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Fiche technique du permis de faire à destination des promoteurs immobiliers et des autorités compétentes en matière d’autorisations d’urbanisme

Fiche technique du permis de faire à destination des promoteurs immobiliers et des autorités compétentes en matière d’autorisations d’urbanisme

Introduit à titre expérimental par la loi LCAP n° 2016-925 du 6 juillet 2016 et réglementé par le décret n° 2017-1044 du 10 mai 2017, le « permis de faire » permet de déroger à certaines règles de construction dès lors qu’elles sont compensées par des moyens permettant d’obtenir des résultats équivalents aux objectifs qu’elles poursuivent. L’article 49, I. de la loi ESSOC du 10 août 2018, habilitant le gouvernement à faciliter la réalisation de projets de construction et à favoriser l’innovation, vient d’être traduit par une première ordonnance du 30 octobre 2018 qui fixe les conditions d’autorisation du « permis de faire » et étend son champ d’application à toutes les typologies de bâtiments. D’application différée, elle devra cependant être complétée par un cadre réglementaire exhaustif.

I. Champ d’application du « permis de faire » 

A. Pour qui ? Pour quelles opérations ? Quand ? 

D’application différée, la possibilité de déroger à certaines règles de construction consacrée par l’ordonnance du 30 octobre 2018, est ouverte [1] :

               à qui ? 

– aux maîtres d’ouvrages d’une opération de construction de bâtiment 

              pour quel type d’opération ? 

– lorsque cette opération nécessite un permis de construire ou d’aménager, une déclaration préalable, une autorisation d’aménagement d’un ERP ou une autorisation de travaux sur un immeuble classé au titre des Monuments historiques

         à partir de quand ? 

– le dispositif pourra être sollicité à l’occasion des demandes d’autorisation d’urbanisme à compter de la publication du futur décret d’application en Conseil d’Etat et au plus tard le 1er février 2019.

B. À quelles règles de construction déroger ? 

Le « permis de faire » permettra de déroger aux règles de construction portant sur les éléments suivants : 

Le champ des dérogations est ainsi élargi par rapport à la loi LCAP, qui limite l’utilisation de ce dispositif aux règles de protection contre les risques d’incendie et de panique, et à celles d’accessibilité des bâtiments neufs aux personnes handicapées.

II. Contrôles et limites du « permis de faire »

A. Justification et contrôle de l’effet équivalent

Avant le dépôt de sa demande d’autorisation d’urbanisme, le maître d’ouvrage devra, pour se prévaloir du dispositif, apporter la preuve que les moyens qu’il entend mettre en œuvre : 

  • permettent de parvenir à des résultats équivalents à ceux découlant des règles auxquelles il est dérogé ; 

​Un document attestant du caractère innovant des moyens proposés et validant les conditions dans lesquelles leur mise en œuvre sera contrôlée lors de l’exécution des travaux, devra être joint au dossier de demande d’autorisation d’urbanisme

Cette « attestation de l’effet équivalent » sera délivrée par des organismes [2] qui s’assureront également, lors de l’achèvement des travaux, du respect de la mise en œuvre des moyens. 

B. Un arsenal juridique encore incomplet 

Afin de pouvoir concrètement appliquer ce dispositif et comme annoncé par l’article 49, II de la loi ESSOC, cette première ordonnance sera toutefois suivie de :

  • sa loi de ratification ; 
  • son décret d’application, qui fixera notamment les résultats équivalents à atteindre en cas de dérogation à une règle de construction et désignera les organismes chargés de contrôler les moyens proposés par les maîtres d’ouvrage.

En outre, un second projet d’ordonnance devrait ouvrir plus largement encore le champ des dérogations grâce auxquelles il sera possible d’innover pour réduire les coûts de construction.

Quelques précisions

[1] L’article 88, I. de la loi LCAP réserve ce dispositif à l’Etat, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, aux organismes d’HLM, aux SEM agréées et locales et aux SPL, et le cantonne à la réalisation d’équipe-ments publics et de logements sociaux. Cet article demeure applicable jusqu’à l’entrée en vigueur des dispositions de l’ordonnance et sera abrogé au plus tard le 1er février 2019. 

[2] Ils seront désignés par le décret d’application. Il s’agira notamment des contrôleurs techniques agréés dans les conditions prévues à l’article L. 111-25 du CCH.

Abréviations

CCH : code de la construction et de l’habitation 

IGH : immeuble de grande hauteur

ERP : établissement recevant du public 

L’extension de la réduction d’impôt Pinel pour favoriser la revitalisation des cœurs de ville : incitation fiscale au service de la dynamique des territoires ou cautère sur une jambe de bois ?

L’extension de la réduction d’impôt Pinel pour favoriser la revitalisation des cœurs de ville : incitation fiscale au service de la dynamique des territoires ou cautère sur une jambe de bois ?

Le gouvernement, par la voix de M. le ministre Julien Denormandie, vient de proposer à l’occasion du PLF 2019 une extension du dispositif Pinel aux travaux d’amélioration d’immeubles de cœur de ville des villes moyennes. 

Si cette initiative traduit (enfin) une prise de conscience de la nécessité d’inciter à la restauration du parc immobilier existant de ces cœurs de villes, lesquels présentent de nombreux enjeux notamment relatifs à la lutte contre le mal-logement, la préservation des commerces de proximité, la transition énergétique et, plus largement, la redynamisation des territoires et la préservation de leur identité (nous recommandons, à ce sujet, la lecture du rapport de M. le sénateur Yves Dauge), la solution proposée n’en est pas moins insuffisante et imparfaite, et risque d’être parfaitement inefficiente.

UNE SOLUTION INSUFFISANTE ET IMPARFAITE

Une solution présentant des vertus indéniables

L’extension proposée du dispositif Pinel présente des vertus indéniables puisqu’elle consiste en un dispositif fiscal incitant à la restauration d’immeubles, nécessaire pour libérer les initiatives privées.

Aussi, l’asseoir sur la conclusion de conventions ORT (NB : il s’agit de conventions crées par la loi ELAN, dans la continuité du plan « action cœur de ville », et qui visent à redynamiser les centres villes des villes moyennes en assouplissant certaines règles et en ouvrant droit à des subventions de l’Etat) est pertinent pour en délimiter précisément l’éligibilité territoriale et temporelle.

Enfin, cette nouvelle hypothèse d’application du dispositif Pinel ne requiert ni des travaux aboutissant à une construction neuve, ni le respect des conditions actuellement applicables liées aux critères de décence, et se contente de travaux d’amélioration représentant au moins 25% du prix de revient de l’immeuble.

Pour autant, ce dispositif présente de lourdes insuffisances risquant de le rendre inefficient.

Une solution présentant de lourdes insuffisances

Le choix même du dispositif Pinel est contestable dans la mesure où son objectif initial de production de logements en zones tendues n’est absolument pas en phase avec les enjeux relatifs aux immeubles bâtis de cœur de ville qui ne se limitent pas aux seuls logements et concernent tout autant les locaux professionnels et commerciaux (qui sont au cœur des problématiques de dévitalisation) que la nécessité de favoriser les travaux de transformation et d’agrandissement (pour faire face aux enjeux de densification) de tous locaux ou logements.

Par ailleurs, le recours au dispositif Pinel a pour conséquence d’en réserver le bénéfice aux seuls « nouveaux investisseurs » et d’exclure de façon parfaitement infondée et contreproductive les propriétaires actuels.

Enfin, prévoir un seuil de coût des travaux ne repose sur aucune justification sérieuse (hormis celle, légitime, liée à une volonté de ne pas étendre la mesure à la réalisation de menus travaux) et risque d’inciter à un phénomène de surfacturation afin d’atteindre ce seuil.

UNE SOLUTION ALTERNATIVE, PLUS SIMPLE ET EFFICACE, POURRAIT ETRE ENVISAGEE

Une solution reposant sur le déficit foncier…

Plutôt que de dénaturer le dispositif Pinel et en proposer une version affaiblie, ce qui n’est pas à la hauteur des enjeux recensés, la solution la plus simple consisterait en une adaptation du mécanisme de droit commun des déficits fonciers. 

Il s’agit en effet d’un mécanisme ancien et éprouvé, aux modalités d’application parfaitement connues à la lumière d’une jurisprudence constante et d’une doctrine administrative stable, applicable uniquement aux opérations de restauration du bâti existant.

Ce mécanisme présente également une compatibilité éprouvée avec l’ensemble des autres outils de politiques publiques liés au logement, à la culture ou encore à la transition énergétique.

Ce dispositif ne se limite enfin pas aux nouveaux investissements et pourrait bénéficier aux propriétaires actuels d’immeubles éligibles.

…adapté aux enjeux recensés !

Cette adaptation nécessite impérativement que la limitation d’imputation des dépenses concernées sur le revenu global à hauteur de 10.700 € soit rehaussée à un montant cohérent au regard des enjeux (par ex. : 300.000 €) afin de pouvoir être réellement incitative.

Au vu des besoins de ces cœurs de ville, l’ensemble des dépenses d’amélioration afféren-tes aux locaux professionnels et commer-ciaux, ainsi que les dépenses de transformation et d’agrandissement afférentes à tout local ou logement, pourraient être rendues éligibles.

Enfin, l’éligibilité des campagnes de travaux concernées pourra être subordonnée aux seuls cas de restauration complète et être soumise à l’accord de l’autorité publique en matière d’urbanisme afin que celle-ci 1/ ait un droit de regard sur les programmes de travaux envisagés et 2/ puisse mettre en œuvre les outils à sa disposition liés aux enjeux territoriaux auxquels elle est confrontée.

Un recours au Pinel injustifié

Si le recours au dispositif Pinel traduit une volonté de subordonner l’avantage fiscal à la conclusion de baux devant respecter des plafonds de loyer et de ressources du locataire, ce choix méconnaît la réalité des territoires concernés où les prix de marché applicables sont, de fait, en deçà de ces plafonds. 

Une territorialité à recentrer

Le champ d’application territorial du dispositif proposé par le gouvernement est mal défini car il vise globalement les communes signataires de conventions ORT. Or, il n’apparaît ni nécessaire ni opportun de l’étendre au-delà des centres-villes identifiés au sein de ces ORT puisque ce dispositif ne peut prendre sens que dans le cadre d’une politique plus globale de redynamisation des territoires.

Pourquoi imposer une restauration complète ?

L’objectif poursuivi d’attractivité des cœurs de ville nécessite que les autorités compétentes puissent intervenir dans le cadre d’un remaniement global des immeubles afin de pouvoir les repenser dans leur entièreté et avoir toute latitude pour imposer des prescriptions, ce qui ne peut s’envisager en cas de restauration seulement partielle.

Aussi, seule une restauration complète permet des travaux d’amélioration efficace de la performance énergétique.