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Responsabilité du dirigeant : Diriger c’est anticiper !

Toute démarche entrepreneuriale s’accompagne d’une prise de risques. Ces risques ne s’arrêtent pas aux seuls enjeux économiques et fiscaux de la société : ils touchent aussi le dirigeant à titre personnel, affectant son propre patrimoine et celui de sa famille. De même, le risque pénal ne se limite pas à l’entreprise et à ses conséquences financières ou réputationnelles : il peut s’étendre au dirigeant lui-même.

Ces risques fiscaux, patrimoniaux et pénaux doivent être identifiés, anticipés et encadrés.

Anticiper juridiquement, c’est vous protéger et protéger ce que vous avez construit.

Le droit n’est pas un frein, c’est un levier.

Si vous avez un doute, n’hésitez pas et écrivez à l’un de nos avocats :

Théorie des biens de retour : le concédant rafle-t-il la mise ?

Les jeux de casino offrent, une fois encore, l’occasion d’apporter des précisions sur la théorie des biens de retour.

Dans une décision du 17 juillet 2025 (n° 503317), publiée au recueil Lebon, le Conseil d’État a eu l’occasion d’apporter d’importants éclairages sur le régime des biens de retour dans le cadre de l’exécution d’un contrat de concession.

Revenons brièvement sur les faits : dans cette affaire, la commune de Berck-sur-Mer a cédé, en 1997, son ancienne gare routière à la société Groupe Partouche afin qu’elle aménage le bâtiment pour l’accueil d’un casino. La société Jean Metz, dont le Groupe Partouche était l’actionnaire unique, s’est vu attribuer la concession relative à l’exploitation du casino communal et des services associés. Elle a, dans ce cadre, conclu avec la société Groupe Partouche un bail commercial portant sur le bâtiment. Lors du renouvellement de la concession, la commune a lancé une nouvelle procédure de passation, exigeant des candidats qu’ils justifient d’un titre de propriété ou d’un contrat d’occupation d’un bâtiment destiné à accueillir le casino. Saisi par un candidat évincé, le juge du référé précontractuel a annulé la procédure estimant, notamment, que cette exigence n’était pas nécessaire

Le régime extensif des biens de retour dans le cadre des contrats de concession

Les biens créés, acquis ou apportés dans le cadre de la concession constituent des biens de retour

Par principe, sont qualifiés de biens de retour les biens meubles ou immeubles qui résultent d’un investissement du concessionnaire et sont nécessaires au fonctionnement du service public (cf. CE, 12 décembre 2012, Commune de Douai, 342788, jurisprudence désormais codifiée à l’article L. 3132-4 du CCP).

Deux conditions cumulatives sont donc nécessaires à la caractérisation d’un bien de retour :

  • d’une part, le bien doit résulter d’un investissement du concessionnaire ;
  • d’autre part, le bien doit être nécessaire au fonctionnement du service public.

Par la suite, la jurisprudence administrative a quelque peu étendu le champ d’application du régime des biens de retour.

En effet, plus récemment, le CE a jugé que le régime des biens de retour devait également s’appliquer dans l’hypothèse où le cocontractant de l’administration était propriétaire des biens antérieurement à la conclusion du contrat. En effet, dans un tel cas, ce dernier a, en décidant de conclure la convention, accepté d’affecter lesdits biens  au fonctionnement du service public (cf. CE, 29 mai 2018, Ministre de l’Intérieur c. Communauté de communes de la Vallée de l’Ubaye, n° 402251).

Les biens appartenant à certains tiers peuvent également constituer des biens de retour

La Haute juridiction administrative ne s’était, jusqu’à lors, jamais prononcée sur l’application de la théorie des biens de retour aux biens appartenant à un tiers. Certaines juridictions de fond considéraient qu’un bien, propriété d’une personne tierce au contrat de concession, ne pouvait être considéré comme étant un bien de retour1. Cette position jurisprudentielle permettait aux casinotiers, au travers d’un montage contractuel ou sociétaire, d’écarter l’application du régime des biens de retour.

Dans sa décision 17 juillet 2025, le CE étend encore le régime des biens de retour.  Dans cette affaire, il juge que, si en principe un bien appartenant à un tiers au contrat ne peut être qualifié de bien de retour, il en va autrement lorsque deux conditions cumulatives sont réunies :

  • d’une part, il existe des liens étroits entre les actionnaires ou les dirigeants du propriétaire du bien et ceux du concessionnaire ;
  • d’autre part, le bien est exclusivement destiné à l’exécution du contrat de concession, et a été mis à disposition du concessionnaire à cette fin.

Dans ce cas, le propriétaire du bien est réputé avoir consenti à ce que l’affectation du bien au service public emporte son transfert dans le patrimoine de la personne publique, selon les règles applicables aux biens de retour.

Les effets juridiques de l’application de la théorie des biens de retour

L’incorporation gratuite au patrimoine de la personne publique

Il se déduit de la jurisprudence et désormais du CCP, que les biens de retour appartiennent, dès leur réalisation ou leur acquisition, à la personne publique.

En outre, comme le rappelle cette décision du 17 juillet 2025, ces biens doivent revenir à la personne publique gratuitement, y compris dans le silence du contrat, sous réserve de leur complet amortissement.

Il est à noter que ce régime est d’ordre public. Aussi, les stipulations du contrat ne peuvent faire obstacle au retour gratuit à la personne publique de biens, nécessaires au service, créés au cours de la délégation. À ce titre, la personne publique est recevable à introduire un référé mesures utiles, fondé sur l’article
L. 521-3 du CJA, afin d’obtenir la restitution de biens de retour2.

En tout état de cause, l’autorité concédante conserve la possibilité de décider, s’il y a lieu, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public.

La possible indemnisation du concessionnaire à l’issue du contrat

Par principe, le retour du bien dans le patrimoine de la personne publique est réalisé à titre gratuit. Cependant, la jurisprudence administrative n’exclut pas l’hypothèse d’une indemnisation du cocontractant. En effet, le CE admet que, dans certaines situations, le cocontractant puisse percevoir une indemnité.

Tel est le cas des biens non amortis en raison (i) d’une résiliation de la convention avant son terme, (ii) d’une durée du contrat inférieure à la durée de l’amortissement de ces biens ou encore (iii) d’une valeur de l’apport non correctement intégrée au calcul de l’équilibre économique.  

Dans ces situations, l’indemnisation du cocontractant est généralement liée à la valeur nette comptable des biens, telle qu’elle figure au bilan ou telle qu’elle résulterait de l’amortissement de ces biens sur toute la durée du contrat.

L’essentiel étant qu’il n’en résulte pas une libéralité de la part de la personne publique3.

Références :

1 Par exemple : CAA Marseille, 16 décembre 2019, n° 18MA03183.

2    CE, 16 mai 2022, Commune de Nîmes, n° 459904.

CE, 19 mars 1971, Sieur Mergui, n° 79962

Précisions :

(i) Les jeux de casino peuvent constituer, selon la jurisprudence administrative, une activité de service public (CE, 25 mars 1966, Ville de Royan, n° 46504). Surtout, il est opportun de préciser que l’arrêté du 14 mai 2007, portant règlementation des jeux dans les casinos, impose que l’exploitation des jeux de casino soit réalisée au travers d’un contrat de délégation de service public dont la durée ne peut excéder 20 ans. 

(ii) La Cour des comptes, dans ses rapports successifs sur les jeux de casino, a mis en avant les manœuvres permettant aux casinotiers d’empêcher l’application de la théorie des biens de retour.  En effet, certains groupes dissociaient la société titulaire de la délégation de service public de celle propriétaire du bien nécessaire à l’exécution de l’activité afin de tenir en échec le régime des biens de retour. La décision du 17 juillet 2025 apporte ainsi une réponse à cette pratique courante parmi les grands groupes d’exploitants de casinos.

(iii) La notion de « liens étroits » n’est pas sans rappeler plusieurs notions de droit public. En effet, le CE a déjà eu recours à cette notion lorsqu’il s’agissait de déterminer si deux personnes morales distinctes

Comprendre les effets d’un investissement à effet de levier fiscal sur la CDHR (2/2)

Face à la CDHR, faut-il plutôt envisager une réduction d’assiette ou bénéficier d’une réduction d’impôt ? Tout investissement est-il neutralisé ?

Après un premier bulletin (1/2) visant à donner les clés de compréhension sur ce mécanisme aux nombreux effets de seuil, ce second bulletin expose les effets d’un investissement à effet de levier fiscal sur la CDHR (2/2). Il apporte un éclairage sur l’interaction entre investissements immobiliers à effet fiscal et CDHR et montre plus que jamais l’importance d’un accompagnement pour déterminer les investissements pertinents selon les profils d’investisseurs et la nature de leurs revenus.

I. L’effet des réductions d’assiette : positif, le plus souvent

Une réduction d’assiette (comme le MH ou le DF) diminue le revenu imposable.

Ce faisant, elle peut aboutir à une diminution du RFR sous le seuil d’application de la CDHR. Pour les contribuables au seuil, de tels régimes ont donc plutôt un effet positif :


Exemple : Le fait d’engager des déficits fonciers peut faire baisser le revenu fiscal de référence (en diminuant les revenus fonciers et le revenu global à hauteur de 10 700 €) sous le seuil d’assujettissement (ici 250 000 € pour une personne seule).

Dans cet exemple, quel que soit l’impôt sur le revenu total à payer, la CDHR ne serait pas applicable après l’opération.

Mais si la réduction d’assiette ne fait pas basculer le contribuable sous le seuil, l’investissement peut avoir un effet négatif.

En effet, elle peut entraîner une augmentation de la CDHR si elle aboutit à une imposition moyenne inférieure à 20 %. Cet effet touche notamment les foyers à fort RCM (ex : dirigeant qui perçoit des dividendes). Dans ces cas, une étude précise est conseillée.


Exemple : Dans ce second cas, quasi identique à l’exception des RCM (qui sont plus élevés), la même charge déductible des revenus fonciers ne suffit pas à exclure l’application de la CDHR.

Au contraire, la diminution de l’impôt au barème entraîne une augmentation de la CDHR, puisque le RFR est principalement composé de RCM taxés à 12,8 %.

II. L’effet des réductions d’impôts : négatif, mais pas toujours

Les réductions d’impôt immobilières ne seront pas affectées en 2025 :

L’impôt sur le revenu à comparer n’est pris en compte qu’après application d’autres réductions d’impôts immobilières (Scellier, Pinel, Denormandie, Malraux), si la dépense est engagée avant le 31 décembre 2025.

En revanche, elles le seront dès 2026 :

En 2026, le seuil d’imposition (20 % du RFR) sera déterminé après application de la réduction d’impôt.

Engager trop de dépenses qui ouvrent droit à réduction ou crédit d’impôt pourrait donc augmenter le montant de la CDHR à payer et annuler tout ou partie des effets fiscaux initialement recherchés.

Toutefois, cet impact négatif ne vaut que pour les contribuables dont les revenus sont principalement imposés à un taux forfaitaire.

Si le niveau d’imposition global est supérieur à 20 %, un investissement immobilier à effet de levier fiscal reste efficace.


Exemple : Un contribuable qui reçoit des salaires importants (dont l’imposition globale est ainsi supérieure à 20 %) peut envisager d’engager une dépense Malraux.

Elle peut lui permettre de diminuer le montant de l’impôt à payer tout en demeurant proche du second seuil de la CDHR (dans cet exemple, l’imposition globale est exactement à 20 % du RFR).

Chaque investissement doit être étudié :

Comme nous l’indiquions dans le bulletin n°1, le RFR « CDHR » subit de nombreuses corrections en fonction de la qualification des revenus en cause.

Il ne suffit donc pas d’étudier la fiscalité de l’investissement projeté ou en cours, mais il convient également de qualifier finement les revenus qui seront pris en compte dans la déclaration spécifique de CDHR à la fin de l’année.

Par exemple :

  • Un revenu peut-il être qualifié de revenu exceptionnel ?
  • Ces dividendes bénéficient-ils d’un abattement ?
  • Quel est le régime fiscal applicable à ces actions gratuites ?

La CDHR est l’occasion de réaliser un investissement personnalisé !

Elle implique seulement une vigilance et une expertise accrues dans la préparation de l’organisation patrimoniale des foyers concernés.

Abréviations :

CDHR : Contribution différentielle sur les Hauts Revenus
RFR : Revenu fiscal de référence
MH : Monuments historiques
DF : Déficits fonciers
RCM : Revenus de capitaux mobiliers

Ont participé à ce bulletin :

Marie-Bénédicte Rivière-Pain | Avocat associé sénior
Lucas Thieurmel | Avocat
Axel Bobé | Avocat

Quand le Conseil d’État refuse d’imposer à l’administration de corriger le permis de construire à la place du pétitionnaire : retour sur l’avis du 11 avril 2025 (« Sté AEI Promotion », n° 498803)

Cet avis rendu par la Section du contentieux souligne l’importance d’équilibrer les rôles respectifs, d’abord de l’administration, chargée d’instruire les demandes d’autorisation d’urbanisme et de s’assurer de leur légalité, ensuite du demandeur, responsable de la conformité de son projet aux règles d’urbanisme. Bien que l’on puisse regretter sa position à plusieurs égards, la Haute juridiction estime ainsi que l’administration n’a jamais l’obligation d’accorder une autorisation avec des prescriptions spéciales (I.), tout en rappelant qu’il incombe aux pétitionnaires de veiller à la conformité de leur projet aux règles d’urbanisme, l’administration demeurant libre de choisir d’imposer ou non ces prescriptions (II.).

I. L’administration n’a pas l’obligation d’émettre des prescriptions spéciales pour régulariser un projet non-conforme aux règles d’urbanisme

Contexte jurisprudentiel de la question posée

Pour rappel, le Conseil d’Etat avait jugé dans la décision « Deville »  que l’administration avait l’obligation de vérifier, avant d’opposer un refus, si des prescriptions pouvaient permettre d’assurer la conformité du projet aux impératifs de sécurité ou de salubrité publique exprimés par l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme.

Dans le cadre d’une procédure de demande d’avis contentieux fondée sur l’article  L. 113-1  du code de justice administrative, le TA de Toulon a sollicité du Conseil d’Etat qu’il détermine si la jurisprudence

« Deville » devait s’appliquer à l’ensemble des règles d’urbanisme, et pas uniquement à l’article R.111-2 du code de l’urbanisme.

La question posée revenait donc à savoir dans quelle mesure il pouvait appartenir à l’administration de corriger elle-même un dossier de demande d’autorisation, à la place du pétitionnaire.

Le refus de généraliser la jurisprudence « Deville » à toutes les règles d’urbanisme

Alors qu’une solution contraire était attendue par la plupart des acteurs, le Conseil d’Etat écarte la reconnaissance d’une obligation, pour l’autorité instructrice, de régulariser la demande en cours d’instruction.

En effet, il considère « qu’il revient à l’autorité administrative compétente en matière d’autorisations d’urbanisme de s’assurer de la conformité des projets qui lui sont soumis aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l’article L. 421-6 et de n’autoriser, sous le contrôle du juge, que des projets conformes à ces dispositions ».

Par ailleurs, il ne découle d’aucune législation que l’autorité compétente soit tenue d’une obligation de « régularisation précontentieuse » d’un projet par l’effet de prescriptions. Le Conseil d’État a donc fait le choix de ne pas généraliser la jurisprudence « Deville » à toutes les règles d’urbanisme. Il opère même un revirement en revenant sur la permission qui résultait de cet arrêt (relative à l’article R. 111-2).

II. La responsabilité d’assurer la conformité d’un projet aux règles d’urbanisme pèse sur le demandeur et non sur la collectivité

La liberté de l’administration de définir des prescriptions spéciales

L’autorité compétente conserve la possibilité d’accorder l’autorisation d’urbanisme sollicitée tout en l’assortissant de prescriptions particulières.

Il ne s’agit toutefois que d’une faculté.

Dans l’hypothèse où elle refuserait une demande sans avoir prescrit les mesures qui auraient été de nature à la régulariser, le pétitionnaire ne saurait utilement contester pour ce motif le refus devant le juge : son recours serait voué au rejet sur ce moyen.

Dans l’hypothèse où elle décide d’en prononcer, ces

« prescriptions doivent se limiter à des ajustements ponctuels et spécifiques, sans nécessiter la présentation d’un nouveau projet, [afin] d’assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect », conformément à une jurisprudence établie3. Le pétitionnaire peut les contester, mais le juge doit s’assurer que leur annulation n’est pas susceptible de remettre en cause la légalité de l’autorisation d’urbanisme et qu’ainsi, ces prescriptions ne forment pas avec elle un ensemble indivisible4.

L’aptitude du pétitionnaire à modifier son projet en cours d’instruction

Pour équilibrer l’absence d’obligation imposée à l’administration, le Conseil d’Etat rappelle que le pétitionnaire peut régulariser son projet en cours d’instruction en application de la jurisprudence « Commune de Gorbio5  ».

Cette faculté est conditionnée par l’obligation de ne pas changer la nature du projet, faute de quoi, si les modifications apportées au projet étaient trop importantes, elles pourraient en modifier la nature et nécessiter le dépôt d’une nouvelle demande (faisant donc courir de nouveaux délais).

Outre l’objet et l’importance des modifications, le pétitionnaire devra également tenir compte de la date à laquelle ces modifications sont présentées, leur examen devant pouvoir être mené à bien dans le délai d’instruction restant.

On comprend donc de ce renvoi à l’arrêt « Commune de Gorbio » que le Conseil d’Etat entend faire porter sur le seul pétitionnaire, la charge d’élaborer un dossier exempt de toute irrégularité, sans obligation pour les services instructeurs de prévoir des prescriptions régularisatrices, au risque de permettre des refus fondés sur des irrégularités mineures.

Quelques précisions

A partir du moment où l’administration n’est pas tenue de délivrer une autorisation avec prescriptions spéciales et que le pétitionnaire ne peut plus invoquer cette carence devant le juge, il lui revient de présenter dès l’origine, un projet conforme aux règles d’urbanisme.

Un accompagnement professionnel, fondé sur une méthodologie rigoureuse d’audit du permis de construire, constitue un outil stratégique d’anticipation et de sécurisation juridique, afin de réduire au maximum le risque de refus (notamment pour des irrégularités mineures).

Le cabinet a aussi participé à la rédaction d’amendements poursuivant un objectif de rationalisation du contentieux des refus de permis de construire pour des motifs véniels à la suite de cet avis contentieux.

Jurisprudence

1 CE, 25 juin 2019, Deville, n° 412429, Rec. Leb

2 Le fichage de l’avis commenté indique en effet : « Ab. jur., faisant obligation à l’administration de rechercher s’il est possible d’autoriser, en l’assortissant de prescriptions complémentaires, un projet de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, CE, 26 juin 2019, n° 412429, p. 245 ».

3 CE, 3 juin 2020 Société Compagnie Immobilière Méditerranée, n° 427781.

4 CE, 13 mars 2015, Mme A., n° 359677, Rec. Leb.

5 CE, 1er décembre 2023, Cne de Gorbio, n° 448905, Rec. Leb.

Club-deal immobilier et réglementation des FIA : les points de vigilance

Sans définition juridique précise, le club-deal immobilier désigne l’investissement collectif dans des biens immobiliers en dehors des cadres réglementés (SCPI, OPCI). Les objectifs des investisseurs peuvent être variés : obtenir un avantage fiscal, profiter de revenus réguliers ou partager une plus-value à terme, tout en bénéficiant de la sécurité du sous-jacent immobilier.

Quelle que soit la forme juridique du club-deal et le nombre d’investisseurs, il existe un risque important d’entrer, par inadvertance, dans le champ d’application de la réglementation, souvent méconnue, des Fonds d’Investissement Alternatifs (FIA). Or les conséquences peuvent en être redoutables.

Qu’est-ce qu’un FIA ?

Les Fonds d’Investissement Alternatifs constituent, aux côtés des OPCVM, l’une des deux formes de placements financiers collectifs. La définition des FIA, issue de la directive AIFM 2011/61/UE, figure à l’article L. 214-24 du Code monétaire et financier (CMF) : est un FIA l’organisme de placement collectif (hors OPCVM) qui « lève des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue des les investir, dans l’intérêt de ces investisseurs, conformément à une politique d’investissement » définie par le FIA ou son gestionnaire.

La loi distingue :

  • d’une part, les FIA dotés d’un régime juridique spécifique (SCPI, OPCI, FCPR…)
  • d’autre part, la catégorie fourre-tout des « autres FIA », qui regroupe toutes les entités qui, selon les conditions de l’article L. 214-24 « lèvent des capitaux auprès d’investisseurs pour les investir, dans l’intérêt de ces investisseurs, conformément à une politique d’investissement définie ».

Ainsi, toute société, quelle que soit sa forme (SCI, SAS…), peut donc relever de la réglementation des FIA si elle répond à ces critères. Ces derniers étant peu précis, le risque est important de se trouver par inadvertance soumis aux obligations contraignantes découlant de la qualification de FIA.

Qualification de FIA : quelles contraintes ?

Les conséquences de la qualification de FIA sont lourdes et onéreuses. Ainsi (et sauf rares exceptions), une société qui entre dans le champ d’application de cette réglementation :

  • devra être dirigée par une société de gestion de portefeuille agréée par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) ;
  • devra désigner un dépositaire qui veillera à la conservation des actifs de la société ;
  • sera tenue d’un certain nombre d’autres obligations contraignantes relatives à l’information de l’AMF et des investisseurs, l’évaluation de ses actifs, la commercialisation de ses titres etc.

La violation de ces règles peut entraîner de lourdes sanctions pour les différents intervenants, notamment le dirigeant et les commercialisateurs (cf. encadré ci-contre).

Comment ne pas être un FIA ?

FIAPas FIA
Acquisition d’immeubles répondant à des critères définisGestion d’un actif immobilier unique
Gestion des fonds en vue de réaliser du rendement ou des plus-valuesActivité d’achat et vente de biens, fourniture de services, construction d’immeubles
Définition préalable de la stratégie d’investissement (type d’immeubles, taux d’endettement maximum…)Stratégie opportuniste (acquisition, financement, revente) et décidée avec les investisseurs
Rôle réduit des investisseurs (approbation des comptes, désignation des dirigeants…)Investisseurs consultés pour les décisions importantes (investissement, arbitrages…)

Ce sont donc, d’une part, la stratégie globale de la société, d’autre part son fonctionnement qui doivent être particulièrement étudiés et adaptés.

Quelles sanctions

La violation de la législation relative aux FIA peut entraîner de multiples sanctions.

  • Responsabilité civile de la société émettrice et de ses dirigeants à l’égard des souscripteurs ;
  • Responsabilité pénale du dirigeant du fonds (l’article L. 573-1 du CMF punit de 3 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende le fait de gérer un FIA sans y avoir été autorisé) ;
  • Sanctions des intermédiaires (notamment les conseillers en investissements financiers) qui ont commercialisé des titres non autorisés à la vente.

La diffusion des titres

Que la société soit ou non qualifiée de FIA, la diffusion des titres devra respecter les règles relatives à l’offre au public de titres financiers (cf. notre bulletin à ce sujet).

Il conviendra d’abord de vérifier si l’émetteur (ou les intermédiaires) offre les titres au public au sens du Règlement UE 2017/1129 du 14 juin 2017.

Notamment, toute communication suffisamment précise sur les titres à souscrire (site internet, communication sur les réseaux sociaux, mailing…) constitue une offre au public de titres financiers.

Si tel est le cas, les titres ne peuvent être diffusés que dans le respect des conditions prévues par la réglementation. Par exemple :

  • Offre auprès d’un cercle restreint d’investisseurs, c’est-à-dire adressée à moins de 150 personnes ;
  • Offre de titres d’une valeur nominale égale à 100 000 €, ou ticket minimal de 100 000 € ;
  • Offre limitée à 8 000 000 € sur 12 mois glissants.

Comprendre la contribution différentielle sur les hauts revenus (« CDHR ») (1/2)

Annoncée en décembre 2024 (lire notre précédent bulletin), la CDHR, supposément temporaire, a été codifiée dans le Code Général des Impôts. Si elle ne s’applique qu’à partir des revenus perçus en 2025, son maniement suscite d’importantes incertitudes pour la gestion du patrimoine des contribuables touchés. Le présent bulletin vise à donner aux professionnels et particuliers concernés les clés de compréhension sur ce mécanisme aux nombreux effets de seuil (1/2). Il sera complété par un second bulletin exposant les effets d’un investissement à effet de levier fiscal sur la CDHR (2/2).

En clair, la CDHR ramène automatiquement à 20 % le taux global d’imposition des contribuables dont l’imposition globale (II) est inférieure à 20 % du revenu fiscal de référence (« RFR ») dépassant certains seuils (I).

I. Les revenus pris en compte dans le Revenu Fiscal de Référence « CDHR »

Rappel du seuil de déclenchement :

La CDHR n’a vocation à s’appliquer qu’aux foyers dont le RFR est supérieur à 250 000 € pour une personne seule et 500 000 € pour un couple imposé communément. 

Le RFR est celui de la CEHR…

Il correspond schématiquement à l’ensemble des revenus imposables perçus au cours de l’année (qu’ils soient soumis au barème de l’impôt ou à prélèvements forfaitaires).

Par exemple, sont ainsi compris (liste non exhaustive) :

  • Les plus-values immobilières imposées ;
  • Les plus-values de cessions de valeurs mobilières (cessions d’actions) ;
  • Les dividendes ;
  • Les distributions provenant de Fonds commun de placements à risques ou de capital investissement ; Les produits de bons ou contrats de capitalisation et d’assurance-vie, etc.

… après retraitements :

Certains revenus ne sont pas pris en compte, ou le sont après abattement. On citera, pour les exemples les plus courants :

  • Le gain d’acquisition de certaines actions attribuées gratuitement (régime de l’article 80 quaterdecies, I du CGI) ;
  • L’abattement de 40 % applicable à certains dividendes ;
  • L’abattement sur les plus-values mobilières réalisées par un dirigeant qui part à la retraite.

En revanche, les plus-values de cessions de valeurs mobilières sont retenues avant abattement pour durée de détention (de droit commun ou renforcé).

Le texte prévoit également que les « revenus exceptionnels » ne sont pris en compte que pour le quart de leur montant.

II. Impositions prises en compte pour déterminer le seuil de 20 %

Le seuil d’imposition est calculé en faisant la somme de l’impôt sur le revenu et de la CEHR payés au cours de l’année. Il ne tient donc pas compte des prélèvements sociaux.

L’impôt qui se rapporte à des « revenus exceptionnels » n’est pris en compte que pour le quart de son montant.

Certains RICI sont préservés de l’effet de la CDHR. Le calcul ne tient pas compte de la réduction d’impôt procurée par certains dispositifs, tels que :

  • Dons faits par les entreprises ;
  • CIR et CICE ;
  • Crédit d’impôts famille, etc.

D’autres dispositifs seront impactés à partir de 2026 :

En effet, l’impôt sur le revenu à comparer n’est pris en compte qu’après application d’autres réductions et crédits, tels que :

  • Réductions d’impôts immobilières (Scellier, Pinel, Denormandie, Malraux) ;
  • Dispositif « Loc’Avantages » ;
  • Dépenses en faveur d’aide aux personnes ;
  • Investissements forestiers ;
  • Souscriptions au capital de sociétés foncières solidaires, ESUS, IR-PME, etc.

Pour 2025, le texte prévoit que ces réductions d’impôts ne seront pas affectées si les « dépenses, souscriptions ou investissements  » sont engagés avant le 31 décembre 2025.

N.B. La notion d’engagement n’est pas définie par le texte.

Fonctionnement :

Ainsi, si la composition du revenu d’un contribuable et les réductions et crédits d’impôts dont il bénéficie aboutissent à ce que celui-ci acquitte un total d’IR et de CEHR inférieur à 20 % de son RFR ainsi défini, il sera soumis à une contribution équivalente à l’écart entre son niveau d’imposition global et 20 % de son RFR.

Par conséquent, le pilotage patrimonial des contribuables qui entrent dans le champ doit répondre à des arbitrages très fins :

  • La perception d’un revenu important peut modifier sensiblement la composition du RFR « CDHR » ;
  • Un investissement à effet de levier fiscal déjà engagé ou envisagé peut diminuer le RFR (et faire sortir du champ) ou au contraire diminuer l’impôt (et rendre une CDHR exigible).

Quel impact sur les régimes d’investissement immobilier à effet fiscal ? Nous détaillons l’interaction entre la CDHR et ces régimes fiscaux dans un second bulletin (2/2).

Ont participé à ce bulletin :

Marie-Bénédicte Rivière-Pain | Avocat associé sénior

Lucas Thieurmel | Avocat

Axel Bobé | Avocat

Pénal-fiscal : Quels sont les impacts d’une procédure pénale sur le délai de reprise de l’administration fiscale ?

Le délai de reprise est le délai dans lequel l’administration peut corriger des omissions, inexactitudes ou insuffisances lors de l’établissement ou du paiement de l’impôt. Au-delà de ce délai, la prescription est acquise. Il existe différents délais de prescription selon les impôts, délais qui peuvent être interrompus ou prorogés.

S’agissant de l’IR, l’IS et de la TVA, le délai de droit commun est de 3 ans. Ainsi, en 2025, l’administration peut rectifier l’IR ou l’IS des années 2022, 2023 et 2024, hors cas d’interruption ou prorogation.

L’impact d’une procédure pénale, combiné avec l’effet interruptif d’une proposition de rectification, peut entraîner un allongement vertigineux des délais de prescription.

I. Le dépôt de plainte pour fraude fiscale entraîne une prorogation automatique de 2 ans

Aux termes de l’article L. 187 du LPF, lorsque l’administration dépose une plainte contre le contribuable qui se livre à des agissements frauduleux, son délai de reprise est prorogé de 2 années supplémentaires.

  • Exemple : en cas de dépôt d’une plainte en 2025, le fisc peut rectifier l’IR des années 2020 et 2021 pourtant normalement prescrites.

Le texte précise que ces impositions deviennent caduques si la procédure judiciaire se termine par une ordonnance de non-lieu ou en cas de relaxe devant le tribunal correctionnel.

Quid du classement sans suite ? Le texte est muet sur ce point mais la jurisprudence semble considérer qu’il entraine également la caducité des impositions concernées.

En pratique, depuis l’ouverture du verrou de Bercy, le délai de reprise sera de plus en plus souvent allongé. En effet, l’administration est désormais tenue de dénoncer au parquet certaines rectifications (cf. nos minutes sur le verrou de Bercy et sur les pénalités).

N.B. Lorsque la plainte de l’administration aboutit à l’ouverture d’une enquête judiciaire pour fraude fiscale, le droit de reprise de l’administration peut remonter jusqu’à 10 ans (article L. 188 B LPF).

II. La révélation par une instance d’une omission ou insuffisance de déclaration peut entraîner une extension du délai à 10 ans

L’article L. 188 C du LPF prévoit que, lorsque des omissions ou insuffisances sont révélées par une procédure judiciaire (notamment pénale), le droit de reprise peut être exercé jusqu’à la fin de l’année suivant celle de la décision qui a clos la procédure et, au plus tard, jusqu’à la fin de la dixième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due. Il s’agit de révélations provenant, contrairement aux articles L. 187 ou L. 188 B du LPF, de procédures non déclenchées par le fisc et souvent sans lien avec des sujets fiscaux.

  • Exemple : si en 2025 une procédure révèle des omissions ou insuffisances, l’administration peut procéder à des rectifications au titre des années 2015 à 2024, indépendamment des années et de la personne visées par la procédure.

La notion de procédure est appréciée largement :

  • Les omissions ou insuffisances révélées peuvent concerner d’autres contribuables que ceux faisant l’objet de la procédure pénale ;
  • La notion d’instance inclut la phase d’information devant le magistrat instructeur.

L’administration doit néanmoins démontrer qu’elle n’était pas est en mesure de déceler les inexactitudes par elle-même, en employant les moyens à sa disposition. À défaut, il convient de contester l’application du délai spécial de reprise.

Frise récapitulative

Ces mécanismes peuvent se cumuler !

Ainsi, lorsque l’initiative de la plainte est le fait de l’administration :

  • elle bénéficie automatiquement de l’allongement de 2 ans en vertu de l’article L. 187 du LPF ;
  • si cette plainte aboutit à l’ouverture d’une procédure judiciaire pour fraude fiscale, le droit de reprise peut être allongé jusqu’à 10 ans ;
  • si l’instance ouverte a permis de révéler des insuffisances ou omissions, le fisc peut également profiter de l’allongement du délai de 10 ans de l’article L. 188 C.

Sans oublier l’effet interruptif d’une proposition de rectification (cf. notre brève sur ce point), qui ouvre un nouveau délai de même durée.

Il est donc fondamental de ne pas prendre à la légère une proposition de rectification, car si les conditions de la transmission automatique sont réunies, les enjeux sont particulièrement importants :

  • d’une part, en raison des risques inhérents à la procédure pénale,
  • et, d’autre part, en raison de ses répercussions sur la prescription fiscale.

Ont participé à ce bulletin :

Marie-Bénédicte Rivière-Pain | Avocat associé Sénior

Lucas Thieurmel | Avocat

Axel Bobé | Avocat

Manon de Saint-Léger | Avocat

Délai de validité des permis de construire* : quelles sont les subtilités à connaître ?

Afin de prévenir la caducité de ces autorisations, il appartient aux porteurs de projets d’être particulièrement vigilants. Les dispositions des articles R. 424 -17 et suivants du code de l’urbanisme encadrent la durée de validité des permis de construire, d’aménager et de démolir, qui sont « périmés » en l’absence de réalisation de travaux significatifs dans un délai de trois ans à compter de la notification de l’autorisation, ou de la date à laquelle une décision tacite est intervenue.

Le principe : le permis de construire est périmé si des travaux significatifs ne sont pas entrepris dans le délai de validité de trois ans

Une qualification casuistique du caractère « suffisant » des travaux à entreprendre dans le délai de validité de 3 ans

Pour apprécier le caractère suffisant des travaux engagés à la date d’expiration du délai de validité du permis de construire, le juge administratif procède à une appréciation casuistique, en prenant en compte la nature et l’importance des travaux réalisés au regard de la taille de l’opération autorisée.

La réalisation d’un acte formel comme le dépôt de la DOC ne constitue donc pas, à lui seul, un commencement d’exécution des travaux « suffisant » (Conseil d’Etat, 9 février 1977, n° 00114, Rec. Leb.).

Passé le délai de trois ans, les travaux ne doivent pas être interrompus pendant un délai supérieur à une année

Le second alinéa de l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme prévoit une caducité automatique du permis de construire si, passé le délai de trois ans, les travaux autorisés sont interrompus pendant un délai supérieur à une année.

Sont en revanche sans incidence sur la durée de validité du permis de construire les interruptions des travaux – peu important leur durée – qui interviennent dans le délai initial de validité (cf. Conseil d’État, 10 mai 2017, SCI La Bruyère et M. Rondeau, n° 399405, Tab. Leb).

Les subtilités : le délai de validité du permis de construire peut être suspendu ou prorogé

Un délai de validité est suspendu dans le cas d’un recours contentieux à l’encontre du permis de construire

En cas de recours contentieux contre l’autorisation d’urbanisme, le délai de validité est suspendu jusqu’au prononcé d’une décision juridictionnelle irrévocable (cf. article R. 424-19 du C. de l’urb.).

La jurisprudence récente du Conseil d’Etat est enfin venue préciser que le point de départ de la reprise du délai de validité n’est pas la date de lecture du jugement mais celle à partir de laquelle la décision juridictionnelle n’est plus susceptible de faire l’objet d’une voie de réformation, qu’il s’agisse d’un appel ou d’un pourvoi en cassation (cf. Conseil d’Etat, 21 février 2025, n° 493902, Tab. Leb.).

Une possibilité offerte au pétitionnaire, sous conditions, de proroger son autorisation d’urbanisme

Le délai de validité de l’autorisation d’urbanisme peut être prorogé deux fois pour une durée d’un an, sur demande de son bénéficiaire à condition que les prescriptions d’urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n’aient pas évolué de façon défavorable à son égard (cf. article R. 424-21 du C. de l’urb.).

Cette demande de prorogation doit être adressée par pli recommandé ou déposée à la mairie deux mois au moins avant l’expiration du délai de validité (cf. article R. 424-22 du code de l’urbanisme) et prend effet à la fin du délai de validité initial de l’autorisation.

Quelques précisions

Les recours contentieux formés à l’encontre des permis de construire modificatifs sont de nature à suspendre le délai de validité du permis initial

La délivrance d’un permis de construire modificatif est sans incidence sur le délai de validité du permis de construire initial (cf. Conseil d’Etat, 19 juin 2020, commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or, n° 434672).

Cependant, un recours contentieux formé par un tiers à l’encontre d’un permis de construire modificatif suspend le délai de validité du permis initial jusqu’à l’intervention d’une décision juridictionnelle irrévocable (même décision).

Un décret en cours de préparation ?

Un décret serait en cours de préparation au sein du ministère de l’aménagement des territoires et de la décentralisation, dont les mesures pourraient entraîner une prorogation exceptionnelle et bienvenue pour les autorisations d’urbanisme délivrées entre 2021 et 2024.

Affaire à suivre.

* Applicable aux permis de construire mais également, aux permis d’aménager, de démolir et aux déclarations préalables.

Abréviations

DOC : déclaration d’ouverture de chantier
C. de l’urb : code de l’urbanisme

Procédure fiscale – Rectifications, recouvrement par voie dématérialisée : quel impact ?

Une proposition de rectification est en général notifiée par courrier postal avec accusé de réception pour garantir la validité de la procédure. Néanmoins, la notification par voie dématérialisée tend à se généraliser. En parallèle, le décret de modernisation du recouvrement a modifié les règles de correspondance afin de permettre la notification dématérialisée des avis de mise en recouvrement.

Dans quelles conditions l’administration peut-elle notifier par voie dématérialisée sans porter atteinte aux droits du contribuable et donc sans risquer un vice de procédure ?

I. Le recours à des moyens de notification traditionnels

Certains actes peuvent être notifiés par lettre simple, notamment : 

  • demande de renseignements ;
  • lettre de rappel ;
  • avis de mise en recouvrement ;
  • décision sur réclamation, si le réclamant obtient entière satisfaction.

En revanche, dès lors que la justification de la réception des actes conditionne la régularité de la procédure, l’envoi se fait par LRAR.

Tel est le cas notamment pour :

  • les avis de vérification de comptabilité ;
  • les examens de la situation personnelle du contribuable ;
  • les propositions de rectification.

N.B. Pour ces différents actes, la jurisprudence autorise traditionnellement les remises en main propre.

Pour les propositions de rectification, l’article L. 57 du LPF dispose que « l’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. » 

Le texte est ainsi silencieux sur la forme de la notification, tandis que la doctrine mentionne quant à elle une notification « normalement » effectuée par voie postale.

La jurisprudence admet donc logiquement qu’il est possible de procéder par d’autres voies, à condition de justifier de cette notification par des modes de preuve offrant des garanties équivalentes (voir CE, 8 février 2012, 336125 pour un envoi par « Chronopost »).

II. Les enjeux de la modernisation des notifications

Mise en recouvrement modernisée

Le décret de modernisation du recouvrement de novembre 2024 permet qu’un AMR puisse être délivré par transmission sur le compte impôts.gouv du contribuable.

Si le message n’est pas ouvert, l’AMR est réputé notifié à l’issue d’un délai de 15 jours.

Or, une telle notification a un impact sur les possibilités de poursuite et sur les délais de procédure (délais de prescription du recouvrement, d’introduction de la réclamation contentieuse, etc.).

Proposition de rectification et “Escale”

Une jurisprudence naissante (CAA Paris, 28 juin 2024, n° 22PA05281) valide la transmission d’une proposition de rectification par le biais de ticket « Escale » (service de téléchargement de fichiers de la DGFiP).

Dans cette affaire, la CAA de Paris a retenu comme probante la capture d’écran de l’applicatif Escale (qui indique la date et l’heure de consultation du message et de téléchargement des fichiers contenus) et jugé qu’une telle notification présentait des « garanties équivalentes » à celles d’une LRAR.

L’enjeu porte sur la validité de la procédure : à défaut de date certaine, ou en cas de notification tardive, il pourrait bien y avoir prescription !

Points de vigilance :

La jurisprudence semble valider la notification de propositions de rectification par voie électronique (Escale) dès lors que le contribuable a effectivement téléchargé le document adressé et que la date de réception est donc justifiable.

Néanmoins, le doute demeure en l’absence d’un tel téléchargement. Contrairement aux règles de notification d’AMR, il n’existe pas de mesure disposant que le message est tout de même réputé notifié à défaut d’ouverture.

À l’inverse, le contribuable doit pouvoir justifier de la réception de ses envois par le service, étant précisé que c’est la date d’envoi qui fait foi pour l’application des différents délais de procédure.

Ainsi, les formes de transmission par voie électronique (échanges courriel avec le service ou via la messagerie sécurisée) doivent être maniées avec précaution.

Abréviations :

LPF : Livre des Procédures Fiscales
CE : Conseil d’État
AMR : avis de mis en recouvrement
DGFIP : Direction Générale des Finances Publiques
CAA : Cour administrative d’appel
LRAR : Lettre recommandée avec avis de réception

Immeubles sous arrêté de mise en sécurité : quels enjeux ?

En raison de la hausse du nombre d’arrêtés de mise en sécurité délivrés (NB : anciens « arrêtés de péril »), nombreux sont ceux qui se dirigent vers l’acquisition de ces biens proposés à des prix généralement attrayants. Cette démarche, non sans risques, nécessite une analyse des enjeux juridiques qui y sont associés. 

I. La prise de l’arrêté de mise en sécurité

Un immeuble présentant un danger pour ses occupants ou des tiers peut faire l’objet de mesures particulières prévues aux articles L. 511-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation.

A l’issue d’une procédure contradictoire et lorsque la situation l’exige, le maire (ou le Président de l’EPCI) peut prendre :

  • Un arrêté de mise en sécurité (auparavant : « arrêté de péril ordinaire ») ;
  • Un arrêté de mise en sécurité procédure urgente (auparavant : « arrêté de péril imminent »).

Ces arrêtés sont assortis de mesures à exécuter (travaux de réparation, démolition, interdiction d’habitation temporaire ou définitive).

II. La levée de l’arrêté de mise en sécurité

Une fois déterminés les désordres justifiant la mesure de mise en sécurité du bien, la réalisation des travaux nécessaires pour y remédier est à la charge des propriétaires concernés.

A ce titre, l’arrêté doit préciser le délai imparti pour réaliser les mesures prescrites (lequel ne peut être inférieur à 1 mois à partir de la notification de l’arrêté) ainsi que les conséquences en cas de non-réalisation (astreinte, exécution d’office aux frais du propriétaire…). Des sanctions pénales peuvent également être appliquées (amende, peine d’emprisonnement).

Une fois les mesures mises en œuvre, une constatation de leur réalisation et de leur date d’achèvement est établie par le maire, lequel prend alors un arrêté de mainlevée.

III. Les enjeux de l’arrêté de mise en sécurité

• La mise en copropriété

Les dispositions de l’article L. 126-17 du Code de la construction et de l’habitation prévoient que :

« Sont interdites, qu’elle soit en propriété ou en jouissance, qu’elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations :

1° Toute division par appartements d’immeubles qui sont frappés d’une interdiction d’habiter, ou d’un arrêté de péril, ou sont déclarés insalubres (…) »

L’acquisition d’un tel immeuble dont la revente à la découpe serait envisagée nécessiterait donc que soient préalablement réalisés les travaux nécessaires à la mainlevée de la mesure.

• Les meublés de tourisme

La loi dite « Le Meur » du 19 novembre 2024 est venue expressément sanctionner la mise en location de meublés de tourisme situés au sein d’immeubles frappés par des arrêtés de mise en sécurité par :

  • La restitution au locataire des sommes indûment versées (art. 2 de la loi modifiant l’art. L. 521-1 du CCH) ;
  • La suspension du numéro d’enregistrement (art. 1 de loi modifiant l’art. L. 324-1-1 du Code du tourisme) ;
  • Une amende dont le montant peut atteindre 50 000 € (art. 1 de loi modifiant l’art. L. 324-1-1 du Code du tourisme).

• La mise en location

L’immeuble sous arrêté de mise en sécurité ne peut ni être loué ni être occupé.

En cas d’interdiction temporaire d’habiter les lieux (ou lorsque les travaux nécessaires à la levée du péril rendent les lieux temporairement inhabitables), le propriétaire doit assurer l’hébergement du ou des locataires jusqu’à ce que les travaux prescrits soient réalisés, puis permettre leur retour dans les lieux.

En cas d’interdiction définitive, le propriétaire doit :

  • Assurer le relogement des occupants en leur présentant des offres correspondant à leurs besoins et possibilités ;
  • Verser une indemnité équivalant à trois mois du nouveau loyer afin de couvrir les frais de réinstallation.

Si les loyers cessent d’être dus à compter du jour qui suit l’envoi de la notification de l’arrêté comportant l’interdiction définitive d’habiter, le bail continue néanmoins de produire ses effets.

• La perception de subventions

La commune comme les propriétaires peuvent prétendre à des subventions de l’Anah à hauteur de 50 % du montant des travaux engagés pour la levée de l’arrêté de mise en sécurité (Rép. Min. n° 26194, JO Sénat, 14 avril 2022, page 1987).

L’immeuble sous arrêté de mise en sécurité, assimilable à un terrain à bâtir ?

Selon la doctrine administrative, un terrain à bâtir est un terrain ne comportant pas « d’ores et déjà des bâtiments au sens de construction incorporée au sol ».

Elle précise toutefois, par exception, qu’un immeuble dont « l’état le rend impropre à un quelconque usage devra être assimilé à un terrain à bâtir (ruine résultant d’une démolition plus ou moins avancée, bâtiment rendu inutilisable par suite de son état durable d’abandon, immeuble frappé d’un arrêté de péril, chantier inabouti, etc.) » (§120 du BOI-TVA-IMM-10-10-10-20).

Bien que la doctrine vise spécifiquement le cas de l’immeuble sous arrêté de péril, elle ne doit néanmoins pas avoir systématiquement pour effet de requalifier ces bâtiments en terrains à bâtir et seules les hypothèses les plus extrêmes sont susceptibles d’être concernées.

Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que les immeubles sous arrêté de péril puissent faire l’objet tant de cessions exonérées de TVA que de travaux éligibles aux taux de 10 % voire 5,5 %, toute autre condition satisfaite par ailleurs.