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Le pacte Dutreil à l’aube de l’année 2022

Si la loi de finance pour 2019 avait considérablement amélioré le régime d’exonération dit « Pacte Dutreil », les commentaires publiés en avril 2021 par l’Administration fiscale en consultation publique étaient, de manière surprenante, revenus sur sa doctrine antérieure (notamment sur certains aspects que le législateur n’avait pas modifiés) et avaient complexifié le dispositif Dutreil, à rebours de la volonté légale d’assouplissement de son fonctionnement.


Bien plus fidèles à l’esprit du texte, les nouveaux commentaires publiés le 21 décembre 2021 reviennent notamment sur trois points qui avaient semé le doute chez les praticiens et la doctrine : 1° qui peut exercer des fonctions de direction postérieurement à la transmission, 2° la possibilité de codirection dans l’hypothèse d’un engagement réputé acquis, 3° la personne du souscripteur de l’engagement de conservation en cas d’interposition d’une société.

QUI PEUT DIRIGER APRÈS LA TRANSMISSION ?


La transmission d’une entreprise, a fortiori dans le cadre familial, est un processus qui peut s’étaler sur une longue période, et la donation des titres n’en est pas forcément l’ultime étape. Aussi l’administration fiscale avait-elle suscité l’inquiétude des praticiens en prévoyant, dans ses commentaires d’avril 2021 qu’à compter de la transmission, un associé signataire de l’engagement collectif de conservation ne pouvait exercer de fonctions de direction que s’il continuait à détenir des titres. 


Cette interprétation mettait les contribuables face à un dilemme :

  • Soit la donation devait être concomitante au changement de direction, mettant à mal les stratégies d’anticipation (par exemple en cas de donation de la seule nue-propriété des titres),
  • Soit la donation ne devait pas porter sur l’intégralité des titres du donataire (ce qui contrevenait à l’objectif du dispositif, qui vise à éviter le morcellement des participations lors des transmissions).

Revenant à la logique originelle du texte, les nouveaux commentaires prévoient que, pendant toute la durée de l’engagement collectif de conservation et pendant les trois ans suivant la transmission, la fonction de direction peut être exercée par :

  • l’un des signataires de l’engagement collectif de conservation, y compris lorsqu’il a transmis tous les titres qui y sont soumis, permettant ainsi au donataire de garder temporairement la direction,
  • ou, à compter de la transmission, l’un des bénéficiaires de cette dernière.

Cet assouplissement permet désormais de ménager une période de transition entre la transmission des titres et celle du pouvoir de direction.

ENGAGEMENT RÉPUTÉ ACQUIS : LA CODIRECTION ENFIN ADMISE

Si le Code général des impôts prévoit (entre autres conditions) que l’engagement collectif de conservation peut être « réputé acquis » lorsque le donataire exerce une fonction de direction dans la société dont les titres sont transmis, ses dispositions relatives à l’exercice de la direction après la transmission ne prévoient pas spécifiquement ce cas. 

La doctrine administrative, interprétant littéralement le texte, imposait que seul l’un des bénéficiaires de la transmission exerce une fonction de direction, mais semblait écarter toute possibilité pour le donateur de poursuivre une fonction dans la société après la transmission.

Dans ses commentaires en date du 21 décembre 2021, l’administration fiscale assouplit sa position en admettant qu’un autre associé (que l’un des héritiers, donataires ou légataires) « y compris le donateur, exerce également une autre fonction de direction », ouvrant la voie à une période de transition et de codirection de la société.


SOCIÉTÉS INTERPOSÉES : SIGNATAIRES DE L’ENGAGEMENT DE CONSERVATION 

Dans ses commentaires du 6 avril 2021, l’administration fiscale exigeait que le donateur (ou le défunt) soit signataire de l’engagement collectif de conservation des titres de la société éligible, y compris lorsque les titres transmis étaient détenus au travers d’une société holding. Or, sauf à être personnellement associé, on voyait mal comment le donateur aurait pu souscrire un engagement de conservation de titres… dont il n’était pas propriétaire !

Ce contresens a, heureusement, été corrigé : c’est bien la société interposée qui est signataire de l’engagement de conservation des titres de la société éligible.

Activités immobilières : quelques clarifications

Pour l’application de l’article 787 B du CGI, sont considérées comme commerciales « les activités mentionnées à l’article 34 du CGI et à l’article 35 du CGI, à l’exclusion des activités de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier  » 
 

Il est explicitement précisé que sont éligibles à l’exonération Dutreil les activités de construction-vente (promotion immobilière) et de marchand de biens (achat en vue de la revente).

A l’inverse, sont exclues les activités de location (meublée comme nue), de loueurs de locaux commerciaux et industriels ou encore de restauration de son propre patrimoine.

Holding ayant une activité mixte : un bref rappel

Les holdings animatrices sont éligibles à l’exonération Dutreil sous réserve de remplir l’ensemble des conditions requises, et notamment, l’exercice d’une activité opérationnelle à titre principal, savoir :

  • « la participation active à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale ;
  • et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers. »

Au même titre que les sociétés opérationnelles, le caractère prépondérant de l’activité d’animation exercée par une holding est déterminé selon un faisceau d’indices.

Il peut ainsi notamment être caractérisé lorsque la valeur des titres des filiales opérationnelles animées représente plus de la moitié de l’actif total ou encore lorsque le chiffre d’affaire procuré par l’activité opérationnelle représente au moins 50% du chiffre d’affaire total.

La refonte du dispositif Cosse « Louer abordable »

La loi de finances pour 2022 transforme, à compter du 1er mars 2022, le dispositif Cosse « Louer abordable », consistant actuellement en un abattement sur les loyers, en une réduction d’impôt.

Rappel du dispositif actuellement applicable

Le conventionnement Anah

Le bénéfice du dispositif Cosse « Louer abordable » est conditionné à la signature, par le propriétaire du bien, d’une convention avec l’Agence nationale de l’habitat (Anah).

Dans le cadre de cette convention, le propriétaire s’engage à mettre son bien en location nue et à titre de résidence principale, pour une durée minimale de 6 ans (portée à 9 ans en cas de travaux subventionnés par l’Anah).

Les loyers sont soumis à des plafonds dépendant du type de conventionnement (à loyers intermédiaire, social ou très social) ainsi que du zonage du bien (zonages A B C).

Les ressources du locataire sont également soumises à des plafonds fixés par décret. Ces derniers dépendent, outre des critères précités, de la composition de son foyer fiscal.

L’abattement fiscal sur les revenus locatifs

Le dispositif Cosse « Louer abordable » permet au propriétaire de bénéficier d’un taux d’abattement calculé sur les recettes locatives brutes du bien conventionné :

  • En cas de conventionnement à loyer intermédiaire : 15% en zone B2 ou 30% en zone A bis, A ou B1 ;
  • En cas de conventionnement à loyer social ou très social : 50% en zone B2 ou 70% en zone A bis, A ou B1 ;
  • En cas d’intermédiation locative : 85% (peu important alors le type de conventionnement ou le zonage).

Ex : Les recettes locatives brutes s’élèvent à 6000€, les charges s’élèvent à 700€.

On déduit l’abattement de 70% ainsi que les charges. Dès lors, les recettes locatives nettes tirées du bien conventionné s’élèvent à 1100€ (6000€ – 4200€ – 700€).

Le contribuable ayant un TMI de 30% retirera du dispositif Cosse une économie globale de 1982€ (1260€ au titre de l’IR et 722€ au titre des prélèvements sociaux).

Le dispositif applicable à compter du 1er mars 2022

Des modifications substantielles

Dans le nouveau dispositif, le bien doit toujours être loué nu, à titre de résidence principale et à des locataires dont les ressources n’excèdent pas certains plafonds fixés par décret. Toutefois, les plafonds de loyers sont désormais fixés à l’échelle communale afin de mieux correspondre à la réalité du marché.

Par ailleurs, la durée minimale des conventions est unifiée à 6 ans.

En dernier lieu, la sortie du dispositif est facilitée : la fixation du loyer est libre lors de la première relocation consécutive au terme de la convention, et ce par dérogation au mécanisme d’encadrement des loyers (loi ALUR).

En effet, il fallait jusqu’alors lisser l’augmentation de loyer sur toute la durée du nouveau bail si celle-ci était inférieure à 10% du loyer initial ou par 1/6ème si elle était supérieure à 10%.

De l’abattement à la réduction d’impôt

L’avantage fiscal ne consiste plus en un abattement mais en une réduction d’impôt calculée sur les recettes locatives brutes tirées du bien conventionné.

Son taux est de 15% (conventionnement à loyer intermédiaire) ou 35% (conventionnement à loyer social), peu important le zonage du bien. En cas d’intermédiation locative, le taux est porté à respectivement 20% et 40%.

Désormais, le conventionnement à loyer très social n’ouvre plus droit à une réduction d’impôt qu’en cas d’intermédiation locative (le taux de celle-ci est de 65%).

Ex : Dans la situation précédemment étudiée, si le contribuable peut prétendre au taux de 35%, il retirera de ce nouveau texte une économie globale de 2100€.

En synthèse, si on compare cette nouvelle réduction d’impôt de 35% aux conventionnements les plus répandus :

  • Elle est toujours plus avantageuse que l’ancien abattement de 50% ;
  • Elle est moins avantageuse que l’ancien abattement de 70% pour les TMI de 30%, 41% et 45%.

Entrée en vigueur

Le nouveau dispositif est applicable aux conventions conclues entre le 1er mars 2022 et le 31 décembre 2024.

Précision

Le dispositif Cosse « Louer abordable » reste incompatible avec les régimes « Pinel » et « Monuments historiques » mais pas avec le régime « Malraux ».

Cette incompatibilité nous paraît sans justification.

De même, il n’est toujours pas possible de conclure le bail avec un membre du foyer fiscal du bailleur ou avec un de ses ascendants ou descendants.

Plafonnement des niches fiscales

Le dispositif Cosse « Louer abordable » est soumis au plafonnement des niches fiscales.

Performance énergétique

Le logement doit toujours respecter un « niveau de performance énergétique globale » fixé par arrêté. Actuellement, les logements classés F et G sont exclus du dispositif.