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Autorisation environnementale & Avis du Conseil d’Etat du 22 mars 2018 (2/2) : le juge administratif peut délivrer une autorisation provisoire à l’exploitant dont l’autorisation a été annulée

Autorisation environnementale & Avis du Conseil d’Etat du 22 mars 2018 (2/2) : le juge administratif peut délivrer une autorisation provisoire à l’exploitant dont l’autorisation a été annulée

L’annulation partielle ou totale d’une autorisation environnementale1 bloque l’exploitation et la construction de l’installation, ce qui est susceptible de mettre en difficulté son exploitant. Saisi par la cour administrative d’appel de Douai de la question de la régularisation d’une autorisation environnementale annulée totalement ou en partie (CAA Douai, 16/11/17, n° 15DA01535), le Conseil d’Etat ouvre au juge la possibilité de permettre aux exploitants de poursuivre l’exploitation ou la construction de leur installation dans son avis du 22 mars 2018, n° 415852, publié au recueil Lebon

I. Le juge du plein contentieux a le pouvoir d’autoriser provisoirement la poursuite de l’exploitation, des activités ou des travaux 

A. La palette des pouvoirs du juge de plein contentieux 

Comme en matière d’ICPE [1], le Conseil d’Etat consacre en matière d’autorisation environnementale de larges pouvoirs au profit du juge en regard des textes et, plus généralement, de son office de pleine juridiction [2]. Il peut ainsi :

– surseoir à statuer dans l’attente d’une régularisation lorsque le vice est régularisable, qu’il affecte le fond de l’acte ou une phase de son instruction ;

– suspendre l’exécution de l’autorisation (parties viciées comme, s’il l’estime opportun, parties non viciées) dans l’attente d’une nouvelle décision de l’administration ;

– annuler totalement ou partiellement l’autorisation (en indiquant la phase viciée de la procédure) ;

– délivrer une autorisation provisoire tendant à la poursuite de l’exploitation, des activités ou des travaux, après l’annulation totale ou partielle de l’autorisation.

B. La continuité du projet attaqué assurée par l’autorisation provisoire

Dans son avis, le Conseil d’Etat permet au juge de limiter les effets de l’annulation de l’autorisation initiale afin d’assurer, si nécessaire, une continuité au projet attaqué. Le juge peut ainsi délivrer une autorisation provisoire [3] visant à permettre la poursuite :

– soit de l’exploitation ou des activités dont les travaux ont été réalisés dans les conditions de l’autorisation antérieurement délivrée,

– soit des travaux de construction en cours,

dans l’attente de délivrance d’une nouvelle autorisation par l’administration.

Jusqu’alors, l’exploitant qui voyait son autorisation annulée était mis en demeure de demander une nouvelle autorisation et voyait son activité cesser temporairement  jusqu’à l’éventuelle délivrance d’une nouvelle autorisation.

II. Conditions de délivrance d’une autorisation provisoire : la conciliation des intérêts économiques et des préoccupations environnementales

A. Les conditions de délivrance d’une autorisation provisoire

La délivrance d’une autorisation provisoire d’exploitation ou de poursuite des travaux dont toutefois être motivée par des considérations d »intérêt général. 

Le juge doit ainsi se livrer à une sorte de « bilan coût-avantage » au terme duquel les préoccupations environnementales devront naturellement être privilégiées pour statuer sur le sort des projets et exploitations.

Même si elle n’est pas exhaustive, le Conseil d’Etat s’est essayé à une énumération des critères présidant à ce bilan.

B. Un compromis subtil entre intérêts publics, privés et environnementaux

Les critères d’analyse que le juge pourra prendre en compte lorsqu’il décide de délivrer une autorisation provisoire, sont :

« (…) l’ensemble des éléments de l’espèce, notamment la nature et la portée de l’illégalité en cause, les considérations d’ordre économique et social ou tout autre motif d’intérêt général pouvant justifier la poursuite de l’exploitation, des activités ou des travaux et l’atteinte éventuellement causée par ceux-ci aux intérêts mentionnés aux articles L. 181-3 et L. 181-4 du code de l’environnement ou à d’autres intérêts publics et privés. » (considérant 14).

Enfin, s’il l’estime nécessaire, le juge pourra assortir son autorisation provisoire de prescriptions complémentaires.

À noter

– [1] CE, 15/05/2013, n° 353010, Tab. Leb.

– [2] Article L. 181-17 du code de l’environnement

– [3] L’autorisation provisoire est toutefois susceptible de recours en annulation.

La nouvelle autorisation émanant de l’administration 

– sera prise conformément aux dispositions législatives et régle-mentaires en vigueur à la date à laquelle elle interviendra ;

– s’appliquera par principe en lieu et place de l’autorisation provisoirement délivrée par le juge.

Vers l’épilogue de l’affaire de Ruyter pour les contributions sociales acquittées depuis 2016 ?

Vers l’épilogue de l’affaire de Ruyter pour les contributions sociales acquittées depuis 2016 ?

Le 31 mai 2018, la cour administrative d’appel de Nancy a déchargé des non-résidents fiscaux français (résidents d’un Etat membre de l’EEE) des contributions sociales versés sur leurs revenus du patrimoine français malgré leur affectation au Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV) et à la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale (CADES). 

La stratégie adoptée par Bercy en 2016 pour allouer ces contributions au budget français a donc été vaine. Les contribuables les ayant acquittées peuvent donc formuler des réclamations contentieuses afin d’en obtenir le remboursement.

Evolution de l’assujettissement des non-résidents aux contributions sociales

Rappel de la jurisprudence de Ruyter

Dans l’affaire de Ruyter de 2015, la CJUE et le Conseil d’Etat ont remis en cause la légalité des contributions sociales (CSG/CRDS) sur les revenus du capital pour les non-résidents fiscaux affiliés à un régime de sécurité sociale d’un Etat membre de l’UE ou de l’EEE autre que la France, ainsi que de la Suisse. 

La « double cotisation » générée par l’affectation de ces contributions au financement de la sécurité sociale française était contraire au principe européen d’unicité du régime de protection sociale des ressortissants des Etats membres. 

Changement d’affectation des prélèvements sociaux

Afin de s’assurer de la perception de prélèvements sociaux lui ayant échappé à la suite de la jurisprudence de Ruyter, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a changé l’affectation budgétaire des contributions sociales afin qu’elles ne soient plus affectées au régime français de sécurité sociale.

Ces recettes étant désormais affectées au FSV, à la CADES et/ou à la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), Bercy rendait à nouveau les non résidents français redevables des prélèvements sociaux, à compter du 1er janvier 2016.

Remise en cause de l’assujettissement des non-résidents aux contributions sociales

Désaveu de Bercy par les juridictions du fond

Comme nous l’avions pressenti (Cf. bulletin du 21/06/2016), cette stratégie de changement d’affectation budgétaire précitée a été désavouée par les juridictions administratives françaises. 

Par un arrêt du 31 mai 2018, la cour administrative d’appel de Nancy a déchargé les contributions sociales affectées au financement du FSV et la CADES. 

Concernant les contributions affectées au CNSA (au taux de 1,45% sur un taux global de 17,2%), la cour a sollicité l’arbitrage de la CJUE.

Il reste à attendre, le cas échéant, la confirmation de cette décharge par le Conseil d’Etat. 

Conséquences pratiques du désaveu de Bercy

Les non-résidents fiscaux ayant versé depuis 2016 des contributions sociales (au titre des revenus fonciers perçus depuis 2015 et des plus-values immobilières réalisées depuis le 1er janvier 2016) peuvent demander leur restitution par réclamation contentieuse.

Pour les contributions acquittées en 2016, ces demandes devront être introduites avant le 31 décembre 2019, date à laquelle la prescription sera acquise. 

Quant aux contributions acquittés en 2015, avant la loi de finances pour 2016, les réclamations demeurent possibles jusqu’au 31 décembre 2018. 

A noter : 

La jurisprudence de Ruyter ne s’étend pas aux français affiliés à une régime de sécurité sociale d’un Etat tiers.

Dans un arrêt en date du 18 janvier 2018, la CJUE a précisé que l’assujettissement aux contributions sur leurs revenus du patrimoine des ressortissants français installés dans un Etat tiers (hors EEE et Suisse) ne contrevient pas au règlement européen sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. Quant à l’atteinte à la liberté de circulation des capitaux, elle serait justifiée par des diffé-rences objectives de situation entre un ressortissant français résidant dans un Etat tiers dans lequel il est affilié à la sécurité sociale et un ressortissant de l’Union européenne affilié à un régime de sécurité sociale dans un autre Etat membre. 

Dès lors, seuls les ressortissants de l’Union européenne sont visés par les propos précédents. 

Les règles dérogatoires de prise en compte des dépenses de travaux applicables au titre des années 2018 et 2019 peuvent-elles être remises en cause par l’administration fiscale ?

Les règles dérogatoires de prise en compte des dépenses de travaux applicables au titre des années 2018 et 2019 peuvent-elles être remises en cause par l’administration fiscale ?

Alors que la règle dite de la moyenne figure en des termes on ne peut plus clairs au sein de la loi de finances pour 2017, l’administration fiscale vient d’en restreindre considérablement la portée à l’occasion de la publication de sa doctrine.

L’administration fiscale dispose-t-elle d’un tel pouvoir ? Certainement pas, comme vous aurez pu le deviner sur la base de nos précédents bulletins (consultables ici et ici).

LA POSITION DE L’ADMINISTRATION FISCALE

L’ajout d’une condition non-prévue par la loi

La règle de la moyenne est prévue dans la loi de finances pour 2017 en ces termes : « (les dépenses de travaux) sont retenues, pour la détermination du revenu net foncier imposable de l’année 2019, à hauteur de la moyenne des montants respectivement supportés au titre de ces mêmes dépenses en 2018 et en 2019 ».

La doctrine fiscale commentant ces dispositions les paraphrase globalement avant de préciser que « La prise en compte des dépenses de travaux supportées en 2018 sur un bien locatif pour la détermination du revenu net foncier imposable de l’année 2019 au titre de la règle de la moyenne est conditionnée à l’affectation de ce bien en 2019 à la location dans la catégorie des revenus fonciers. A défaut, en l’absence de revenu net foncier imposable au titre de 2019 pour ce bien, la règle de la moyenne ne trouve pas à s’appliquer en 2019. ».

Si la nécessaire affectation du bien à la location nue est une condition nécessaire ne soulevant aucun débat, assimiler cette notion d’affectation à une mise en location effective, et fiscalement positive de surcroît, consiste en revanche à ajouter une condition non-prévue par la loi fiscale.

Les situations obérées par cette condition

Alors que la loi fiscale n’opère aucune distinction parmi les immeubles concernés par l’application de cette règle de la moyenne, l’ajout opéré par la doctrine administrative a pour conséquence d’exclure de son bénéfice ceux d’entre eux qui, dans le courant de l’année 2019, seraient source de moins de revenus qu’ils n’ont nécessités de charges.

Concrètement, les propriétaires de tels immeubles ne subiraient donc que les effets défavorables de cette règle (i.e. l’imputation intégrale des dépenses concernées au titre de l’année 2018, sur un revenu pourtant non-fiscalité et donc sans effet fiscal) sans en avoir la contrepartie légale (i.e. l’imputation de ces mêmes dépenses pour 50% de leur montant au titre de l’année 2019).

Les situations visées peuvent se résumer aux principaux cas suivants :

  • l’immeuble ne serait pas encore mis en location dans le courant de l’année 2019, car les travaux seraient toujours en cours de réalisation ;
  • l’immeuble serait loué dans le courant de l’année 2019 (voire même dès 2018), mais le montant des charges y afférentes supportées au cours de cette même année (hypothèse d’un solde de travaux notamment) serait supérieur au montant des loyers recueillis.

UNE POSITION SANS PORTEE CONTRAIGNANTE

La doctrine administrative n’est pas la loi

L’administration fiscale ne saurait se substituer au législateur : les commentaires qu’elle rédige sur les différents textes adoptés ne constituent que son interprétation de la loi fiscale et non la loi fiscale elle-même.

Pour cette raison, il est solidement ancré en jurisprudence que l’administration fiscale ne peut fonder un redressement à raison du non-respect d’une condition prévue uniquement par sa propre doctrine (nous vous renvoyons à notre précédent bulletin pour des exemples d’annulation de redressements fondés sur de telles conditions).

La doctrine administrative est donc dépourvue d’autorité à l’égard des contribuables, étant toutefois précisé qu’elle engage néanmoins l’administration fiscale car, à l’inverse, le fait qu’un contribuable respecte une doctrine contradictoire avec la loi fera obstacle à toute possibilité de redressement (art. L80 A du LPF).

Quelle conclusion en tirer ?

Cette condition, non-prévue par la loi, ne saurait résister en justice à une argumentation juridique étayée.

Les contribuables ne doivent donc pas se laisser impressionner par l’administration fiscale, quand bien même elle leur adresserait des propositions de rectifications, car c’est bien le juge qui aura le dernier mot le cas échéant (l’administration fiscale persévérant parfois même jusqu’au Conseil d’Etat : Cf. notre précédent bulletin).

Bon à savoir

La première version du projet de loi de finances pour 2017 prévoyait que les dépenses de travaux ne pourraient être déduites, au titre de l’année 2019, que pour « 50% des montants respectivement supportés au titre de ces mêmes dépenses en 2018 et 2019 ». 

Or, limiter de façon aussi apparente la déductibilité de ces dépenses constituait un mauvais signal politique, en contradiction avec l’ambition affichée de neutralité de la réforme. C’est pourquoi le gouvernement s’est empressé de revoir sa copie en faisant adopter un amendement rédactionnel substituant au pourcentage de 50% le terme de… moyenne !

Remarque opérationnelle

Rappelons que cette règle de la moyenne ne constitue aucunement un cadeau fiscal octroyé aux propriétaires-bailleurs, mais au contraire une mesure nécessaire au vu de l’objectif gouvernemental de ne pas désinciter à la réalisation de travaux dans le courant de l’année 2018 pourtant marquée par le phénomène de « l’année blanche ».

La tentative de limitation des effets de cette règle par l’administration fiscale ne peut donc s’analyser que comme une opposition à l’objectif gouvernemental affiché autant qu’une tentative de prise en traitre des propriétaires qui s’y sont fiés…