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La SEMOP, l’économie mixte au service de la redynamisation urbaine

Comme nous l’avons évoqué dans notre précédent bulletin, le contrat de concession-revitalisation, visé à l’article L. 300-9 du Code de l’urbanisme, permet, dans le cadre d’une Opération de Revitalisation du Territoire, de mettre en application une politique de redynamisation commerciale du centre-ville.

Si cet outil juridique offre lui-même une certaine latitude quant à la définition de la concession, ses conditions financières et ses modalités de fonctionnement, et permet à l’autorité concédante d’exercer un contrôle sur l’activité du concessionnaire, la collectivité pourra également choisir d’adopter un rôle plus actif en confiant la concession à une société d’économie mixte à opération unique (SEMOP) qu’elle aura constituée avec un opérateur privé.

Qu’est-ce qu’une SEMOP ?

• La SEMOP est une société anonyme dotée d’un régime particulier, régie à la fois par le Code de commerce (articles L. 225-1 et suivants) et le Code général des collectivités territoriales (articles L. 1521-1 et suivants, L. 1541-1 et suivants).

• Son objet social est limité à l’exécution d’un contrat unique, en l’occurrence, le contrat de concession-revitalisation ; la durée de la société est calquée sur celle du contrat. Elle ne peut avoir aucune autre activité et ne peut créer de filiale.

• Elle est constituée entre une (ou plusieurs) collectivité(s) territoriale(s) et un ou plusieurs actionnaire(s) privé(s). La collectivité doit détenir entre 34 et 85% du capital social, elle peut donc être majoritaire ou minoritaire.

• Le conseil d’administration est composé de représentants des actionnaires en proportion de leur participation, mais le directeur général est obligatoirement un représentant de la collectivité.

Pourquoi concéder la revitalisation du territoire à une SEMOP ?

Les intérêts politiques :

• Contrairement à une concession classique, la collectivité reste impliquée dans l’opération faisant l’objet de la concession : plus que contrôleur, elle en devient un acteur central.

• Elle garde l’avantage de la proximité avec le terrain, tout en s’adjoignant les compétences d’un opérateur métier et/ou les moyens d’un établissement financier.

• L’intervention dans la gestion permet à la collectivité d’assurer la cohérence de sa politique locale : réhabilitation d’un centre ancien, politique du logement, logement social, revitalisation commerciale, etc.

Les intérêts juridiques :

• La SEMOP apporte de la souplesse par rapport à la réalisation directe des opérations concernées tout en renforçant le rôle de la collectivité par rapport à une concession classique.

• En tant qu’actionnaire, la collectivité bénéficie de droits d’information et de contrôle spécifiques, qui s’ajoutent à ceux dont elle dispose au titre du contrat de concession.

• Le fonctionnement de la SEMOP peut être adapté précisément aux spécificités du dossier (besoins locaux, articulation avec d’autres outils).

Comment concéder à une SEMOP ?

Définir et ajuster l’outil :

La mise en place de la SEMOP est une opération complexe qui nécessite une stratégie à la fois juridique et financière, portant notamment sur :

la gouvernance : il est important de prévoir la répartition des pouvoirs et les mécanismes destinés à préserver les intérêts de l’actionnaire minoritaire (qu’il soit public ou privé). Ces aspects peuvent néanmoins être aménagés par un pacte d’actionnaires (cf. ci-contre).

les aspects financiers, que ce soit sur les sources de financement (notamment les comptes courants d’associés, cf. ci-contre) ou sur la répartition des résultats entre les actionnaires de la SEMOP.

Mettre en concurrence :

Contrairement au droit commun de la concession, ce n’est pas le contrat qui fera l’objet d’un appel à la concurrence, mais la sélection du ou des actionnaires privés.

A cette fin, l’avis d’appel à la concurrence contiendra non seulement les caractéristiques du contrat de concession-revitalisation, mais également un document de préfiguration précisant les principales caractéristiques de la SEMOP, ses règles de gouvernance, qu’elles soient statutaires ou dans un pacte d’actionnaires.

En conséquence, les prestations réalisées par l’opérateur privé au profit de la SEMOP ne seront pas soumises aux règles de la commande publique.

Le pacte d’actionnaires, outil d’aménagement de la gouvernance

Si les statuts prévoient les règles fondamentales du fonctionnement de la société, ils sont généralement complétés par un pacte d’actionnaires, non publié, qui constitue la véritable feuille de route des parties.

Le pacte d’actionnaires prévoit notamment :

• des règles relatives à l’exercice des pouvoirs, telles que majorité renforcée pour certaines décisions, droit de veto au profit d’un actionnaire, ce qui peut permettre à une collectivité minoritaire en capital, de conserver un pouvoir décisionnaire,

• des engagements relatifs au financement de l’opération,

• des mécanismes de prévention ou de traitement des conflits entre associés.

Les comptes courants d’associés

Les collectivités peuvent procéder à des avances en compte courant au profit des sociétés dont elles sont actionnaires. Cependant, ces avances sont limitées, tant dans leur montant que dans leur durée (art. L. 1522-5 du CGCT).

Ainsi, l’avance en compte courant ne peut être consentie que pour une durée de deux ans, renouvelable une fois. Aucune nouvelle avance ne peut être consentie tant que les précédentes n’ont pas été remboursées.

Location meublée et SCI : À coeur vaillant rien d’impossible

Une SCI est une société civile. Fiscalement, la location meublée est une activité commerciale. Dès lors, l’exercice de la location meublée par une SCI entraîne par principe son assujettissement automatique et immédiat à l’impôt sur les sociétés.

Pour autant, plusieurs options existent pour exercer une activité de location meublée via une SCI : soit en optant volontairement pour l’impôt sur les sociétés (avec des « options dans l’option »), soit via la location interposée qui n’entraîne pas d’assujettissement à l’IS, ainsi que vient de le confirmer une jurisprudence récente.

I. L’assujettissement à l’impôt sur les sociétés : choisir plutôt que subir

Conséquences d’une requalification subie

L’assujettissement à l’IS permet de bénéficier d’un taux d’imposition fixe (25 % maximum) qui peut sembler plus favorable que l’imposition des bénéfices d’une SCI à l’IR entre les mains des associés : l’imposition des revenus fonciers peut monter à 62,2 % (imposition sur le revenu et prélèvements sociaux).

Mais un redressement subi entraîne également d’autres conséquences :

  • Les charges éventuellement déduites des revenus fonciers pendant la période seraient remises en cause ;
  • Après application de l’IS, les sommes appréhendées par les associés sur la période en cause (c’est-à-dire potentiellement la totalité) seraient taxées en tant que revenus distribués (à 30 %) ;
  • À plus long terme, le régime de plus-value en cas de revente s’en trouverait modifié (une société à l’IS est soumise au régime des plus-values professionnelles, sans abattement pour durée de détention).

Au surplus, un assujettissement non choisi à l’impôt sur les sociétés entraîne les conséquences de la cessation d’entreprise, c’est-à-dire l’imposition immédiate :

  • Des bénéfices réalisés depuis la fin du dernier exercice clos ;
  • Des plus-values latentes comprises dans l’actif social.

Si la situation n’est pas anticipée, l’assujettissement subi à l’IS peut donc s’avérer particulièrement coûteux.

Avantages d’une option choisie 

Le passage volontaire à l’IS offre à la société une « option dans l’option ». Celle-ci peut en effet choisir entre :

  • L’imposition immédiate des plus-values latentes : l’immeuble est inscrit au bilan pour sa valeur vénale au jour de l’option et la plus-value latente est immédiatement taxée.
  • Le report d’imposition des plus-values latentes : l’immeuble n’est pas réévalué. Il est au contraire inscrit pour sa valeur historique et il convient de reconstituer les amortissements qui auraient dû être réalisés si la SCI avait toujours été à l’IS.

Le choix entre l’une ou l’autre de ces options entraîne des conséquences à court terme (présence ou non d’une plus-value à acquitter), à moyen terme (fiscalité des revenus tirés de la location meublée liée à la base de l’amortissement) et à long terme (sur le montant de la plus-value qui sera imposable en cas de revente ultérieure).

La durée de vie de la SCI, la qualification de l’immeuble, sa valeur au moment de l’option, les projets à moyen et long terme de la SCI sont autant de facteurs qui peuvent influencer le choix fiscal.

Opter pour l’assujettissement volontaire à l’IS en vue d’exercer une activité meublée peut constituer une stratégie patrimoniale particulièrement pertinente.

II. La confirmation du mécanisme de location interposée

Le système interposé

Si une SCI à l’IR ne peut effectivement pas mettre l’immeuble dont elle est propriétaire en location meublée, tel n’est pas le cas de son locataire.

Le système interposé suppose donc l’organisation suivante :

  • La SCI propriétaire conserve l’immeuble dans son patrimoine et le loue nu à une société d’exploitation.
  • La société d’exploitation se charge de meubler l’immeuble et met en place un bail de sous-location en meublé.

Par ce mécanisme, la SCI se trouve désintéressée de la location meublée puisqu’elle n’est pas bénéficiaire du loyer en découlant. Dès lors, la société d’exploitation (qui paie le loyer du bail nu à la SCI, meuble le bien et perçoit le loyer du bail en meublé) peut réaliser une marge sur l’opération.

Cette dernière est en principe soumise à l’IS tandis que la SCI ne change aucunement de situation.

Cette structuration répond à des objectifs patrimoniaux variés : dissociation des risques, association d’héritiers à la gestion du bien dont ils ont vocation à hériter, anticipation de la transmission de l’immeuble tout en permettant aux donateurs de générer des revenus via la société d’exploitation, etc.

Dans le cadre familial par exemple, des grands-parents qui souhaitent conserver la propriété de leur bien sans assumer la mise en location meublée pourront louer à leurs descendants qui se chargeront d’une telle exploitation.

Confirmation jurisprudentielle

Une telle interposition est possible y compris pour une location meublée réalisée par des associés de la SCI dès lors que la location meublée n’est effectivement pas assurée par la SCI, mais par les associés en tant que bénéficiaires d’un bail nu de cette dernière.

L’affaire portée devant la CAA de Marseille (2ème chambre, 31 mars 2023, n° 21MA00318) mettait en cause une SCI propriétaire d’un immeuble qui était loué en meublé par deux associés minoritaires.

L’administration, suivie par le tribunal administratif, considérait que le fait que l’immeuble ait été loué meublé supposait nécessairement que la SCI s’était adonnée à une activité commerciale et devait être assujettie de droit à l’IS.

La Cour a ici rendu une décision contraire en reconnaissant la validité du bail entre une SCI et ses associés et en distinguant ce bail de la sous-location meublée. Le juge justifie sa position par la présence de deux éléments :

  • La preuve que les locataires ont eux-mêmes garni le bien de meubles.
  • La déclaration par les locataires des revenus tirés de ces locations comme des revenus soumis à l’IR.

Reste qu’une décision contraire (TA Nîmes, 11 juillet 2023, n° 2102347) récente démontre que la mise en place d’un tel système est délicate et qu’elle doit être rigoureuse sous peine d’être retoquée, voire même qualifiée d’abusive.

Quelques précisions

Taxes locales ou taxes professionnelles ?

La location meublée (quel qu’en soit le type) est toujours soumise à la CFE.

Pour les locations de longue durée, la taxe d’habitation est en principe à la charge du locataire.

Toutefois, le propriétaire d’un meublé est redevable de la taxe d’habitation si, au 1er janvier de l’année d’imposition, il entend s’en réserver la disposition ou la jouissance une partie de l’année (CE, 15 juin 2023, n° 469195).

Tel est notamment le cas lorsqu’il loue sa résidence secondaire une partie de l’année (meublés de tourisme par exemple).

Dans ces cas, sauf à prouver qu’il n’a pas la disposition du bien au moins une partie de l’année, l’administration pourra cumuler taxe d’habitation et CFE.

Et la transformation en SARL de famille ?

La SARL de famille, qui ne peut être formée qu’entre parents, est autorisée par la loi à sortir du champ de l’IS en optant pour l’IR de manière définitive malgré l’exploitation d’une activité commerciale.

Cette option peut donc être pertinente pour une SCI qui voudrait basculer en location meublée tout en restant à l’IR.

Elle est toutefois délicate à mettre en œuvre concrètement, du fait de ses conditions d’applications strictes.

Abréviations

CGI : Code général des impôts

SCI : Société civile immobilière

SARL : Société à responsabilité limitée

IR : Impôt sur le revenu

IS : Impôt sur les sociétés

CFE : Cotisation foncière des entreprises

Ont participé à ce bulletin :

  • Marie-Bénédicte Rivière-Pain | Avocat associé sénior
  • Lydie Bientz | Avocat
  • Lucas Thieurmel | Avocat
  • Emmanuelle Gesson | Juriste