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Loi « climat et résilience » & énergies renouvelables : des toitures plus vertueuses…dès 2023

Promulguée le 24 août 2021, la loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » comporte de nombreux titres (consommation, production et travail, déplacements, logements, nourriture, protection judiciaire de l’environnement). Son titre III, « Produire et travailler », inclut un chapitre IV dont l’objet est de « favoriser les énergies renouvelables » (EnR). Participant à la nécessaire réponse collective aux enjeux climatiques dressés par le dernier rapport du GIEC du 9 août 2021 en faveur d’un changement de paradigme, la loi renforce l’obligation d’installer des systèmes de production d’EnR ou des toitures végétalisées sur certains types de bâtiments et leurs aires de stationnement (I.) et crée de nouvelles obligations pour certains parcs de stationnement (tendant notamment à une gestion économe des eaux pluviales), tout en prévoyant des possibilités d’exonération pour l’ensemble de ces dispositifs (II.).

I. L’EXTENSION DE L’OBLIGATION D’INSTALLER DES SYSTÈMES DE PRODUCTION D’ENR OU DES TOITURES VÉGÉTALISÉES SUR CERTAINS BÂTIMENTS ET LEURS AIRES DE STATIONNEMENT

L’abaissement du seuil d’application (500 m2 au lieu de 1 000 m2)

Afin d’atteindre les objectifs de la PPE sans consommer de foncier1, la loi renforce l’obligation d’installer des systèmes de production d’EnR – autrement dit principalement des panneaux photovoltaïques – ou des toitures végétalisées sur un mode cultural garantissant un haut degré d’efficacité thermique et d’isolation tout en favorisant la préservation de la biodiversité.

Pour rappel, la loi énergie-climat du 8/11/2019 avait créé cette obligation pour les nouvelles constructions de plus de 1 000 m2 d’emprise au sol à usage commercial, industriel ou artisanal, les entrepôts ou les hangars non ouverts au public, ainsi que celles dédiées au stationnement public couvert, à hauteur de 30 % de la surface de la toiture ou des ombrières créées.

Désormais applicable dès 500 m2 d’emprise au sol2 pour ces mêmes constructions, cette obligation concerne également leurs extensions et rénovations lourdes qui génèrent une emprise au sol de plus de 500 m2.

Le nouveau dispositif précise discrètement que le système de végétalisation en toiture (s’il est choisi) devra ne recourir à l’eau potable qu’en complément des eaux de récupération.

Les bureaux également concernés (+ 1 000 m2)

La loi vient étendre le champ d’application de cette obligation aux constructions de bâtiments ou parties de bâtiment à usage de bureaux, lorsqu’elles créent plus de 1 000 m2 d’emprise au sol, et à leurs extensions et rénovations lourdes3 lorsque celles-ci génèrent une emprise au sol de plus de 1 000 m2.

Ces obligations – renforcées pour les constructions à usage commercial, industriel ou artisanal, les entrepôts et les hangars non ouverts au public, et étendues aux constructions à usage de bureau – sont en outre applicables aux aires de stationnement associées à ces constructions lorsque ces aires font l’objet :

  • de rénovations lourdes3 ;
  • de la conclusion ou du renouvellement d’un contrat de concession de service public, de prestation de service ou de bail commercial.

L’ensemble des dispositions mentionnées dans ce I., actuellement codifiées à l’article L. 111-18-1 du code de l’urbanisme, seront transférées dans un nouvel article L. 171-4 du CCH à compter du 1er juillet 2023, date d’entrée en vigueur du dispositif renforcé4.

II. DES CONTRAINTES COMPLÉTÉES PAR D’AUTRES OBLIGATIONS PESANT SUR CERTAINS PARCS DE STATIONNEMENT DE PLUS DE 500 M2, MAIS TEMPÉRÉES PAR DES POSSIBILITÉS D’EXONÉRATION ÉLARGIES POUR L’ENSEMBLE DES DISPOSITIFS ÉVOQUÉS

De nouvelles obligations concernant certains parcs de stationnement de + de 500 m2

La loi crée un nouvel article L. 111-19-1 dans le code de l’urbanisme imposant des contraintes – en vue notamment d’une gestion plus économe des eaux pluviales – sur les parcs de stationnement extérieurs de plus de 500 m2 associés aux constructions visées au futur article L. 171-4 du CCH, ainsi que pour les parcs de plus de 500 m2 ouverts au public.

Ceux-ci devront ainsi intégrer sur au moins 50% de leur surface :

  • des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation ;
  • des dispositifs végétalisés ou des ombrières concourant à leur ombrage, dès lors que l’un ou l’autre de ces dispositifs n’est pas incompatible avec la nature du projet ou du secteur d’implantation et ne porte pas atteinte à la préservation du patrimoine architectural ou paysager. Pour ce qui est des ombrières, elles devront en outre intégrer un procédé de production d’EnR sur la totalité de leur surface.

Ces dispositions s’appliqueront aux demandes d’autorisation d’urbanisme déposées à compter du 1er juillet 20235.

Des cas d’exonération élargis pour les trois dispositif

Les contraintes à venir engendrées par ces trois dispositifs exigeants, mais aussi plus coûteux, doivent être nuancées par l’ouverture des cas d’exonération prévus par la loi sur la base desquels l’autorité compétente en matière d’autorisation d’urbanisme pourra prévoir, par décision motivée, de ne pas soumettre le pétitionnaire aux obligations prévues par les dispositions des futurs articles L. 171-4 du CCH et L. 111-19-1 du code de l’urbanisme. 

Actuellement6, elle peut exonérer le porteur de projet si le dispositif prévu est de nature à aggraver un risque, ou encore lorsque l’installation présente une difficulté technique insurmontable ou qui ne peut être levée dans des conditions économiquement acceptables.

Lors de l’entrée en vigueur de la loi, une exonération pourra être mise en œuvre7 si :

  • des contraintes techniques, de sécurité, architecturales ou patrimoniales ne permettent pas l’installation du dispositif (aggravation d’un risque ou difficulté technique insurmontable) ;
  • ou si les travaux ne peuvent être réalisés dans des conditions économiquement acceptables.

 

Précisions

1 Cf. notre bulletin « ZAN » du 25/08/2021.

2 La loi vient ainsi déconnecter le régime de cette obligation du seuil de l’autorisation commerciale prévue à l’article L. 752-1 du code de commerce.

3 La détermination de la nature des travaux de rénovation lourde affectant les structures porteuses du bâtiment et les aires de stationnement – qu’un décret viendra opérer dans le délai d’un an – sera déterminante.

4 L’article L. 111-18-1 du code de l’urbanisme sera alors abrogé.

5 La loi précise qu’elles s’appliqueront en cas de conclusion d’un nouveau contrat de concession de service public, de prestation de service ou de bail commercial portant sur la gestion d’un parc de stationnement ou son renouvellement, à l’instar de celles prévues au futur article L. 171-4 du CCH.

6 Actuel article L. 111-18-1 du code de l’urbanisme.

7 Les critères permettant cette exonération seront précisés par décret dans un délai d’un an.

Point de vigilance : sauf à ce qu’il s’agisse d’une malfaçon du texte, la rédaction de l’article 101 de la loi laisse à penser que cette exonération pourrait s’appliquer de plein droit pour les opérations mentionnées à l’article L. 111-19-1 du CCH, ce que le décret précisera.

Abréviations

EnR : énergies renouvelables

PPE : programmation pluriannuelle de l’énergie

PV : photovoltaïque

ZAN : zéro artificialisation nette

CCH : code de la construction et de l’habitation

Zéro artificialisation nette (ZAN) du territoire français : exit l’objectif indéfini, place à la codification et à la programmation

La loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » a été promulguée le 24 août 2021. Elle comporte de nombreux titres (consommation, production et travail, déplacements, logements, nourriture, protection judiciaire de l’environnementet, pour ce qui nous intéresse, un titre V intitulé « se loger » dont les chapitres III et IV ont pour objet la « lutte contre l’artificialisation des sols ». Depuis notamment l’instruction au gouvernement du 29 juillet 2019 relative à l’engagement de l’Etat en faveur d’une gestion économe de l’espace – laquelle s’adressait aux services de l’Etat  afin qu’ils veillent «  à ce que la lutte contre l’artificialisation soit bien prise en compte dans les stratégies d’aménagement, lors de la définition des projets et lors de leur mise en œuvre » – les collectivités étaient très fortement incitées à réduire la consommation d’espace lors de l’élaboration ou la révision de leurs documents d’urbanisme. La simple incitation laisse désormais place à un cadre juridique structuré.

I. ZÉRO ARTIFICIALISATION NETTE DU TERRITOIRE : POURQUOI / COMMENT ?

Le ZAN : raisons et incidences

Selon l’étude d’impact du projet de loi, le phénomène d’artificialisation des sols « a des conséquences négatives à la fois parce qu’il crée une dépendance à la voiture individuelle, augmente les déplacements, éloigne des emplois et des services publics, mais aussi parce qu’il réduit les espaces naturels et agricoles et porte ainsi atteinte à la biodiversité, au potentiel de production agricole et de stockage de carbone, et augmente les risques naturels par ruissellement ».

En conséquence, la même étude d’impact estime que la lutte contre cette dynamique contribue à faire baisser les coûts relatifs aux réseaux et voiries, aux équipements publics et aux transports, de sorte qu’au-delà de son incidence positive sur l’environnement en général, elle est jugée comme ayant un impact positif sur la ville et son cadre de vie.

Toutefois, la lutte contre l’artificialisation des sols a pour effet une augmentation des coûts des opérations d’aménagement et immobilières (densification, rareté du foncier notamment) et est critiquée par les propriétaires fonciers qui se sentent parfois spoliés de leur propriété privée (terrains classés en zone inconstructibles).

Définition et programmation du ZAN

Bien qu’assez objectivable, la notion d’artificialisation des sols ne faisait pas l’objet d’une définition juridique. La loi ajoute à l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme les alinéas suivants :

« L’artificialisation est définie comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage.»

Un décret en Conseil d’Etat devrait également établir « une nomenclature des sols artificialisés ainsi que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme ».

L’article 191 de la loi prévoit : « Afin d’atteindre l’objectif national d’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050, le rythme de l’artificialisation des sols dans les dix années suivant la promulgation de la présente loi doit être tel que, sur cette période, la consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale soit inférieure à la moitié de celle observée sur les dix années précédant cette date. Ces objectifs sont appliqués de manière différenciée et territorialisée, dans les conditions fixées par la loi.».

II. LE ZAN EST MIS EN OEUVRE PAR LES DOCUMENTS D’URBANISME

Quelques précisions 

Les mesures transitoires ou une mutation rapide des documents d’urbanisme :

SRADDET :  si nécessaire, engagement d’une procédure de modification dans le délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

SCoT/PLU/carte com. : intégration des dispositions de la loi lors de leur première révision ou modification après l’intégration des objectifs par le SRADDET. Leur évolution doit entrer en vigueur dans un délai de 5 ans pour les SCoT et 6 ans pour les PLU et cartes com., à compter de la promulgation de la loi. Si le SRADDET n’est pas modifié, les documents évoluent par modification simplifiée dans le délai d’un an suivant la promulgation de la loi.

En cas de non-respect de ces délais, les ouvertures à l’urbanisation prévues par les SCoT sont suspendues. Pour les PLU et cartes com., aucune autorisation d’urbanisme ne pourra être délivrée dans les zones à urbaniser ou les secteurs des cartes com. où les constructions sont autorisées.

Les SCoT, PLU et carte com. qui ont été approuvés il y a moins de 10 ans, qui prévoient une réduction d’au moins un tiers de la consommation par rapport aux 10 années précédant l’arrêt du projet, disposent d’un délai de 10 ans à compter de la promulgation de la loi pour intégrer ses dispositions relatives au ZAN.

Ces dispositions sont applicables aux procédures en cours tant que le projet n’est pas arrêté et d’application immédiate aux documents approuvés.

Recodification de la partie réglementaire du livre Ier du code de la construction et de l’habitation : ce qui change

Comme suite à l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2021, de l’ordonnance dite Essoc 2 du 29 janvier 2020, le livre Ier du code de la construction et de l’habitation (CCH) a fait l’objet d’une recodification (voir notre bulletin) et l’ordonnance dite Essoc 1 du 30 octobre 2018 a été abrogée. Parmi les mesures phares, les solutions d’effet équivalent (SEE) constituent une alternative aux solutions de référence réglementaires inscrites dans le CCH, et non une dérogation.

Dans son sillage, le décret n° 2021-872 du 30 juin 2021 recodifie à droit constant la partie réglementaire du livre Ier du CCH et fixe, en particulier, les conditions de mise en œuvre des SEE (I.) et les décrets nos 2021-821 et 2021-822 du 25 juin 2021 modifient le périmètre du diagnostic portant sur la gestion des produits, matériaux et des déchets issus de la démolition ou rénovation significative de bâtiments (II.).

I. LES CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DES SOLUTIONS D’EFFET EQUIVALENT

Procédure

Les SEE recouvrent des domaines variés et autorisent la mise en œuvre de solutions alternatives à la réglementation selon la procédure codifiée suivante :

  • Le dossier de demande du MOA (contenu à R.112-2) est transmis à un organisme tiers et impartial (parmi ceux issus de l’art. R. 112-4) qui analyse le dossier (modalités à l’art. R. 112-3). Si la solution est valide, il produit l’attestation de respect des objectifs (art. R. 112-3 II.).
  • Si plusieurs SEE sont envisagées pour un même projet et entrent dans le champ de compétence de l’organisme tiers, un unique dossier commun peut être déposé et une seule attestation sera délivrée par l’organisme tiers (art. R. 112-1).
  • Le recours à une SEE impose que l’attestation soit obtenue avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme (art. L. 112-9).
  • Le vérificateur agréé contrôle cette SEE en amont et en cours d’exécution des travaux (modalités à l’art. R.112-5 I.).
  • S’il est décidé de ne pas mettre en œuvre la SEE durant les travaux, l’administration doit en être informée au plus tard dans un délai de 2 mois suivant l’achèvement (art. R.112-6).
  • La mise en œuvre de la SEE est confirmée par la délivrance de l’attestation de bonne mise en œuvre de la SEE par le vérificateur (art. R. 112-5 II.).

Compétence

Les organismes reconnus pour délivrer des attestations de respect des objectifs sont répartis en fonction des champs techniques1 ouverts à la SEE.

Concernant le champ technique relatif à la sécurité globale (Titre III), les organismes compétents sont le CSTB, Cerema et les contrôleurs techniques.

Concernant les champs techniques relevant des titres IV, V, VI et VII, le décret dispose que :

  • jusqu’au 31 décembre 2023 et dans le cadre d’une phase transitoire, cinq organismes (CSTB, Cerema, contrôleurs techniques, bureaux d’étude hautement qualifiés dans le domaine2 et enfin, laboratoires agrées en résistance au feu et désenfumage)  reconnus compétents sur un champ technique particulier pourront délivrer l’attestation de respect des objectifs correspondante ;
  • à partir du 1er janvier 2024, une seconde phase définitive impose que les organismes compétents soient accrédités, agréés ou encore certifiés, selon leur champ technique, pour attester du respect des objectifs par les SEE (art. R.112-4). Le ministre compétent devra publier les arrêtés qui fixeront les critères et procédures d’accréditation et de certification des organismes.

I. LES CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DES SOLUTIONS D’EFFET EQUIVALENT

Opérations concernées

Le maître d’ouvrage d’une opération de démolition3 (art. R. 111-44 I.) et/ou de rénovation significative4 (art. R. 111-44 II.) est soumis à l’obligation de réaliser un diagnostic relatif à la gestion des produits, matériaux et déchets (PMD) lorsque :

  • soit, la surface cumulée de plancher5 de l’ensemble des bâtiments concernés est supérieure à 1 000 mètres-carrés ;
  • soit, le bâtiment concerné a accueilli « une activité agricole, industrielle ou commerciale et ayant été le siège d’une utilisation, d’un stockage, d’une fabrication ou d’une distribution d’une ou plusieurs substances classées comme dangereuses6 » (art. R. 111-43).

Le diagnostic PMD doit être réalisé avant le dépôt de l’autorisation d’urbanisme ou de l’autorisation d’aménager un ERP si l’opération y est soumise, ou préalablement à l’acceptation du devis ou à la passation du marché dans les autres cas (art. R. 111-45). Par ailleurs, il sera transmis au CSTB préalablement à l’acceptation du devis ou à la passation du marché (art. R. 111-50).

Contenu du diagnostic

S’agissant des produits, matériaux et équipements, le diagnostic PMD doit fournir (art. R. 111-46 II.) :

  • leur nature, leur quantité, leur localisation dans l’emprise et leur fonction dans l’opération ;
  • une estimation des déchets « potentiellement générés » par les PMD, avec leur classification7, et des déchets résiduels ;
  • une estimation de leur état de conservation ;
  • des indications et estimations quant aux possibilités de réemploi in situ, sur un autre site ou via des filières de réemploi ;
  • puis et à défaut de réemploi, les filières de gestion et de valorisation des déchets, notamment locales, en vue de leur réutilisation, recyclage, valorisation ou élimination ;
  • enfin, les indications ou précautions relatives à leur démolition, dépose, stockage et transport.

A l’issue des travaux, le maître d’ouvrage doit établir un formulaire de récolement (art. R. 111-49) qui sera transmis au CSTB dans les 90 jours suivant l’achèvement des travaux mentionnés à l’art.
R. 111-44 du CCH (art. R. 111-50).

Il est prévu que des arrêtés du ministre compétent viendront apporter de nombreuses et utiles précisions concernant le diagnostic PMD.

Quelques précisions

Titre III : Règles générales de sécurité

Titre IV: Sécurité des personnes contre les risques d’incendie

Titre V : Qualité sanitaire des bâtiments

Titre VI : Accessibilité des bâtiments

Titre VII : Performance énergétique et environnementale

Ils disposent d’une qualification du plus haut niveau d’expertise possible dans le domaine concerné par la SEE.

3 « une opération consistant à détruire une partie majoritaire de la structure d’un bâtiment ».

4 « une opération consistant à détruire ou remplacer au moins deux des éléments de second œuvre mentionnés ci-après, à la condition que les travaux concernés conduisent à détruire ou remplacer une partie majoritaire de chacun de ces éléments :

a) Planchers ne déterminant pas la résistance ou la rigidité de l’ouvrage ;

b) Cloisons extérieures ne déterminant pas la résistance ou la rigidité de l’ouvrage ;

c) Huisseries extérieures ;

d) Cloisons intérieures ;

e) Installations sanitaires et de plomberie ;

f) Installations électriques ;

g) Système de chauffage. »

5 Art. R. 111-22 du code de l’urbanisme.

Art. R. 4411-6 du code du travail.

Art. R. 541-7 du code de l’environnement.

Abréviations

CCH : Code de la construction et de l’Habitation

CSTB : Conseil Scientifique et Technique du Bâtiment

ERP : établissement recevant du public

MOA : maître d’ouvrage

PMD : produits, matériaux et déchets

SEE : solution d’effet équivalent

Permis de construire valant permis de démolir en site inscrit : gare au Cheval de Troie !

Le patrimoine français est riche de sites inscrits (pas moins de 239 pour la seule Ile-de-France, par exemple), de sorte que de nombreux projets immobiliers sont concernés par leur réglementation. En raison de la qualité de ces sites, les droits de l’urbanisme et du patrimoine architectural encadrent strictement les travaux s’y rapportant.


Alors que leur régime juridique apparaissait clair, le Conseil d’Etat a progressivement étendu les effets de l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France (ABF) émis sur le volet permis de démolir à l’ensemble de l’autorisation. Dès lors, des brèches sont apparues dans la sécurisation juridique de cette autorisation unique au détriment des porteurs de projet. Face aux écueils juridiques qui en procèdent, une approche stratégique lors du montage et du dépôt des autorisations d’urbanisme en site inscrit mérite d’être adoptée.

I. LE PERMIS DE CONSTRUIRE VALANT PERMIS DE DÉMOLIR EN SITE INSCRIT : ATTENTION AUX FAUX-SEMBLANTS

A. Un régime d’avis conforme en apparence restreint

Toute démolition, même partielle, d’une construction située en site inscrit doit être précédée d’un permis de démolir (art. R. 421-28 du code de l’urbanisme).

L’article L. 451-1 du code de l’urbanisme admet qu’une autorisation de démolir puisse être intégrée dans un permis de construire : une demande unique aboutira, après instruction, à la délivrance d’un arrêté de permis de construire valant permis de démolir.

Or, les procédures d’instruction et de délivrance des permis de construire et de démolir comportent de notables différences de régimes. En effet, si dans le cas général, un avis simple de l’ABF est requis en matière de construction, les démolitions en site inscrit requièrent un avis conforme (art. R.425-18 et R.425- 30 c. urb.). De surcroît, cet avis est réputé négatif en cas de silence gardé par l’ABF pendant plus de deux mois1. Par conséquent, si, en principe, une autorisation2 implicite naît à l’issue du délai d’instruction , à titre dérogatoire, l’article R.424-2 du code précité prévoit que le défaut de réponse dans le délai d’instruction d’une demande de démolition vaut décision implicite de refus3.

L’articulation de ces différents régimes, au sein d’une unique autorisation, a suscité un contentieux nourri.

 

B. Un régime d’avis conforme élargi par le Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat a tout d’abord dû déterminer si l’avis de l’ABF devait être regardé comme portant sur le volet démolition alors même qu’il ne le mentionnerait pas expressément.

En 20154, la Haute juridiction est ainsi venue dissiper l’ambiguïté textuelle et l’incertitude des juges du fond5 en résultant, en affirmant que l’avis de l’ABF « doit être regardé comme portant sur l’ensemble de l’opération projetée, sans qu’il soit nécessaire que cet avis mentionne expressément la démolition ». Autrement dit, dans un permis de construire (PC) valant permis de démolir en site inscrit, l’ABF émet un avis conforme sur l’ensemble de l’opération projetée.

Restait à clarifier les effets du silence gardé par l’administration sur une demande de PC supposant, au préalable, des démolitions en site inscrit.

Dans une décision du 20 janvier 2020 (n°421949), le Conseil d’Etat tranche cette question en affirmant que « le défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction vaut décision implicite de rejet ». Ainsi, le silence gardé par l’administration sur une demande de PC en site inscrit dont le dossier fait clairement apparaître des démolitions vaut refus implicite pour le tout.

II. SÉCURISER LES PROJETS EXIGE UN PEU DE STRATÉGIE

A. Cheval de Troie en site inscrit

Les porteurs de projets ont été d’autant plus troublés par l’application jurisprudentielle de l’article L. 451-1 du code de l’urbanisme que, préalablement, le Conseil d’Etat6 avait jugé que « si le permis de construire et le permis de démolir peuvent être accordés par une même décision, (…) ils constituent des actes distincts comportant des effets propres » afin d’annuler partiellement l’autorisation sur le seul volet construction.

Pourtant, les décisions précitées ont étendu la sévérité du régime de la démolition en site inscrit à l’intégralité de l’autorisation sans distinguer les deux volets la composant, impliquant que :

  • d’une part, l’avis conforme émis par l’ABF place l’administration en situation de compétence liée y compris sur le volet construction ;
  • d’autre part, l’avis conforme de l’ABF de même que la demande faite à l’autorité administrative3 sont réputés refusés en cas de silence gardé à l’expiration du délai d’instruction. Le régime du permis de démolir en site inscrit déteint ainsi sur l’ensemble de l’autorisation, y compris sur son volet construction.

Le régime du permis de démolir en site inscrit déteint ainsi sur l’ensemble de l’autorisation, y compris sur son volet construction.

B. Fragmenter pour mieux sécuriser

Au vu des conséquences pratiques défavorables du régime de cette autorisation unique, il est conseillé de déposer des demandes de permis distinctes en vue de maintenir les effets juridiques propres à chacune d’entre elles. En effet :

  • l’avis conforme de l’ABF ne concerne, par principe, que le permis de démolir, de sorte que l’autorité administrative pourra ne pas être en situation de compétence liée pour délivrer le permis de construire ;
  • une autorisation implicite de permis de construire pourra naître (sous réserve de l’application d’une autre législation), le risque du refus tacite étant cantonné au permis de démolir.

Le Conseil d’Etat juge toutefois que l’autorité administrative doit être en mesure d’apprécier la légalité du projet dans sa globalité lors de l’instruction7nonobstant les demandes distinctes de permis. Ainsi, en cas de fragmentation des demandes de permis de construire et de permis de démolir, il est conseillé soit de déposer de manière simultanée l’ensemble des demandes d’autorisations d’urbanisme, soit de déposer le permis de construire après la délivrance du permis de démolir.

Qu’est-ce qu’un site inscrit ?

Un site inscrit, tel que défini à l’article L. 341-1 du code de l’environnement, est un espace naturel ou bâti qui « présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général ». Les sites inscrits sont recensés au sein de chaque département.

Par exemple, selon la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie d’Île- de-France, cette région comporte 239 sites inscrits, pour une moyenne de 184 dans les autres régions.

Les sites inscrits représentent 13 % de la superficie de l’Île-de-France (contre 2,6 % de moyenne nationale). La ville de Paris, à elle seule, compte une superficie de sites inscrits de 4 400 hectares.

Quelques précisions

1 L’article R.423-67-2 du code de l’urbanisme dispose que « le délai à l’issue duquel l’architecte des Bâtiments de France doit se prononcer sur un permis de démolir situé dans un site inscrit est de deux mois. En cas de silence de l’architecte des Bâtiments de France à l’issue de ce délai, son accord est réputé refusé ».

2 Art. R. 424-1 du code de l’urbanisme.

3 L’article R. 424-2 du code de l’urbanisme prévoit les cas dans lesquels l’absence de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction vaut décision implicite de rejet.

4 CE, 16 mars 2015, Ville de Paris c. M. Sebag, n°380498.

5 Alors que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait jugé que le permis de construire « intègre une réponse formelle sur la partie démolition du projet » (9 avril 2012, n°1006492), le tribunal administratif de Bordeaux avait adopté la position inverse et exigeait un avis exprès de l’ABF sur le volet démolition (20 juin 2013, n°1102378).

6 CE, 21 févier 2018, SCI La Villa Mimosas, n°401043.

7 CE, 7 novembre 1973, n°85237 ; CE, 17 juillet 2009, Cne de Grenoble, n°301615.

Annulation totale du PLUi-H de Toulouse Métropole : une méthode mal calibrée pour calculer la consommation foncière conduit à faire tomber un document d’urbanisme couvrant un territoire de près de 800 000 habitants

Par jugements des 30 mars 2021 et 20 mai 2021 (req. n° 1902329), le plan local d’urbanisme intercommunal valant plan local de l’habitat de Toulouse Métropole (ci-après « PLUiH ») a été annulé dans son ensemble par le tribunal administratif de Toulouse, sans modulation dans le temps, en raison notamment de la méthode de calcul mise en œuvre pour apprécier la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ci-après « NAF ») sur les dix années précédant son approbation, qui aurait conduit à la surestimer. Quant aux objectifs de consommation foncière prévus par le PADD, ils auraient été, d’une part, « mal calibrés » en raison de l’utilisation de données obsolètes et, d’autre part, insuffisamment justifiés. La métropole a annoncé qu’elle ferait appel de ces jugements, dont les motifs résonnent immanquablement avec l’actualité juridique puisque l’intégration de l’objectif de « zéro artificialisation nette » du territoire (ci-après « ZAN ») à l’horizon 2050 est en cours de débat devant le Parlement.

I. CALCUL ERRONÉ DE LA CONSOMMATION PASSÉE DES ESPACES NAF ET OBJECTIFS DE MODÉRATION BASÉS SUR DES DONNÉES OBSOLÈTES = ANNULATION TOTALE

Méthode de calcul : l’obligation de tenir compte des données les plus récentes relatives à la consommation foncière précédant l’approbation du PLUi

L’article L. 151-4 du c. de l’urb., dans sa version applicable au litige1, disposait que : 

« Le rapport de présentation analyse la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant l’approbation du plan. (…) Il justifie les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain compris dans le PADD au regard des objectifs de consommation de l’espace fixés, le cas échéant, par le SCoT et au regard des dynamiques économiques et démographiques ». 

A ce titre, sur la base de photographies satellitaires et aériennes inscrites dans le rapport de présentation du PLUi-H de Toulouse-Métropole, un ralentissement de la consommation d’espaces a été enregistré entre 2007 (181 ha/an) et 2013 (154 ha/an). 

Lors du diagnostic initial, et faute d’éléments d’information suffisants sur la consommation foncière entre 2014/2018, une projection sur cette période a été réalisée à partir des données de 2007/2013 pour satisfaire aux exigences de l’art. L. 151-4 du c. de l’urb. 

Certains requérants ont cependant reproché aux auteurs du PLUi-H de ne pas avoir ajusté la projection établie pour 2014/2018 à l’analyse de la consommation réalisée en 2016 dans le cadre de la révision du SCoT, dont les résultats auraient été publiés avant l’arrêt du projet du PLUi-H, alors même qu’elle faisait ressortir « une consommation moyenne inférieure de plus de 38% à celle qui avait été retenue pour l’extrapolation initiale ».

En dépit des difficultés auxquelles sont confrontés les auteurs de PLUi-H dans la collecte et le traitement des données relatives à la consommation foncière, le juge administratif a estimé que l’analyse du SCoT de 2016 aurait dû être prise en considération dans la version arrêtée du PLUi.

Surestimation de la consommation foncière : une méconnaissance du principe de modération de  consommation des sols

Pour aboutir à l’annulation du PLUi-H, le tribunal administratif de Toulouse a retenu les éléments suivants :

  • PADD : la modération de la consommation foncière sur le territoire à été fixée à 10 % par rapport à la consommation analysée sur la seule période observée (allant de 2007 à 2013), sans  prendre en compte les données récentes de la période 2014 à 2018, ni même le justifier. De plus, la méthode de calcul des besoins en foncier est fondée sur des indicateurs obsolètes et est insuffisamment expliquée ;
  • rapport de présentation : une insuffisance dans l’explication de la méthode utilisée pour  réaliser l’extrapolation de la consommation foncière estimée entre 2014 et 2018 sur le territoire, alors même que des données plus récentes et contradictoires étaient disponibles (considérant no 16 du jugement du 30 mars 2021) ;
  • compatibilité avec le SCoT : si le tribunal relève en première analyse que la consommation foncière retenue dans le PLUi-H apparaît compatible avec le SCOT, il considère en définitive que tel n’est pas le cas dès lors que les méthodes de calcul pour chacun des deux documents n’étaient pas les mêmes ;
  • comptabilisation des zones U : le PLU aurait dû comptabiliser les espaces libres en zone U dans les projections de consommation en sus des zones UA, ce qui n’a pas été fait.


A noter sur ce dernier point que le tribunal administratif de Toulouse indique que, sous réserve d’une cohérence avec les principes du code, « les auteurs des PLU disposent d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer eux-mêmes les modalités de calcul de la consommation des espaces (…) ».


II. LE JUGE REFUSE UNE MODULATION DANS LE TEMPS DES EFFETS DE L’ANNULATION

Le refus d’une modulation dans le temps 

Après avoir jugé que ces vices n’étaient pas régularisables au sens de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé l’annulation totale du PLUi-H et décidé, dans un premier temps, de sursoir à statuer afin de permettre aux parties de débattre sur la question d’une éventuelle modulation des effets de l’annulation dans le temps2.

A la suite de ce sursis à statuer, dans un jugement du 20 mai 2021, le tribunal a refusé d’accorder cette modulation des effets de l’annulation dans le temps au motif que :

  • les territoires repassant sous POS et, à terme, sous RNU ne représentent que 10 % du territoire et 5 % de sa population ;
  • il n’est pas établi qu’un nombre excessif d’autorisations accordées et non encore devenues définitives seraient remises en cause par cette annulation, ni que la rétroactivité de l’annulation compromettrait ou retarderait un nombre important de projets en cours d’instruction ;
  • le maintien en vigueur du PLUi-H n’est pas de nature à garantir une consommation d’espaces moindre que le retour aux précédents documents d’urbanisme (la consommation projetée étant de 50 % supérieure à celle constatée sur les années 2013/2016).

Annulation rétroactive du PLUi-H et autorisations d’urbanisme

Dans l’attente de l’élaboration d’un nouveau document d’urbanisme, les documents d’urbanisme immédiatement antérieurs redeviennent applicables aux communes de la métropole conformément à l’article L. 600-12 du code de l’urbanisme.  

En ce qui concerne les autorisations délivrées sous l’empire du document annulé dans son ensemble, et dans l’hypothèse ou elles auraient été attaquées dans les délais en vigueur, leur légalité sera ainsi appréciée par le juge administratif au regard de l’ancien document d’urbanisme remis en vigueur (pour une analyse complète et détaillée de cette question, se reporter à l’avis du Conseil d’Etat du 2 octobre 2020 n° 436934 sur l’article L. 600-12-1 du code de l’urbanisme).

Aussi, dès lors qu’un nouveau débat aura lieu sur les orientations du PADD, les autorités compétentes pourront surseoir à statuer sur les demandes d’autorisations susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan. 

Etapes clés de la procédure d’élaboration du PLUIH de Toulouse Métropole : 

  • Délibération prescrivant l’élaboration du PLUI-H,  9 avril 2015
  • Délibération arrêtant le projet de PLUi-H, 3 octobre 2017
  • Déroulement de l’enquête publique du 30 mars 2018 au 17 mai 2018
  • Délibération approuvant le PLUi-H du 11 avril 2019

L’ultime étape du principe de la modération de la consommation des espaces : le ZAN

  • Loi n° 2000-1202 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain : consécration de la gestion économe des sols ;
  • Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement : obligation d’analyser la consommation foncière sur les dix années précédant l’élaboration du PLU et outils de densification ;
  • Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové : analyse des capacités de densification et de renouvellement urbain dans le rapport de présentation des PLU ;
  • Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique : insertion de la notion de « lutte contre l’étalement urbain » dans l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme ;
  • Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (travaux parlementaires en cours) : inscription dans la loi d’un objectif concret et contraignant d’absence de toute artificialisation nette des sols (ZAN) à l’horizon 2050.

1 Désormais, depuis la loi du 23 novembre 2018 (n° 2018-1021) entrée en vigueur le 25 novembre 2018, l’analyse de cette consommation doit se faire jusqu’à l’arrêt du document d’urbanisme et non plus jusqu’à son approbation.
 
2 Possibilité consacrée par la jurisprudence Association AC ! (CE, ass., 11 mai 2004, n° 255886). En effet, l’annulation rétroactive d’un document d’urbanisme peut emporter des « conséquences manifestement excessives »,  tant en raison des effets produits par l’acte que de l’intérêt général s’attachant à un maintien temporaire de ses effets.  

Pacte Dutreil : La doctrine administrative met fin à l’incertitude et exclut désormais les activités de location en meublé du dispositif Dutreil transmission

Le pacte Dutreil permet l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit pour la transmission d’entreprises individuelles (art 787 C du CGI) et de sociétés (art 787 B CGI) sous certaines conditions. Ce dispositif est ouvert aux activités commerciales, industrielles, libérales ou agricoles. L’éligibilité de l’activité de loueur en meublé, de nature hybride, avait été admise comme commerciale pour le bénéfice du Dutreil sur le fondement d’une interprétation doctrinale (via un renvoi à la doctrine en matière d’ISF). La suppression de l’ISF avait ouvert une période d’incertitude à laquelle a mis fin un changement de doctrine en date du 6 avril 2021 : l’activité de loueur en meublé n’est plus éligible au Dutreil

L’ancienne position de la doctrine admettait l’éligibilité des loueurs en meublé

L’article 787 B du CGI vise notamment, pour l’applicabilité de l’exonération partielle, les activités commerciales sans les définir expressément. Or, l’activité de loueur en meublé présente une nature hybride : elle est civile par nature, mais commerciale au sens fiscal (imposable en tant que « BIC » pour l’application de l’impôt sur le revenu selon l’article 35 I 5° bis du CGI).

L’ancienne doctrine administrative relative au Dutreil pour les sociétés prévoyait que la définition des activités éligibles était déterminée par référence aux dispositions doctrinales relatives à l’exonération des biens professionnels dans le cadre de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Or, cette doctrine administrative reconnaissait comme commerciales toutes les activités soumises au régime fiscal des « BIC », comprenant donc la location en meublé.

Ainsi, à la suite de l’avis du Comité de l’abus de droit fiscal du 6 novembre 2015, l’administration fiscale avait reconnu que le renvoi à la doctrine fiscale précitée relative à l’ISF permettait de se prévaloir de la nature commerciale au sens de l’article 787 B du CGI de l’activité de loueur en meublé à titre habituel – accompagnée ou non de prestation de services – la rendant ainsi éligible au pacte Dutreil.

La modification de la base BOFIP entraîne un revirement de position

A compter du 1er janvier 2018, l’ISF a laissé place à l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI). Il s’en est donc suivi une période d’incertitude s’agissant de la position de l’administration fiscale sur l’applicabilité du dispositif Dutreil à l’activité de location meublée. Dans un premier temps, en date du 11 octobre 2018, l’administration a retiré ses commentaires relatifs à l’ISF, ce qui rendait le renvoi de la doctrine administrative « Dutreil » sans objet et ouvrait une période d’insécurité juridique.

Elle a finalement procédé, le 6 avril 2021, à la modification de la documentation relative au pacte Dutreil. 

Le champ d’application de l’exonération s’agissant de l’activité éligible est désormais défini par renvoi aux règles applicables à l’IFI. Or l’article 966 du CGI, auquel l’administration se réfère dans son commentaire, indique que « n’est pas considérée comme une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale l’exercice par une société ou un organisme d’une activité de gestion de son propre patrimoine immobilier ».

Tirant les conséquences de ces dispositions, la nouvelle documentation administrative prévoit expressément l’exclusion du bénéfice du Dutreil « des activités de location de locaux meublés à usage d’habitation ».

La location meublée même professionnelle est désormais exclue du dispositif

L’administration fiscale, par cette modification de sa doctrine, opère donc une volte-face en revenant sur l’éligibilité au pacte Dutreil des sociétés et entreprises individuelles exerçant une activité de loueur en meublé à titre habituel.

De fait, même les « LMP » au sens de l’IR ou de l’IFI sont désormais exclus, – la doctrine, devant être appliquée littéralement, ne faisant aucune distinction entre le caractère professionnel ou non de l’activité – cette position nous ayant été confirmée par l’administration fiscale au sein d’une réponse à rescrit.

Reste néanmoins que l’adjonction d’une activité de prestation de services para-hôteliers à l’activité de location meublée, conférant à la location le caractère d’une activité commerciale par nature, continue d’être éligible à l’exonération partielle des droits de mutation dans le cadre du pacte Dutreil malgré la nouvelle position de l’administration fiscale.

La position de l’administration est opposable depuis le 6 avril 2021

Le changement de position de la doctrine administrative est immédiatement opposable aux contribuables  à compter du 6 avril 2021. Les commentaires administratifs étant en consultation jusqu’au 6 juin dernier, l’administration est en droit de procéder à une éventuelle révision ; cependant il semble peu probable qu’elle revienne sur ce point. Les transmissions avec Pacte Dutreil d’entreprises ou de sociétés (ex. SARL de famille) de location meublée ont donc aujourd’hui vécu. La mise à jour de la doctrine confirme néanmoins que les activités de marchands de biens, commerciales par nature, restent éligibles au Pacte Dutreil. Il en est de même pour la para hôtellerie.

En matière d’IFI, si l’activité de location en meublé n’est pas une activité commerciale conformément à l’article 966 du CGI, l’article 975 V du CGI prévoit néanmoins une exonération pour les biens loués meublés qui remplissent les conditions pour être considérés comme des actifs professionnels (plus de 23.000€ de recettes annuelles et bénéfice net représentant plus de 50% des ressources imposables du foyer).

Réécriture et recodification du code de la construction et de l’habitation : une réforme discrète mais efficace

Le gouvernement a été habilité par la loi pour un Etat au service d’une société de confiance du 10 août 2018, dite Essoc, à prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi afin de faciliter la réalisation des projets de construction. 

L’ordonnance dite Essoc 1 du 30 octobre 2018, entrée en vigueur le 1er novembre 2018 et à vocation transitoire, avait pour ambition de faciliter la mise en œuvre de solutions alternatives au droit commun dans les projets de construction avec l’entrée en vigueur du permis de faire (voir notre bulletin) et l’instauration du permis d’expérimenter. L’ordonnance dite Essoc 2 du 29 janvier 2020 poursuit l’objectif de réécrire et recodifier le code de la construction et de l’habitation (ci-après CCH). Son entrée en vigueur, le 1er juillet 2021, entraînera l’abrogation de l’ordonnance dite Essoc 1 et aura des incidences de la phase de conception (avec les solutions d’effet équivalent) jusqu’à l’utilisation des logements (par le biais du carnet d’information du logement). 


I. RATIONALISATION DES TEXTES ET RESPONSABILISATION DES MAITRES D’OUVRAGE


Un CCH enfin allégé : simplification et rationalisation du droit ? 

L’ordonnance Essoc 2 relative à la réécriture des règles de construction recodifie le livre Ier du CCH. Elle poursuit la double ambition de le simplifier et de le clarifier. Le volume des règles se trouve ainsi réduit d’un quart et la partie législative divisée en quatre parties. 


La première partie porte sur les règles générales de construction et de rénovation ainsi que sur l’encadrement de la conception, de la réalisation, de l’exploitation et des mutations des bâtiments  (Titres I et II). 


La deuxième partie est relative à l’ensemble des règles de construction applicables dans les différents champs techniques du bâtiment (sécurité, sécurité des personnes contre les risques d’incendie, qualité sanitaire, accessibilité, performances énergétique et environnementale) avec, pour chacun, les objectifs généraux poursuivis (Titres III à VII). 


Cette partie intègre également les articles du code du travail relatifs à la sécurité sur les chantiers.


La troisième partie fixe les règles concernant le contrôle et les sanctions (Titre VIII). 


Enfin, la quatrième et dernière partie prévoit les dispositions particulières à l’Outre-mer (Titre IX). 

Le respect des objectifs généraux : une obligation de résultat pour le maître d’ouvrage

La réécriture et la recodification du CCH sont, avant tout, les marqueurs d’un changement de paradigme dans le droit de la construction. 


En effet, cette réforme prévoit une obligation de résultat pour le maître d’ouvrage en imposant aux constructeurs des dispositifs techniques précis et le respect des règles de l’art avec des performances à atteindre. Le nouvel article L. 112-4 du CCH dispose à cet effet que « toute solution technique peut être mise en œuvre dès lors qu’elle respecte les objectifs généraux prévus par la loi ». 


Ce sont les titres I et II qui définissent les objectifs généraux que le maître d’ouvrage devra respecter. Deux hypothèses sont à distinguer : 

  • soit la règle comporte des résultats minimaux, fixés par décret, pour chaque champ technique : le maître d’ouvrage devra alors prouver qu’il a atteint les objectifs en démontrant l’obtention de ces résultats minimaux (cf.1 – précisions). 
  • soit la règle ne comporte pas de résultats minimaux : le maître d’ouvrage devra alors justifier du respect des objectifs par le recours, soit à une solution de référence (prévue par décret), soit à une solution d’effet équivalent (SEE). 

II. DES INCIDENCES PRATIQUES DE LA CONCEPTION À L’UTILISATION DES LOGEMENTS


Ce que changent concrètement les solutions d’effet équivalent (SEE) pour la conception

Le nouvel article L. 112-6 du CCH définit la SEE comme « une solution technique par laquelle la justification du respect des objectifs généraux assignés dans un champ technique est apportée ». 


Si le maître d’ouvrage souhaite recourir à une SEE, il devra justifier que la solution retenue respecte les objectifs généraux et permet d’atteindre des résultats au moins équivalents à ceux de la solution de référence. Pour ce faire : 

  1. un organisme tiers indépendant devra évaluer la solution retenue et produire, le cas échéant, une attestation de respect des objectifs  (cf. 2 – précisions) ; 
  2. l’attestation devra être transmise au ministre chargé de la construction avant le démarrage des travaux ;
  3. un contrôleur technique vérifiera enfin que la mise en œuvre de la solution est conforme aux règles énoncées dans le dossier de demande d’attestation et délivrera, à la fin des travaux, une attestation de bonne mise en œuvre de la SEE

Les maires, préfets et le ministre se verront confier un pouvoir de police administrative visant à contrôler et sanctionner le respect de mise en œuvre des SEE pour les constructions en cours ou achevées. En cas de manquement, après mise en demeure, le maître d’ouvrage pourra être redevable d’une astreinte journalière au plus égale à 150 € et, parallèlement, condamné à payer une amende allant jusqu’à 1500 €, sur le fondement du nouvel article L. 182-2 du CCH. 

La création du CIL comme outil de suivi de la performance énergétique des logements 

Le projet de loi de ratification de l’ordonnance Essoc 2 prévoit d’instaurer un carnet d’information du logement (CIL)

Aux termes de l’article 12 du projet de loi, il s’agit d’un document permettant de connaître les caractéristiques du logement et les travaux antérieurs « dont la connaissance est indispensable à l’évaluation de la performance énergétique et à la programmation d’opérations de rénovation efficaces sur le bâti et les systèmes énergétiques » ; son entrée en vigueur est prévue le 1er janvier 2022. 

Le CIL vient succéder au carnet numérique d’informations, de suivi et d’entretien du logement prévu à l’article L. 111-10-5 du CCH, introduit par la loi ELAN, mais n’ayant jamais vu le jour en raison d’une présomption d’inconstitutionnalité soulevée par le Conseil d’État (avis CE, 23 juin 2020, n° 400172).

Le CIL sera établi par le propriétaire à l’issue de la construction ou des travaux de rénovation modifiant la performance énergétique du logement et devra être mis à jour régulièrement. Il sera transmis en cas de changement de propriétaire et pourra être dématérialisé. Le décret en Conseil d’État qui précisera ses modalités d’application pourrait utilement clarifier ses liens avec le diagnostic de performance énergétique d’ores et déjà requis en cas de vente ou location (cf. articles R. 134-1 et suivants du CCH).

Précisions 


1. L’article L. 111-1 du nouveau CCH définit le résultat minimum comme « le niveau qui doit être au moins atteint par le bâtiment ou un des éléments qui le constitue pour respecter un objectif général dans un champ technique de la construction au sens du présent article. Ce niveau est le plus souvent exprimé de façon quantifiée et peut prendre différentes formes telles celle d’un indice, d’une performance, d’un seuil ».

2. L’organisme chargé de délivrer l’attestation de SEE devra être « un organisme tiers au maître d’ouvrage offrant des garanties de compétence et d’indépendance  » (article L. 112-9 du nouveau CCH). Un décret en Conseil d’État viendra préciser, pour chaque domaine technique, les organismes pouvant délivrer cette attestation et les compétences requises pour l’exercice de cette activité. 

3. Le nouvel article L. 112-10-2 du CCH oblige les maîtres d’ouvrage à conserver tous les documents relatifs aux SEE pendant une durée de dix ans. 

4. Les articles 11, 17, 19 et 20 du projet de loi de ratification intègrent au CCH des dispositions introduites par la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (n° 2019-1428) et par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (n° 2020-105). Sont ainsi codifiées, par exemple, les dispositions relatives au diagnostic concernant la gestion des produits, matériaux et déchets de certains chantiers, de même que des dispositions relatives à l’accès des PMR aux ERP ou installations ouvertes au public. 

Modification du régime des SEE entre Essoc 1 et Essoc 2 

L’attestation de SEE devait être transmise au ministre avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme (Essoc 1).

À compter du 1er juillet 2021, lors de l’entrée en vigueur de la l’ordonnance Essoc 2, l’attestation de SEE devra être transmise avant le commencement des travaux.

Last but not least : le volet réglementaire

La recodification de la partie réglementaire du CCH correspondant au livre Ier est également prévue avant le 1er août 2021. Cela représente plus de 400 articles à réécrire.

Annulation contentieuse d’une DDEP : des conséquences distinctes selon le caractère achevé ou non des travaux

Le 28 avril 2021, le Conseil d’État a rendu une décision n° 440734 mentionnée aux Tables du Lebon, par laquelle il clarifie les conséquences de l’annulation, par le juge, d’un arrêté portant dérogation aux interdictions de destruction de spécimens d’espèces animales et végétales protégées et de leurs habitats (DDEP). Le Conseil d’État précise notamment les conséquences que le préfet doit tirer d’une telle annulation et opère à cet égard une distinction selon que celle-ci intervient avant (I.) ou après la réalisation des travaux (II.).


I. L’ANNULATION CONTENTIEUSE D’UNE DDEP AVANT LA RÉALISATION DES TRAVAUX (CADRE GÉNÉRAL)


Les pouvoirs du préfet : de la mise en demeure de régulariser…

Lorsqu’une DDEP a fait l’objet d’une annulation contentieuse – que la dérogation ait été délivrée dans le cadre d’une autorisation d’exploiter une ICPE (ancien régime) ou d’une autorisation environnementale (auquel cas l’annulation porte sur la partie de l’AE tenant lieu de DDEP) –, le Conseil d’État rappelle qu’il appartient au préfet de mettre en oeuvre les pouvoirs qu’il tient de l’article L. 171-7 du code de l’environnement. 

Ces mesures et sanctions administratives, qui sont indépendantes des éventuelles poursuites pénales,  consistent à :

  • mettre l’exploitant en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu’il détermine (1 an au maximum) ;
  • édicter des mesures conservatoires aux frais de la personne mise en demeure ;
  • suspendre le fonctionnement de l’installation jusqu’à ce qu’il ait été statué sur une demande de régularisation, à condition que des motifs d’intérêt général ne s’y opposent pas.


… à l’abrogation de l’autorisation d’exploiter l’ICPE ou de l’autorisation environnementale

Outre le rappel des pouvoirs de police dont le préfet peut faire usage au titre des dispositions précitées du code de l’environnement, le Conseil d’État indique que cette même autorité peut, le cas échéant, abroger l’autorisation d’exploiter ou l’AE en tenant lieu

Cette hypothèse n’est pas évoquée par le rapporteur public dans ses conclusions sur l’arrêt commenté mais elle apparaît en lien avec le rôle central assigné au préfet à la suite d’une annulation de DDEP. En effet, la Haute juridiction précise que ce dernier, tenant compte de la situation de droit et de fait applicable à la date à laquelle il se prononce, doit tirer les conséquences de la décision juridictionnelle d’annulation et de l’autorité de chose jugée qui s’y attache.

Pour ce faire, il appartiendra sans doute au préfet de distinguer selon les motifs d’annulation de la DDEP et, en conséquence, en fonction des possibilités ouvertes de régularisation. 

Aussi, lorsque, comme au cas d’espèce, une DDEP a été annulée pour défaut de raison impérative d’intérêt public majeur du projet, vice difficilement régularisable, le préfet sera amené à prononcer l’abrogation de l’autorisation d’exploiter ou de l’AE en tenant lieu.

II. L’ANNULATION CONTENTIEUSE DE LA DDEP APRÈS LA RÉALISATION DES TRAVAUX (CADRE SPÉCIAL)

La nécessaire mise en oeuvre d‘une protection équivalente à la DDEP annulée

Alors même que la DDEP a été annulée pour un motif de fond (RIIPM) et est dès lors réputée n’avoir jamais existé, le Conseil d’État tient compte des effets qu’elle a produits avant son annulation et peut ainsi constater qu’elle a été exécutée. Il ménage alors une issue favorable pour les installations en cours d’exploitation.

Plus précisément, il considère que « dans l’hypothèse où la situation de fait telle qu’elle existe au moment où l’autorité administrative statue à nouveaune justifie plus la délivrance d’une DDEP », le préfet doit rechercher si l’exploitation peut être poursuivie. Dans ce cas, il peut imposer des prescriptions complémentaires et/ou délivrer une décision modificative ou une nouvelle AE :
  

  • les prescriptions imposées dans l’autorisation modificative doivent apporter une protection de l’environnement équivalente en reprenant a minima les mesures de compensation exigées par la DDEP annulée ; 
  • en fonction du caractère illégal des atteintes portées aux espèces protégées, l’autorisation modificative doit intégrer des conditions de remise en état supplémentaires et peut adapter les conditions de l’exploitation (modalités de fonctionnement, durée). 

Des zones d’incertitudes quant au champ d’application de cette décision

Le Conseil d’État a adopté une « approche médiane » qui permet de trouver un équilibre entre pragmatisme et nécessité de protéger les espèces. Il semble ainsi ouvrir la voie à la sécurisation des situations acquises en raison de la réalisation des travaux préalables à l’exploitation d’une ICPE ayant conduit, dans le passé, à solliciter une DDEP. 

Les juges ne dissipent toutefois pas l’ensemble des ambiguïtés. 

Quid en effet de la situation dans laquelle les travaux ne sont pas achevés mais suffisamment avancés ? Une abrogation est-elle alors légale ou le préfet doit-il envisager une régularisation ? 

En outre, une telle prise en compte de l’exécution des travaux (et donc de la destruction des espèces) peut-elle être étendue à l’hypothèse où un porteur de projet devenu exploitant n’aurait jamais demandé de DDEP, alors même qu’une telle dérogation était requise ?

Enfin, cette solution vaut pour une AE dès lors que celle-ci devient incomplète et par suite illégale en cas de DDEP annulée, des questions se posent s’agissant du caractère exécutoire d’un permis de construire délivré à l’occasion d’une opération nécessitant également une DDEP.

Les étapes de l’affaire de la carrière de Semondans

Abréviations

AE : autorisation environnementale
C. env. : code de l’environnement
ICPE : installation classée pour la protection de l’environnement
DDEP : dérogation pour la destruction d’espèces protégées et de leurs habitats 
RIIPM : raison impérative d’intérêt public majeur

Prévenir les conflits d’intérêts sans étouffer la vie locale : un équilibre à rechercher pour les élus

Malgré les récentes lois relatives à la prévention des conflits d’intérêts1, l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, inchangé depuis la création du code en 1996, dispose que « sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ». De la qualification d’ « élu intéressé » découlent deux risques : d’une part, l’annulation d’une délibération à laquelle a participé l’élu, qui pèsera sur la collectivité (I.) ; d’autre part, l’engagement de la responsabilité pénale de l’élu (II.). Si les situations de cumul d’intérêts des conseillers sont légion dans les communes rurales peu habitées, des réflexes peuvent être adoptés pour prévenir les conflits d’intérêt et limiter leurs conséquences sur le plan juridique.

I. L’ ENJEU PUBLIC : LE RISQUE, POUR LA COLLECTIVITÉ, TENANT À L’ANNULATION DE SA DÉLIBÉRATION

La simple détention d’un « intérêt » par l’élu ne suffit pas à caractériser le risque…

La jurisprudence administrative recourt d’abord au critère de « l’intérêt personnel » que l’élu peut détenir en propre ou par personne interposée. La présence d’un « intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune » (CE, 16/12/94, n° 145370) est ici recherchée, au terme d’une analyse in concreto (CE, 30/12/02, n° 229099).

Le juge considère par exemple que n’est pas « intéressé à l’affaire » le conseiller municipal qui bénéficie d’une indemnité en raison de la vente de parcelles communales (CE, 1/07/19, n° 410714), ni celui dont la famille bénéficiera de l’implantation d’un projet éolien sur lequel il a été amené à donner un avis (CAA Nancy, 26/01/21, n° 20NC00316, pt. 19 – en l’occurrence, deux des conseillers municipaux présents au vote étaient respectivement le fils et le neveu du propriétaire de la parcelle d’implantation du parc).

De même, le seul vote d’un élu propriétaire de parcelles destinées à l’élargissement des chemins d’accès aux éoliennes lors de la délibération sur l’opportunité du projet ne suffit pas à retenir la qualification d’« élu intéressé » (CAA Nancy, 26/01/21, préc., pt. 6). Le conseiller doit également, en effet, avoir eu une influence sur le sens de la décision.

… L’exigence d’une influence sur le résultat de la délibération

Le second critère dégagé par le juge procède de l’influence exercée par l’élu sur la délibération ou de sa « participation active » à celle-ci (CE, 12/10/16, n° 387308). La preuve de cette influence de l’élu sur la délibération en vue de prendre en compte son intérêt personnel doit être rapportée pour entraîner l’annulation de la délibération.

Ainsi, la circonstance que deux élus, gérants du groupement foncier propriétaire du terrain d’assiette d’un projet éolien, aient pris part à la délibération précédant l’avis favorable du maire sur le projet n’entache pas d’illégalité la procédure de délivrance de l’autorisation, dès lors qu’aucune influence sur le sens de la délibération ou sur l’avis du maire n’a été démontrée (CAA Marseille, 13/11/15, n° 14MA00594). 

L’appréciation par les juges de l’influence ne se limite pas au seul moment de la délibération (CE, 9/07/03, n°248344). Cette influence peut être caractérisée si un élu a activement participé aux réunions et travaux préparatoires à l’élaboration d’un document d’urbanisme, même il s’est abstenu de prendre part aux débats lors de l’approbation (CE, 21/11/12, n° 334726 : annulation, pour ce motif, de la délibération approuvant une carte communale).

II. L’ENJEU PÉNAL : LE RISQUE D’ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITÉ DE L’ÉLU INTÉRESSÉ

La possible caractérisation d’une infraction pénale…

Si la délibération dont le sens a été influencé par l’élu intéressé peut éviter l’annulation (notamment si elle n’a pas été attaquée), l’élu risque toutefois de voir sa responsabilité pénale engagée devant le juge répressif.

Exercer une influence dans un but strictement personnel ou pour une tierce personne est en effet susceptible de constituer une infraction pénale (concussion, corruption et trafic d’influence, délit de favoritisme, prise illégale d’intérêts, etc.)2 dont la prescription intervient au bout de six ans à compter du dernier agissement3.

Dès lors que la caractérisation d’une infraction pénale suppose un élément matériel (les faits) et un élément intentionnel (la volonté d’avoir commis ces faits), des preuves de l’avantage retiré par l’élu ou la tierce personne doivent être rapportées.

Ainsi, la simple « supposition » d’un accord verbal entre un élu et une société qui rachète des terrains lui appartenant n’est pas de nature à prouver une prise illégale d’intérêts (Crim., 19/03/08, n° 07-84.288).

… La large application de l’infraction de prise illégale d’intérêts

La prise illégale d’intérêts est l’infraction la plus susceptible d’être retenue dès lors que l’élément matériel peut concorder avec les agissements de l’élu « intéressé à l’affaire » : par exemple, la révision d’un document d’urbanisme en vue de favoriser son foncier ou l’accord relatif au versement de subventions vers une association dont il est membre actif (voire l’émission d’un seul avis sur ces subventions : Crim., 09/02/11 n° 10-82988).

L’intérêt peut être pécuniaire, moral, direct ou indirect (Crim., 22/10/08, n° 08-82.068). De plus, non seulement la recherche d’un gain ou d’un profit personnel est indifférente (Crim., 21/06/00, n° 99-86.871), mais l’intérêt de l’auteur de l’infraction peut ne pas être en contradiction avec l’intérêt communal (Crim., 19/03/08, préc.).

Enfin, l’élément intentionnel est aisément retenu par le juge pénal qui exige seulement un dol général, caractérisé par la commission de l’infraction en toute conscience (Crim., 22/10/08, préc. : des élus ont été déclarés coupables pour avoir participé à une délibération attribuant des subventions à une association qu’ils présidaient).

Précisions

1 Lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique.

2 Art. 432-10 et s. du code pénal.

3 Art. 8 du code de procédure pénale.

4 Caractérisé indépendamment de sa finalité, par opposition au dol spécial pour lequel une finalité spéciale est recherchée.

Le cas spécifique de la délibération préalable à une prise de décision

Lorsque les délibérations sont des avis préalables à la prise d’une décision préfectorale (comme en matière d’EnR), un second filtre se met en place :

  • même en présence d’une délibération irrégulière en raison de la participation d’un élu intéressé, le juge administratif recherche si l’autorité compétente aurait pris, sans cela, une décision différente ;
  • s’il s’avère que l’avis a été pris en considération pour l’édiction de la décision finale, l’irrégularité de la délibération peut alors emporter l’illégalité de la décision finale (Rép. Min., Q n° 68565, J.O.A.N. 31 mars 2015, p. 2551).

Prévenir les conflits d’intérêts

  • Tout élu (maire, conseiller municipal ou intercommunal) doit connaître et reconnaître ses intérêts (propriétés foncières notamment) avant de participer au processus décisionnel.
  • En cas d’intérêt personnel en jeu, il convient de s’écarter des travaux préparatoires, commissions et réunions de travail.
  • Lors de la délibération, l’élu devra :
  • – s’écarter des débats et quitter la salle ;
    – indiquer la raison de ce départ et s’assurer qu’il figure au compte-rendu.
  • En cas de déport d’un ou de plusieurs élus, il conviendra de veiller au respect du quorum non seulement pour l’ensemble de la séance, mais aussi pour chaque question abordée (CE, 23/03/1988, n° 67694). La décision de conseillers présents pendant la discussion de sortir au moment du vote équivaut à une abstention et n’affecte pas le quorum.

Vers une mise en conformité des critères de sélection des projets soumis à évaluation environnementale

Dans une décision n° 425424 du 15 avril 2021 mentionnée aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’État a prononcé une annulation partielle du décret n° 2018-435 du 4 juin 2018 portant modification de la nomenclature de certains projets relevant de l’évaluation environnementale systématique ou au cas par cas1.

La Haute juridiction a suivi les associations requérantes, à savoir la FNE et la FNE Allier2, qui avaient contesté la transposition, dans le droit national, des critères européens relatifs à l’évaluation préalable des projets de nature à avoir une incidence notable sur l’environnement (I.). Dans l’attente d’une mise en conformité du droit interne qui doit intervenir au plus tard au début de l’année 2022, les porteurs de projets se doivent d’être vigilants dans la détermination des projets qu’il conviendra de soumettre à évaluation environnementale préalable, en veillant à une lecture critique des listes aujourd’hui fixées par le code de l’environnement principalement axées sur le critère dimensionnel des projets, et insuffisamment, en regard du droit de l’Union, sur leur localisation ou encore leurs impacts potentiels (II.).

I. TOUT PROJET « SUSCEPTIBLE D’AVOIR UNE INCIDENCE NOTABLE SUR L’ENVIRONNEMENT » DOIT FAIRE L’OBJET D’UNE ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE PRÉALABLE À SON AUTORISATION

Les critères de l’annexe III de la directive…

La directive 2011/92/UE3 pose un principe général d’évaluation préalable des projets susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement. Elle impose à ce titre aux États membres de prendre les dispositions idoines pour que ces projets soient soumis à évaluation, en raison de leurs dimensions, mais également de leur nature ou de leur localisation.

Plus précisément, doivent être pris en compte les critères figurant en annexe III de la directive4, c’est-à-dire :

  1. les caractéristiques du projet (dimension, cumul avec d’autres projets, utilisation des ressources naturelles, etc.) ;
  2. la localisation du projet (occupation des sols, présence de zones protégées à proximité, capacité de régénération des ressources naturelles de la zone, etc.) ;
  3. les types et caractéristiques de l’impact potentiel (étendue, probabilité, durée, fréquence, réversibilité, etc.).

La CJUE a ainsi  jugé qu’ « un projet de dimension même réduite peut avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de sa nature ou de sa localisation » (CJUE, 24 mars 2011 Com. c/ Belgique, C-435/09, §61).

…incorrectement transposés en droit interne

Dans sa décision du 15 avril 2021, le Conseil d’État censure la rubrique 44 de la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 C. env relative aux équipements sportifs5en ce que seule était prise en compte la capacité d’accueil du projet pour le soumettre à évaluation environnementale. Etaient ainsi exemptés d’une telle obligation les projets accueillant moins de 1000 personnes, « quelles que puissent être, par ailleurs, les autres caractéristiques et notamment leur localisation » et ce, en méconnaissance de la directive telle qu’interprétée par la CJUE6.

Le Conseil d’État est même allé plus loin, annulant partiellement le décret précité « en tant qu’il ne prévoit pas de dispositions permettant qu’un projet susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement pour d’autres caractéristiques que sa dimension puisse être soumis à une évaluation environnementale ».

Il sanctionne ainsi l’absence de mécanisme de « clause filet », laquelle doit permettre de soumettre à évaluation environnementale des projets ne figurant pas dans la nomenclature annexée à l’Art. R. 122-2 C. env. mais ayant une incidence sur l’environnement (notamment en raison de leur localisation).

II. VERS UNE APPRÉCIATION PLUS PERTINENTE DES PROJETS SUSCEPTIBLES D’AVOIR UNE INCIDENCE NOTABLE SUR L’ENVIRONNEMENT

Dans l‘attente d‘une mise en conformité…

Il apparaît donc, au vu des critères posés par la directive, que la seule prise en compte de la dimension du projet est insuffisante pour déterminer s’il est nécessaire ou non de réaliser une évaluation environnementale ou, à tout le moins, de procéder à un examen au cas par cas.

Il est enjoint au gouvernement de mettre en conformité les critères de sélection des projets soumis à évaluation environnementale avec ceux de l’annexe III de la directive dans un délai de neuf mois, soit au plus tard début 2022 (pt. 11 de l’arrêt).

Dans cet intervalle, il est vraisemblable que la directive « Projets » pourra être directement invoquée à l’appui de recours contre les projets concernés par les rubriques du décret partiellement annulé7, dès lors que l’annexe III de celle-ci comporte des critères suffisamment précis et inconditionnels (Cf. CE, Ass. 30 octobre 2009, « Dame Perreux », n° 298348).

Pour rappel, la Commission européenne avait déjà adressé à la France deux mises en demeure, considérant que la législation française transposant la directive « Projets » était insuffisante8.

…mieux vaut ne pas subir !

La sécurité juridique de certains projets ayant été dispensés d’évaluation environnementale au regard de leurs seules dimensions (sans analyse de leur localisation ou de leurs impacts) pourrait se trouver fragilisée.

Il n’est pas exclu que des projets relevant d’autres rubriques que celles visées par le décret du 4 juin 2018 puissent être contestés sur le fondement de l’absence d’évaluation environnementale préalable9. Restera toutefois à démontrer qu’une telle évaluation aurait été nécessaire au regard des critères de l’annexe III de la directive.

À titre d’exemple, la rubrique 39, bien que récemment modifiée10, pourrait être regardée comme contraire à la directive dès lors que les critères et seuils fixés ne portent ni sur la localisation du projet, ni sur le type d’impact attendu, à l’exception du critère d’ « espace non artificialisé » partiellement appliqué à la catégorie des évaluations systématiques.

Aussi durant cette période transitoire, les porteurs de projets devront apprécier si ces derniers doivent être soumis à évaluation en se fondant directement sur les critères de l’annexe III de la directive « Projets », et non plus seulement en fonction des seuils fixés par l’annexe à l’art. R. 122-2 C. env.

Quelques précisions

1 Cf. notre bulletin du 18.07.2018, sur l’assouplissement des caractéristiques des constructions et opérations d’aménagement soumises à évaluation environnementale (rubrique 39 de l’annexe à l’art. R. 122-2 C. env.).

L’association France Nature Environnement (FNE) et FNE Allier sont des associations agréées pour la protection de l’environnement (art. L. 141-1 C. env.).

3 Directive 2011/92/UE du 13.12.2012 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (dite « directive Projets »).

4 Annexe III – Critères de sélection visés à l’article 4, paragraphe 3 de la directive 2011/92/UE.

A noter que par une décision n° 404391 du 8.12.2017, le Conseil d’Etat avait déjà censuré les anciens critères de cette rubrique pour méconnaissance du principe de non-régression de la protection de l’environnement.

6  CJUE, 15.10.2009, Com. c/ Pays-Bas, C-255/08, § 32-39.

Dont la rubrique 39 relative aux travaux, constructions, opérations d’aménagement.

8 Cfmise en demeure de la Commission du 18.02.2021 complémentaire à celle déjà adressée à la France le 7.03.2019.

Ce défaut d’évaluation préalable constitue un vice de procédure dont la régularisation, si elle apparaît possible, est toutefois longue et complexe (réalisation d’une inventaire 4 saisons par un bureau d’études spécialisé, passage en enquête publique, avis de la MRAE, etc.).

10 Décret n° 2020-1169 du 24.09.2020 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement et la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, entré en vigueur au 1er janvier 2021 – cf. notre bulletin du 25.11.2020.