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Déductibilité des charges d’emprunt (intérêts, primes d’assurance, frais d’emprunt etc.) souscrit pour le financement de l’acquisition et des travaux d’un immeuble donné en location nue – les écueils à éviter !

Déductibilité des charges d’emprunt (intérêts, primes d’assurance, frais d’emprunt etc.) souscrit pour le financement de l’acquisition et des travaux d’un immeuble donné en location nue – les écueils à éviter !

REGLES DE DEDUCTIBILITE DES CHARGES D’EMPRUNT

Principes

Les charges d’emprunt sont celles destinées à financer l’acquisition, la construction ou l’amélioration d’un bien, en vue de procurer des revenus fonciers.
 
Elles doivent avoir été effectivement supportées par le propriétaire (justification de la souscription de l’emprunt, du montant des charges et de l’année de paiement) (article 31 I, 1°, d du CGI).
 
Il faut également justifier de la corrélation entre le prêt souscrit et les sommes engagées pour l’acquisition comme pour la conservation des revenus fonciers.
 
Que l’emprunt soit destiné à financer l’acquisition d’un bien ou les travaux, les charges d’emprunt sont déductibles selon les mêmes règles.

Précisions pour les emprunts substitutifs

Les intérêts et frais d’emprunt engagés pour un emprunt bancaire contracté en vue du remboursement d’un emprunt antérieur dont les intérêts ont été admis en déduction sont également déductibles à la condition qu’il y ait entre l’emprunt initial et le nouvel emprunt une continuité de l’objet d’endettement. Ce qui signifie que le nouvel emprunt soit effectivement intégralement utilisé pour rembourser l’emprunt antérieur.
(CE 1er février 2012 n°336469)

L’indemnité de résiliation du premier prêt bancaire  peut également être déductible (article 13 du CGI, CE 5 juillet 2010 n° 301044)

Ne pas oublier d’indiquer sur les déclarations à quel prêt le nouveau se substitue
(CAA Nancy  29 septembre 2016)

EMPRUNT EN SUBSTITUTION D’UN AUTOFINANCEMENT
(en direct ou via apport en compte courant en SCI)

Un investisseur qui autofinancerait l’acquisition du foncier et/ou de dépenses de travaux alors que le contrat de prêt serait souscrit et les fonds débloqués ultérieurement, risque de ne pouvoir justifier de la déductibilité des charges de l’emprunt substitutif puisque l’emprunt serait destiné à l’obtention de  trésorerie personnelle et non à l’acquisition ou aux travaux. Il faudrait pouvoir justifier que l’avance des fonds a entraîné une situation débitrice (compte bancaire débiteur) nécessitant de recourir à un emprunt, situation nécessairement exceptionnelle.

La solution serait d’investir via une SCI et de procéder à une avance en compte courant. La SCI pourra souscrire un emprunt afin de rembourser l’associé. Les charges de cet emprunt substitutif seront déductibles si la SCI justifie de la continuité entre l’avance en compte-courant consentie et le prêt souscrit. Ce qui signifie que le contrat de prêt substitutif ait le même objet que l’avance en compte-courant et ait effectivement été affecté au remboursement de cette avance.

Cette déductibilité n’est plus conditionnée par le fait que le compte courant d’associés ait été rémunéré (CE 28 mars 2014 n°350816).

Point pour attention

La remise en cause des dépenses de travaux du fait de leur nature ne peut pas automatiquement entraîner la remise en cause des charges d’emprunt si le bien est destiné à être loué. L’erreur est souvent commise par l’administration fiscale.

Attention au nu-propriétaire de parts de SCI :

Les charges d’emprunt qu’il a souscrit personnellement pour financer l’acquisition de la nue-propriété des parts de la SCI détenant l’immeuble loué sont non déductibles (CE 24 février 2017) contrairement au cas du nu-propriétaire qui détiendrait directement l’immeuble.

Modalités Pratiques

Tenir une comptabilité de SCI a son intérêt pour justifier de la dette au passif du bilan à la clôture de l’exercice de la SCI au cours duquel elle a commencé à verser les fonds pour l’acquisition du foncier et/ou des travaux.

Pas de préemption sans transmission : une nouvelle illustration de la rigueur avec laquelle les conditions du droit de préemption doivent être mises en œuvre

Pas de préemption sans transmission : une nouvelle illustration de la rigueur avec laquelle les conditions du droit de préemption doivent être mises en œuvre

Dans un arrêt n° 414840 du 4 avril 2018, le Conseil d’Etat réaffirme la rigueur inhérente à la mise en œuvre du droit de préemption et rappelle les conditions d’exercice de ce dernier, notamment l’obligation de transmission de la décision au préfet. Bien qu’il n’ait pas fait l’objet d’une publication au recueil Lebon, cet arrêt, qui illustre par ailleurs l’exercice du droit de préemption par une société d’économie mixte (S.E.M.), présente l’avantage de renforcer la transparence et le contrôle des décisions de préemption prises par ce type de structure – CE, 4 avril 2018, req. n° 414840

I. La réaffirmation de l’obligation de transmettre au préfet les décisions de préemption

A. Rappel : les S.E.M. doivent transmettre leurs décisions de préemption au préfet

Ce n’est que très récemment que le Conseil d’Etat a confirmé que, quelle que soit la nature des relations contractuelles liant les S.E.M. aux collectivités locales, les décisions de préemption qu’elles prennent doivent être soumises au contrôle de légalité du préfet (CE, 24 mai 2017, n° 397197, Tab. Leb.).

Compte tenu de l’atteinte portée au droit de propriété et à la liberté contractuelle du vendeur lors de l’exercice du droit de préemption, le juge fait preuve d’exigence dans son contrôle des décisions de préemption. Il s’assure ainsi du respect des conditions d’exercice du droit de préemption, notamment du caractère exécutoire de cette décision.

Tel était le cas dans l’affaire que le Conseil d’Etat a eu à connaître le 4 avril 2018 où l’autorité préemptrice était une S.E.M.

B. Une transmission au préfet dans les délais pour rendre la décision exécutoire

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat juge que, lorsqu’une S.E.M. est le délégataire d’un droit de préemption, les dispositions combinées des articles L. 213-2 du code de l’urbanisme, L. 2131-1 et L. 2131-2, 8° du CGCT [1] :

« imposent que la décision de préemption soit exécutoire au terme du délai (…) imparti pour en faire usage, c’est-à-dire non seulement prise mais également notifiée au propriétaire intéressé et transmise au représentant de l’Etat » (CE, 4 avril 2018, n° 414840).

L’originalité de cette affaire résidait dans le fait que la transmission de la décision de préemption au préfet avait été effectuée dans le délai d’un mois accordé à la suite d’une demande de documents complé-mentaires [2].

II. La mise en œuvre rigoureuse des conditions de préemption pour une réduction du risque contentieux

A. La sécurisation des décisions de préemption

Ce délai d’un mois consécutif à la réception des documents complémentaires demandés a été mis en place par la loi A.L.U.R. n° 2014-366 du 24 mars 2014.

Bien que prolongeant la période d’incertitude pour les propriétaires, ce délai a le mérite de permettre à l’autorité titulaire du droit de préemption de :

– disposer d’éléments supplémentaires afin de justifier sa décision de préemption (consistance et état de l’immeuble) ;

– bénéficier de plus de temps afin de transmettre sa décision au préfet, étape obligatoire pour rendre sa décision exécutoire.

B. Comment réduire le risque d’annulation d’une décision de préemption ?

Cette décision illustre la rigueur avec laquelle le droit de préemption doit être mis en œuvre, le Conseil d’Etat rappelant les formalités de publicité à accomplir dans le délai de préemption :

– la décision de préemption doit être prise et notifiée au vendeur ;

– elle doit être transmise au représentant de l’Etat. 

Une vigilance particulière doit en outre être accordée quant à la motivation de la décision de préemption, laquelle doit justifier de :

– la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement à la date à laquelle le bien est préempté ;

– la nature du projet (CE, 7 mars 2008, « Meung-sur-Loire », req. n° 288371, Rec.Leb.).

À noter

[1] Les décisions relevant de l’exercice de prérogatives de puissance publique prises par des S.E.M. pour le compte d’une commune sont exé-cutoires de plein droit dès lors qu’il a été procédé à leur transmission au représentant de l’Etat.

[2] Lorsqu’une autorité titulaire du droit de préemption exerce son droit de préemption (délai de deux mois), il peut être demandé au propriétaire du bien préempté une commu-nication unique de documents.

Le délai est alors suspendu à compter de cette demande et reprend son cours dès la réception des documents. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire disposera d’un mois pour prendre sa décision de préemption (art. L. 213-2 du code de l’urbanisme).

IFI et dettes afférentes à la résidence principale : la position de l’administration fiscale serait-elle illégale ?

Depuis le 1er janvier 2018, l’ISF est supprimé et remplacé par l’IFI (nouveaux articles 964 à 983 du CGI) qui cible le seul patrimoine immobilier. Comme en ISF, la résidence principale continue de bénéficier d’un abattement de 30% sur sa valeur vénale libre. Toutefois, dans la notice destinée à aider les contribuables à remplir leur déclaration IFI, l’administration fiscale considère que les dettes contractées pour son acquisition ne sont déductibles qu’a hauteur de 70 % en raison de l’abattement. Cette position diffère de celle retenue pour l’ISF et nous semble contestable.

LES REGLES APPLICABLES EN ISF / IFI

L’abattement au titre de la résidence principale 

En ISF comme en IFI, l’immeuble constituant la résidence principale du contribuable au 1er janvier de l’année rentre dans le champ d’application de l’impôt.

Comme en matière de droits de mutation à titre gratuit, les biens immobiliers sont retenus pour leur valeur vénale au jour du fait générateur de l’impôt. Cette valeur dépend des spécificités du bien et notamment de son état d’occupation.

La Cour de Cassation a jugé que la valeur vénale de la résidence principale devait être déterminée après application d’un abattement sur la valeur vénale libre (Jurisprudence Fleury – Cass. Com. 13 février 1996).

Cette jurisprudence a été légalisée avec l’ancien article 885 S du CGI (ISF) et le nouvel article 973 du CGI (IFI) lesquels prévoient un abattement de 30 % sur la valeur de la résidence principale.

Déductibilité des dettes afférentes à la résidence principale

Pour l’ISF, les dettes contractées pour des biens hors assiette ou exonérés n’étaient pas déductibles (ancien article 885 G quater).

L’abattement de 30% n’étant pas une exonération, les dettes relatives à la résidence principale pouvaient être déduites en totalité (position confirmée par la doctrine fiscale).

Pour l’IFI, le nouvel article 974 relatif à la déduction du passif prévoit que: « sont déductibles (…) les dettes (…) afférentes à des actifs imposables et, le cas échéant, à proportion de la fraction de leur valeur imposable ».

Si la notion de fraction imposable remplace celle d’exonération, la logique est la même et ne peut justifier le revirement de l’administration fiscale sur ce sujet.

LA POSITION DE L’ADMINISTRATION FISCALE

Ce qu’elle nous dit

La notice concernant la déclaration de l’IFI, publiée le 25 avril 2018, rappelle les règles applicables et donne des indications sur les montants à déclarer.

Dans la partie afférente aux biens immobiliers imposables, il est fait mention de l’abattement de 30% applicable à la résidence principale.

Dans la partie consacrée au passif déductible, l’administration fiscale indique que les dettes contractées pour des biens qui n’entrent pas dans l’assiette de l’IFI, ou qui en sont exonérés, ne sont pas déductibles.

Elle précise que pour les biens partiellement exonérés ou bénéficiant d’un abattement légal, les dettes ne sont imputables qu’à concurrence de la fraction taxable à l’IFI. 
Elle en déduit que, pour la résidence principale, du fait de l’abattement de 30%, les dettes contractées pour son acquisition ne sont déductibles qu’à hauteur de 70 % de leur valeur.

En quoi est-ce contestable ?

  • L’article 974 du CGI prévoit une déductibilité des dettes à proportion de la fraction imposable.
  • Limiter la déductibilité des dettes à 70% voudrait dire que la résidence principale est partiellement exonérée (la « fraction imposable » ne serait que de 70%).
  • Or, la « fraction imposable » demeure bien 100% de la valeur vénale de la résidence principale, l’abattement prévu par la loi n’étant qu’une règle d’évaluation (application d’une décote pour occupation).
  • La doctrine administrative relative à l’ISF avait reconnu explicitement que l’abattement légal ne constituant pas une exonération, un emprunt contracté pour son acquisition était déductible en totalité.
  • Concernant l’abattement de 30%, les dispositions applicables en IFI reprennent la même rédaction que celles applicables en ISF.

Valeur de la notice

D’après la jurisprudence et la doctrine administrative, les notices ou formulaires qui aident les contribuables à remplir leurs déclarations ne peuvent pas être considérés comme une prise de position formelle de l’administration fiscale et ne sont donc pas opposables. Aucun recours pour excès de pouvoir ne peut donc être exercé contre la notice.

En pratique ?

Deux choix s’offrent aux contribuables :

  1. Déclarer 100% des dettes afférentes à la résidence principale avec un risque de redressement assorti de pénalités et intérêts de retard.
  2. Déclarer 70% des dettes et initier une réclamation contentieuse pour demander la prise en compte de l’intégralité de la dette. En cas de gain de cause, l’impôt remboursé sera majoré d’un intérêt de retard au taux annuel de 2,4%. Cette solution est donc à privilégier.

Pour information

  • La doctrine fiscale relative à l’IFI sera disponible au plus tard le 8 juin.
  • La date limite de dépôt des déclarations IFI a été reportée au 15 juin 2018.