fermer menu

Parahôtellerie : Les évolutions à ne pas manquer quant aux critères qualifiant la parahôtellerie !

Si, par principe, les activités de location meublée ne sont pas soumises à TVA, il en va autrement lorsqu’elles font concurrence au secteur hôtelier ainsi qu’il résulte d’une directive européenne. En France, l’assujettissement à TVA est plus particulièrement conditionné à la fourniture, dans des conditions similaires aux établissements hôteliers exploités de manière professionnelle, de 3 des 4 prestations de services visées par l’article 261 D, 4° b du CGI, à savoir le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception de la clientèle.

Différentes évolutions sont amorcées : d’une part, par la jurisprudence française qui tend à remettre en cause la conformité de la loi au droit européen et d’autre part, par une nouvelle directive européenne en attente qui pourrait modifier en profondeur la fiscalité des locations meublées de courte durée et remettre en cause la parahôtellerie de longue durée.

I. Le critère strict des services : amorces d’une évolution jurisprudentielle

Rappel du contexte

L’UE laisse aux Etats le soin de préciser leur régime d’exception  à l’exonération de TVA pour les «  opérations d’hébergement, (…) qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (…) ».

La France a défini son régime en se référant aux seuls services rendus, sans prise en compte de la durée du séjour.

Les juridictions françaises se sont donc progressivement interrogées sur la conformité de ces dispositions à l’objectif de la directive : si le régime d’exonération doit être d’interprétation stricte, ce n’est pas le cas pour les exceptions à l’exonération.

Une évolution amorcée par le TA de Grenoble …

Le TA de Grenoble (14 octobre 2022, n° 1908305) a considéré que le droit français n’était pas, en soi, incompatible avec la directive TVA, mais que l’évolution récente connue par les secteurs para hôtelier ou de location saisonnière tendait à les rapprocher du secteur hôtelier, ce qui devrait avoir pour conséquence un infléchissement de la définition française du régime para hôtelier en ne recourant plus systématiquement à la vérification de la fourniture de 3 des 4 prestations para hôtelières.

Dès lors, il a jugé que, pour déterminer si les prestations fournies sont exonérées ou non, « il n’y a pas lieu d’examiner si elles comportent en sus de l’hébergement trois des quatre prestations accessoires (…). Il convient seulement de procéder à une appréciation globale des circonstances de l’espèce, en tenant compte de l’ensemble des prestations accessoires (…), pour vérifier si ses prestations d’hébergement sont en concurrence potentielle avec les prestations hôtelières ».

En l’espèce, le juge a considéré (i) que l’article 261 D 4° du CGI méconnaissait les objectifs de la directive en exigeant le respect d’un nombre déterminé de services et (ii) que la fourniture d’une prestation para hôtelière n’était pas suffisante mais que la fourniture de deux prestations l’était pour être assujetti.

… suivie de près par les parlementaires

Le sujet de la nécessité de rendre 3 des 4 prestations de services précitées pour être assujetti à TVA a été repris lors de l’adoption de la loi de finances pour 2023 concernant les locations meublées.

Le Sénat avait adopté un article prévoyant un assujettissement à TVA des locations de meublés de tourisme, estimant que ce type de location, dans ses nouvelles formes, faisait concurrence directe aux activités plus traditionnelles d’hébergement et qu’il n’était plus nécessaire d’exiger la réalisation de services para hôteliers pour les assujettir à TVA.

Bien que cet article ait finalement été supprimé, cela démontre que le cœur du débat tient au fait de savoir si l’on fait concurrence aux hébergements hôteliers traditionnels, qui eux-mêmes évoluent, plutôt que de s’intéresser aux prestations réellement rendues.

Le sursis à statuer d’une CAA intriguée

La CAA de Douai (2 mars 2023, n° 22DA01547) a eu à se prononcer sur la situation d’un contribuable ayant acquis un logement pour le louer en meublé de tourisme avec fourniture de services para hôteliers via un exploitant et revendiquant sa qualité d’assujetti.

Ce dernier arguait du fait que les dispositions du CGI étaient contraires à la directive TVA ; argumentaire qui a décidé la CAA à surseoir à statuer afin que le Conseil d’Etat se prononce sur les deux questions posées par le contribuable, à savoir :

  • La conformité aux dispositions de la directive TVA de la condition tenant à la fourniture d’au moins 3 des 4 prestations para hôtelières susvisées ;
  • La possibilité, en cas de réponse négative, de la fourniture d’uniquement une ou deux des prestations pour échapper à l’exclusion d’assujettissement à la TVA.

Le Conseil d’Etat disposait d’un délai de trois mois pour répondre, mais cette échéance a déjà été repoussée, témoignant des enjeux considérables posés par cette définition.

II. Vers le critère de la durée du séjour et une extension du régime de TVA avec la directive ViDA ?

Une réforme d’ampleur est en cours concernant le système de TVA, permettant de le rendre plus conforme à l’économie actuelle, aux technologies du numérique et de lutter contre les différentes fraudes à cet impôt.

Des locations de courte durée systématiquement soumises à TVA ?

Le projet de directive prévoit d’ajouter à l’article 135 de la directive TVA : « la location ininterrompue d’un logement pour une durée maximale de 45 jours, accompagnée ou non d’autres services accessoires, est considérée comme ayant une fonction analogue à celle du secteur hôtelier ».

Une telle modification forcerait à considérer la location de logements de courte durée comme étant par nature similaire au secteur hôtelier devant par conséquent être soumis à la TVA.

De  très nombreuses locations de courte durée type AirBnB relèveraient ainsi non plus du régime LMNP mais de la parahôtellerie.

Quelles conséquences pour la parahôtellerie de longue durée ?

La fixation d’un unique critère d’assujettissement à TVA, à savoir la fourniture de 3 des 4 services para hôteliers, en dehors de toute prise en compte de la durée du séjour, a entrainé, en droit français, l’assujettissement à la TVA de toutes les locations en remplissant les critères.

Dès lors, les locations à titre de résidence principale, de résidences étudiantes ou seniors assorties de services sont assujetties à TVA, alors même que ces activités ne concurrencent pas directement les professionnels hôteliers.

La directive ViDA n’aborde pas la question des locations supérieures à 45 jours. La décision du Conseil d’Etat susvisée est très attendue sur ce point pour déterminer dans quelle mesure le critère de la durée pourrait remettre en cause le régime de la parahôtellerie.

Quelques précisions

1. Quels risques pour les loueurs en meublé fournissant des services face à l’évolution jurisprudentielle ?

En l’état, la doctrine administrative n’ayant pas été modifiée, elle demeure opposable aux contribuables réalisant moins de 3 des 4 prestations para hôtelières.

Ces derniers pourraient donc contester un assujettissement à TVA s’ils rendaient moins de 3 des 4 services.

2. Quelles opportunités ?

Au contraire, les contribuables qui estimeraient exercer une activité para hôtelière et pouvoir récupérer la TVA d’amont pourraient très utilement se prévaloir de cette évolution jurisprudentielle pour faire valoir leurs droits.

3. Définition des prestations d’hébergement de courte durée assimilables à des prestations hôtelières pour les besoins de la directive ViDA

Seront considérées comme telles les prestations continues d’hébergement, d’une durée maximum de 45 jours et comprenant, ou pas, des prestations accessoires.

Cette définition, s’éloignant particulièrement de la définition de l’article 261-D, 4° b du CGI, sera imposée aux Etats membres.

4. La poursuite de la contestation du régime actuel de la parahôtellerie par le TA de Grenoble

Dans la même lignée que sa décision précédente, le TA de Grenoble (17 mars 2023, n° 2004273) a donné raison à l’administration d’avoir considéré qu’une société offrant d’office aux clients 2 des 4 prestations de l’article 261 D 4° du CGI et la possibilité d’opter pour au moins une des deux autres via une offre de services complémentaires pouvait être assujettie à TVA, dès lors que ces services étaient rendus dans des conditions telles que cette société entre en concurrence potentielle avec les entreprises du secteur hôtelier.

Abréviations

TVA : taxe sur la valeur ajoutée

CGI : Code général des impôts

TA : tribunal administratif

CAA : Cour administrative d’appel

ViDA : VAT in digital age

CJUE : Cour de Justice de l’Union Européenne

La concession-revitalisation, un outil opérationnel au service de la redynamisation commerciale des centres-villes

Face à la désertification et à la dégradation des centres-villes, la lutte contre la vacance commerciale et le développement d’une offre commerciale de proximité sont devenus des enjeux majeurs pour les collectivités territoriales, en particulier pour les villes de taille moyenne.

Après la création des Opérations de Revitalisation des Territoires (ORT) par la loi ELAN du 23 novembre 2018, la concession-revitalisation, visée à l’article L. 300-9 du code de l’urbanisme, a été créée par la loi 3DS du 21 février 2022, afin d’offrir aux collectivités territoriales des moyens juridiques adaptés.

En vue de répondre au besoin des élus de disposer d’un outil souple et opérationnel, la concession-revitalisation, structurée comme la concession d’aménagement, se présente comme le pendant opérationnel de l’ORT.

Un objet et un périmètre ciblés

La concession-revitalisation peut être envisagée :

  • Soit dans le périmètre d’une ORT afin de confier au concessionnaire la réalisation des missions suivantes :

    – actions ou opérations d’aménagement, au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, contribuant à l’aménagement des espaces et des équipements publics de proximité et prenant en compte les problèmes d’accessibilité, de desserte des commerces et des locaux artisanaux de centre-ville et de mobilité ainsi que l’objectif de localisation des commerces en centre-ville ;

    – actions destinées à moderniser ou à créer des activités ou des animations économiques, commerciales, artisanales, touristiques ou culturelles, sous la responsabilité d’un opérateur ;

    – actions ou opérations favorisant, en particulier en centre-ville, la création, l’extension, la transformation ou la reconversion de surfaces commerciales ou artisanales.
  • Soit dans le périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, c’est-à-dire dans le périmètre dans lequel est instauré un droit de préemption commercial, afin de confier au concessionnaire la réalisation d’actions ou d’opérations ayant pour objet de favoriser la diversité, le maintien ou le développement d’activités artisanales et commerciales de proximité dans des espaces urbains.

La concession-revitalisation vient pallier l’inadéquation des critères classiques de définition des concessions d’aménagement aux opérations de revitalisation commerciale (notamment en termes de globalité et de complexité de l’opération, ainsi que d’obligation de création d’équipements publics).

Un outil nouveau sur la base d’un outil connu

Le contrat de concession-revitalisation est conclu dans les mêmes formes que celui d’une concession d’aménagement.

À ce titre, l’attribution de la concession doit respecter les règles de publicité et de mise en concurrence imposées par le code de la commande publique pour :

  • les concessions lorsque le concessionnaire assume un risque économique lié à l’opération de revitalisation ;

  • les marchés publics lorsque le concessionnaire n’assume pas de risque économique lié à l’opération de revitalisation.

« Considérant que l’existence d’un risque significatif assumé par l’aménageur doit s’apprécier au regard de l’ensemble des stipulations du contrat s’agissant du mode de rémunération retenu, de l’importance des apports et subventions des collectivités publiques, du sort des biens non commercialisés en fin de contrat et des garanties consenties par la personne publique contractante » (CAA Nantes, 2 février 2015, n°13NT02139)

Comme la concession d’aménagement, la concession-revitalisation doit comporter des stipulations obligatoires (relatives notamment à l’objet, la durée, les obligations de chaque partie, les modalités de la participation financière du concédant le cas échéant, les modalités du contrôle technique, financier et comptable du concédant).

Le concessionnaire se voit transférer la maîtrise d’ouvrage de l’opération.

Il peut également se voir déléguer le droit de préemption (cf. ci-contre) et le droit d’expropriation.

La collectivité peut participer au coût de l’opération (apports financiers, apports en nature, subventions)  :

  • la faculté pour la personne publique de participer financièrement à l’opération trouve tout son intérêt lorsque la rentabilité de l’opération est incertaine.
  • En revanche, certaines opérations, eu égard à leur technicité et à leurs enjeux financiers, sont susceptibles d’être développées en associant des partenaires privés et financiers, notamment au sein d’une société d’économie mixte (cf. ci-contre).

La délégation des différents droits de préemption

Le concessionnaire d’une concession-revitalisation peut se voir déléguer :

  • le droit de préemption urbain et le droit de préemption urbain renforcé (applicable lors des cessions d’immeubles), et
  • le droit de préemption commercial (applicable lors des cessions des fonds de commerce et des droits au bail résultant de baux commerciaux).

À titre de comparaison, si une SEM peut être délégataire d’un droit de préemption commercial peu importe son objet social, seules les SEM de construction et de gestion de logements sociaux peuvent être délégataires d’un droit de préemption urbain.

L’articulation possible avec un montage en société d’économie mixte

Toute personne y ayant vocation peut devenir concessionnaire d’une concession-revitalisation.

Il peut s’agir d’investisseurs métier privés, mais aussi de foncières commerce d’économie mixte (SEML ou SEMOP).

Elles doivent néanmoins être soumises, comme les autres candidats, aux règles de la commande publique, aux fins de se voir attribuer le contrat de concession-revitalisation.