcer pour la première fois sur l'opposition entre les juridictions du fond et le fisc. Il semble confirmer la condition d’identité juridique entre le bien acquis et revendu pour l’application du régime de TVA sur marge prévu à l’article 268 du CGI (CE 27 mars 2020, n° 428234, Promialp). Le Conseil d’Etat n’épuise pour autant pas le sujet, il se contente de censurer pour erreur de droit l’arrêt de la cour administrative d’appel à qui il reviendra de trancher au fond. L’occasion de se pencher sur les conséquences pratiques de cette décision sur les opérations des marchands de biens. 

DEBAT ORIGINEL

Les ventes de terrains à bâtir (« TAB ») sont en principe soumises à la TVA sur le prix total. Toutefois, il est possible d’opter à la TVA sur la seule marge réalisée par le cédant (art.268 du CGI), si l'acquisition du bien n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée.

L’administration fiscale qui conditionnait initialement la TVA sur marge à une identité physique et juridique entre le bien acheté et revendu a assoupli sa position dans une réponse ministérielle Vogel en date 17 mai 2018 et exige la seule identité de qualification juridique : un lot revendu comme « TAB » ne doit pas avoir été acquis comme terrain d’assiette d’un immeuble bâti.

Le juge administratif avait, de son côté, une position encore plus souple. Il estimait que l’application de la TVA sur la marge était conditionnée au seul fait que l’acquisition par le cédant n’ait pas ouvert droit à déduction de la TVA (application littérale de l’art. 268 du CGI) et censurait les redressements fondés sur la condition d’identité juridique ou physique.

Pour plus de précisions sur ce débat cf. notre précédent bulletin sur le sujet.

L’ARRET DU CONSEIL D’ETAT


En l’espèce, un marchand de biens a fait l’acquisition d’un immeuble avant de procéder à sa démolition et division du terrain. Il a par la suite revendu les parcelles issues de ces opérations comme TAB.

L’acquisition n’ayant pas ouvert droit à déduction, la cour administrative d’appel a validé l’application de la TVA sur la marge aux reventes, peu importe les changements intervenus entre le bien acquis et revendu.

Le Conseil d’Etat par un arrêt du 27 mars 2020 estime que la CAA a commis une erreur de droit en jugeant sans incidence « la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification du bien en cause aient été modifiées entre son acquisition et sa vente ». Il considère, sur le fondement de l’article 392 de la Directive TVA, que les ventes de TAB issus de la démolition d’un bien acquis comme immeuble bâti ne peuvent pas bénéficier de la TVA sur marge. 

Par cet arrêt, le CE semble donc valider la condition d’identité entre le bien acquis et revendu

QUESTIONS EN SUSPENS

  • Retour à la condition d’identité physique ? Le CE ne se prononce pas sur ce point. Toutefois, à la lecture des dernières réponses ministérielles seule la condition d’identité juridique doit être retenue. En l’espèce, le CE ne s’est pas fondé sur le fait qu’il y avait eu division avant la vente mais relève uniquement que le bien acquis était un immeuble bâti lequel immeuble a été démoli pour vente en TAB. La revente d’un TAB issue de la division d’un plus grand terrain acquis comme TAB pourrait donc bénéficier de la TVA sur marge. 
  • Acquisition d’un immeuble bâti avec son terrain d’assiette, suivie de la revente du seul terrain comme terrain à bâtir : le CE ne tranche pas plus ce point. Le rapporteur public a cependant conclu que « l’article 268 du CGI ne s’applique qu’à des biens qui n’ont pas fait l’objet, entre leur acquisition et leur revente, de transformation ayant eu pour effet d’en modifier la qualification fiscale. ». On peut donc se demander si la décision du CE aurait été la même en absence de démolition du bien initialement acquis. 
  • Acquisition d’un immeuble inachevé : selon la doctrine administrative, la cession d’un tel immeuble doit être assimilée à une cession de terrain à bâtir. En cas d’acquisition d’un immeuble inachevé (et donc acquis comme TAB) suivi de la revente du terrain d’assiette après division parcellaire, il y aurait donc identité juridique entre le bien acquis et revendu. En absence de démolition sur ce terrain d’assiette revendu, il semble qu’une telle opération pourrait donc être éligible au régime de la TVA sur la marge. 

L’intégration de l’arrêt au BOFIP

L’administration fiscale a intégré cette solution au BOFIP, se contentant de citer le considérant de principe de cet arrêt, sans apporter plus de précisions. Cet ajout attendu mais minimaliste ne permet pas de répondre aux questions en suspens. 

L’attente de clarification par la CAA de renvoi

Le CE n’ayant pas tranché au fond le litige, mais seulement censuré pour erreur de droit, il reviendra à la CAA de renvoi d’apporter certaines clarifications et notamment, on l’espère, sur la condition d’identité physique. La TVA sur marge sera elle appliquée pour les parcelles non bâties initialement et non touchées par la démolition (ancien terrain d’assiette)?

Que faire en attendant ?

En attendant, par précaution, il est conseillé, en cas d’acquisition d’un immeuble bâti en vu de la  revente en TAB du terrain d’assiette de procéder à des divisions parcellaires avant l’achat. Cependant, une telle opération peut présenter un inconvénient économique pour le vendeur (le privant de l’exonération de PV sur cession du terrain d’assiette de sa résidence principale par exemple).

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