fermer menu

Loi ALUR : l’harmonisation des règles d’urbanisme du lotissement avec le document local d’urbanisme (PLU, POS), une tentative ambitieuse de remédier à un problème redoutable mêlant droit public et droit privé : « le cahier des charges »

Loi ALUR : l’harmonisation des règles d’urbanisme du lotissement avec le document local d’urbanisme (PLU, POS), une tentative ambitieuse de remédier à un problème redoutable mêlant droit public et droit privé : « le cahier des charges »

L’ORIGINE DU PROBLÈME

Les dispositions contractuelles

Le cahier des charges du lotissement est un document de nature contractuelle qui peut contenir des dispositions en opposition directe avec les règles d’urbanisme contenues dans un POS ou PLU.

L’objectif poursuivi par la loi ALUR consiste notamment à permettre dans le respect des droits des colotis de modifier ces dispositions contractuelles afin de les harmoniser avec les règles locales d’urbanisme.

Néanmoins, les retouches successives apportées au dispositif légal en vigueur n’ont pas encore permis de résoudre le problème. 

Les solutions avant la loi ALUR

Avant la loi ALUR, trois articles prévoyaient les cas d’évolution des règles contenues dans les documents du lotissement :

  1. L. 442-9 CU : automatique au bout de 10 ans (si PLU approuvé) ;
  2. L. 442-10 CU : par la volonté de 2/3 des colotis détenant 2/3 de la superficie du lotissement ;
  3. L. 442-11 CU : après enquête publique comme suite à l’adoption d’un POS/PLU.

Un arrêt récent et remarqué du Conseil d’Etat du 7/10/13 a admis que ces articles s’appliquaient bien à l’évolution des dispositions contractuelles à l’inverse de la position classique du juge civil.

LES SOLUTIONS DE LA LOI ALUR

Viser les dispositions contractuelles

La loi ALUR réécrit les articles précités et vise directement les dispositions contractuelles du cahier des charges qui :

« ont pour objet ou effet d’interdire ou de restreindre le droit de construire ou encore d’affecter l’usage ou la destination de l’immeuble » en prévoyant que les colotis devront dans un délai de 5 ans à compter de la publication de la Loi ALUR procéder à leur publication dans les conditions de majorité assouplie de L. 442-10 sous peine de leur péremption (L. 442-9 CU). Précisons que le nouvel article L. 442-10 CU soumet à présent la modification des documents à la volonté de 1/2 des colotis détenant 2/3 de la superficie.

Un équilibre subtil

La loi ALUR propose un équilibre subtil pour « débloquer » des situations parfois sans issues entre les colotis en mettant en place une mécanique de péremption automatique des règles contractuelles du cahier des charges tout en se voulant respectueuses de leur volonté initiale en leur offrant la possibilité de les proroger.

En ce sens et même si le Conseil constitutionnel ne semble pas avoir été saisi de cette question, ce nouveau mécanisme n’a pas fait l’objet d’une censure (DC no 2014-691 du 20/03/14).

A noter :

  • Le cahier des charges du lotissement est un réel obstacle à une application uniforme des règles d’urbanisme sur le territoire d’une commune.
  • Les articles L. 442-9 à L. 442-11 du CU ont déjà fait l’objet de plusieurs retouches au cours des dix dernières années.

Rappels :

  • Le cahier des charges du lotissement a pour vocation de régir les relations entre colotis (il s’agit d’un document contractuel).
  • En principe, le cahier des charges du lotissement contient des règles de droit privé et le règlement des règles d’urbanisme. Ce principe n’est pas respecté en pratique.
  • Le juge civil a eu l’occasion d’ordonner la démolition d’une construction dans un lotissement conforme au POS mais contraire au cahier des charges du lotissement (Civ 3, 21/06/00, RDI 2001, p. 25).

L’interdiction de l’auto-contradiction, ou principe de l’estoppel, clairement affirmé par les juridictions françaises en matière civile

L’interdiction de l’auto-contradiction, ou principe de l’estoppel, clairement affirmé par les juridictions françaises en matière civile

Si les moyens nouveaux peuvent être admis en cause d’appel, l’auto contradiction (ou estoppel), qui a pour seul objectif de nuire aux intérêts de la partie adverse, est désormais sanctionnée en droit français.

La notion de l’estoppel est issue du droit de l’arbitrage international.

La question de la transposabilité de cette notion en droit français a été soulevée à plusieurs reprises devant des juridictions commerciales.

En matière civile, c’est la Haute Juridiction, dans un arrêt d’Assemblée Plénière du 27 février 2009 (n°07-19841), qui a consacré, fut-ce négativement, cette notion et en a posé les conditions d’admission ; identité de parties, action de même nature, fondée sur les mêmes conventions.

L’application de ce principe, clairement rattaché à l’article 1134 du Code Civil, nécessite, de plus, la constatation d’un comportement particulier de l’une des parties et la prise en compte de ce comportement par l’autre partie.

C’est-à-dire qu’il faut que la partie qui en est à l’origine ait « un comportement procédural constitutif d’un changement de position, en droit, de nature à induire l’autre partie en erreur sur ses intentions« . (C. Cass. Civ. 1. 3 février 2010, n°08- 21288)

Le cabinet Rivière, Morlon & Associés a eu récemment l’occasion de faire état de ce principe, jusqu’alors soutenu de manière très occasionnelle, dans une série d’affaires présentées devant la Cour d’Appel de Poitiers.

Dans chacun de ces dossiers, la Cour a fait droit à l’argumentaire fondé sur la notion d’estoppel.

Sur ce fondement, la Cour a, à trois reprises, rejeté systématiquement les moyens nouveaux développés par la partie adverses en contradiction avec sa motivation initiale ; « En conséquence, le comportement procédural de la société Editions Atlas constitue un estoppel qui rend irrecevable son moyen de défense… » (Arrêts des 26 novembre 2013 n°13/00110 – 21 février 2014 n°12/02083 – 21 février 2014 n°12/02094).

Des décisions très satisfaisantes eu égard au principe de loyauté qui doit régir les débats.

« Attendu que le juge est tenu de respecter et de faire respecter le principe de loyauté qui doit présider aux débats judiciaires, dont la règle de l’estoppel , selon laquelle nul ne peut se contredire au détriment d’autrui, constitue le corollaire. »

Cour d‘Appel de Poitiers, arrêt du 26 novembre 2013.

« Il convient de rappeler le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui, cette règle s’appliquant en cas d’identité de parties, d’identité d’action et d’identité des conventions en cause. »

Cour d‘Appel de Poitiers, (deux arrêts), du 21 février 2014.

Plus d’un million d’euros d’indemnités de rupture accordés à des agents commerciaux dans un contentieux en série contre une société d’édition.

Plus d’un million d’euros d’indemnités de rupture accordés à des agents commerciaux dans un contentieux en série contre une société d’édition.

out agent commercial dont il est mis fin au mandat a droit à une indemnité calculée sur les commissions de ses deux ou trois dernières années d‘exercice.

Le fondement de ce droit à indemnité, droit d’ordre public auquel on ne peut déroger, est de compenser dans le patrimoine de l’agent, la perte de la valeur commune incorporelle de son contrat.

Les cas d’ouverture du droit à indemnité ont été étendus ces dernières années, tant par la jurisprudence française que par les directives européennes.

Deux uniques situations peuvent éventuellement permettre au mandant d’échapper à son obligation d’indemnisation de l’agent commercial évincé : la faute grave et la rupture à l’initiative du seul agent.

Pour éviter d’avoir à verser ces indemnités, le mandant tente parfois de se prévaloir, de façon détournée, de ces exceptions.

C’est ainsi qu’après avoir changé de politique commerciale et décidé de remplacer son réseau d’agents commerciaux par une force de vente en directe via internet, les Editions Atlas ont décidé de rompre l’ensemble de ses mandats d’agence commerciale, soit en invoquant une prétendue faute grave, soit en invitant ses agents à démissionner.

De nombreux agents ont décidé de saisir la justice pour faire constater qu’en réalité la rupture ne pouvait leur être imputée et ont fait valoir leur droit à indemnités.

Ainsi récemment, la Cour d’Appel de Poitiers a eu à se prononcer sur une rupture fondées sur une prétendue faute grave ; « la cour constate que la société éditions atlas ne satisfait pas à l’obligation, qui lui incombe, de rapporter la preuve d’une insuffisance, réelle et gravement fautive, d’activité de l’agent rendant impossible le maintien du lien contractuel. » (Arrêt du 21 février 2014)

De la même façon, la Cour d’Appel de Pau s’est fondée sur la notion de rupture détournée pour faire droit aux demandes de l’agent ; « Dès lors que M. D… rapporte la preuve suffisante de circonstances imputables au mandat (…) par suite desquelles la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée, au sens des articles L.134-13 2° du code de commerce, de sorte que la résiliation du contrat du … doit être prononcée aux torts exclusifs de la SAS Editions Atlas à compter de l’assignation du … Dès lors sa demande d’indemnisation est justifiée. » (Arrêt du 19 février 2013)

Ces décisions ont été relayées par la plupart des juridictions saisies pour le compte des agents Atlas par le cabinet Rivière Morlon et associés, en dépit des divers moyens invoqués en défense, tant sur le plan factuel que sur le plan juridique et procédural.

Les agents commerciaux des Editions Atlas ayant sollicité le cabinet Rivière Morlon & Associés en quelques chiffres :

  • 12 jugements favorables obtenus devant les juridictions de première instance,
  • 9 arrêts de Cour d‘Appel reconnaissant le droit à indemnité,
  • trois pourvois en cassation engagés vainement par les Editions Atlas, la haute juridiction ayant à chaque fois confirmé les décisions attaquées,
  • plus de 1.022.000 € accordés de façon définitive aux agents au titre des indemnités de fin de contrat,
  • près de 800.000 € d’indemnités supplémentaires accordées et dans l’attente d’une confirmation par les cour saisies.