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Dans une décision du 17 juin 2019, la cour administrative d’appel de Marseille apporte d’utiles précisions sur les règles applicables aux procédures de mise en concurrence préalables à la cession d’une charge foncière, de plus en plus mises en oeuvre par les collectivités (CAA Marseille, 17 juin 2019, 19MA00412).

Cette décision permet également de revenir sur les risques de requalification des contrats de cession de charges foncières en contrat de la commande publique. En effet, s’il est admis que les biens immobiliers publics, à l’exception de ceux appartenant à l’Etat, n’ont pas obligatoirement à être mis en concurrence précédemment à leur cession  (CE, 27 mars 2017, n° 390347), ni à respecter le droit de la commande publique (CE, 16 avril 2019, n° 420876), encore faut-il que la transaction ne révèle l’existence d’un marché public.

I. L’émergence d’un contentieux des actes détachables pris au cours d’une procédure de mise en concurrence d’une cession de charge foncière

La compétence du juge administratif pour connaitre des actes détachables

En application du principe dégagé par le tribunal des confits dans sa décision « Société Brasserie du Théatre » (CfTC, 22 novembre 2010, n° 10-03.764), la cour administrative d’appel de Marseille juge que tous les actes de la personne publique pris dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence préalable à une cession de charge foncière relèvent de la compétence du juge administratif dès lors qu’ils ont pour effet d’affecter la consistance du domaine privé de cette dernière.

Sans que cela ne soit exhaustif, il est possible de considérer que de nombreux actes pris au cours de telles procédures pourront faire l’objet de contentieux devant le juge de l’excès de pouvoir, comme pour ce qui est de la :

  • décision d’admission / rejet des candidatures ;
  • décision d’attribution de la vente au candidat sélectionné ;
  • décision de rejet des offres ;
  • déclaration sans suite.

L’exercice d’un contrôle restreint sur la régularité de ces décisions

La cour administrative d’appel de Marseille juge qu’une décision déclarant une société lauréate n’implique pas par elle-même et de façon inconditionnelle la conclusion du contrat en particulier lorsque le cahier des charges prévoit les motifs justifiant la décision d’abandon des pourparlers.

Dans leur décision, les magistrats marseillais jugent que le contrôle des motifs justifiant le retrait de la décision déclarant un candidat lauréat se limite au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation. Dès lors, une telle décision de retrait sera difficilement annulable lorsque les motifs permettant de la justifier auront été prévus dans le cahier des charges.

Ainsi, il parait préférable pour les personnes publiques recourant volontairement à une procédure de mise en concurrence de préciser la possibilité de ne pas donner suite à la décision déclarant un candidat lauréat.

II. Le risque de requalification en marché public d’un contrat de cession de charge foncière

Rappel des critères permettant une requalification en marché public

La cession d’un bien du domaine privé d’une collectivité territoriale n’est pas soumise aux procédures de publicité et de mise en concurrence à condition que le contrat de vente ne dissimule pas en réalité un contrat de la commande publique.

Il existe donc un risque de requalification en marché public lorsque :

  • la cession du bien immobilier est conditionnée à l’exécution d’un programme prédéfini par l’autorité publique cédante ;
  • ce programme répond aux besoins de cette collectivité ;
  • le contrat est conclu à titre onéreux. 

Le nécessaire versement d’un prix… « ou de tout équivalent »

En application de ce principe, la cour annule le jugement du tribunal administratif de Toulon qui avait requalifié le contrat de cession de charge foncière en marché public sans même identifier le caractère onéreux de ce dernier, pourtant exigé par le code des marchés publics applicable aux faits de l’espèce.

Rappelons d’ailleurs que ce caractère onéreux est caractérisé par l’existence d’un prix, et, depuis l’entrée en vigueur du code de la commande publique, ou de « tout équivalent » (art. L. 1111-1, CCP).

Malgré l’absence de prix, ce qui est courant dans ce type de procédure, le risque de requalification pourrait tout de même être bien réel lorsqu’un « équivalent » est identifiable : rabais sur le prix de vente du foncier ; dation, etc.

Retour sur les faits de l’espèce

Dans l’objectif de vendre des parcelles destinées à la création de logements sociaux, l’établissement public foncier (EPF) Provence Alpes Côtes d’Azur a décidé de recourir à une procédure de mise en concurrence préalable.

Après avoir déclaré la société Proletazur lauréate, l’EPF lui a notifié qu’il n’entendait plus donner suite à la procédure.

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